Le Répertoire des Ouvertures (2)

« Ce n'est pas en apprenant les variantes qu'on arrivera à bien jouer les débuts, mais en comprenant leur sens, leur but, les idées et principes généraux qui en sont la base. »
Eugène Znosko-Borovsky (1884-1954)

Après avoir appris les règles, le premier objectif du joueur de club doit être de se constituer un répertoire d'ouvertures fiable et varié. Cette phase est essentielle dans l'apprentissage du jeu en compétition.

Autant les stricts amateurs, jouant par pur plaisir, peuvent être obnubilés par la recherche rapide du mat, sans se soucier ni de l'ordre des coups, ni du matériel, autant le compétiteur doit avoir préparé son début de partie.

Huit conseils pratiques

Il n'y a plus de partition clairement écrite. Le soliste est livré à lui-même. Il faut être prêt à parer à toutes les éventualités.

A la longue, le fait de jouer systématiquement la même ouverture (ou la même défense apprise à ses débuts) risque d'être jugé comme un aveu de faiblesse. Cela facilite la préparation de vos adversaires.

C'est pourquoi la création d'une bibliothèque d'ouvertures « raisonnée » est indispensable à la pratique. Pourquoi ne pas développer son sens critique ?

1. Optez pour des systèmes « jouables »

Votre choix doit d'abord se porter naturellement sur des ouvertures « jouables » :

. Avec les Blancs, des systèmes qui vous permettent théoriquement de jouer pour la victoire (gain d'espace, avance de développement, etc.), étant donné votre avantage du trait.

. Avec les Noirs, des défenses qui vous offrent théoriquement des chances d'annuler, voire de lutter pour l'initiative : poussée réactive type 1...c5 dans la Sicilienne, etc.

2. Ne soyez pas aveuglé... par l'opinion des GMI

Certaines ouvertures ont été réfutées fondamentalement par les théoriciens, au fil du temps. C'est le cas du célèbre Gambit Roi (1.e4 2.f4), qui a quasiment disparu de la pratique à haut niveau.

Mais ne négligez pas aveuglement certains systèmes considérés comme « clairement inférieures » par les GMI. C'est le cas par exemple de la Sicilienne Dragon, une variante populaire à la fin du siècle dernier, dont on dit aujourd'hui qu'elle perd dans l'absolu. Encore faut-il que votre adversaire ait eu vent des longues suites de coups conduisant - peut-être !? - à sa réfutation... Et surtout, qu'il s'en souvienne !

3. Informez-vous des Nouveautés

L'arrivée massive des ordinateurs a encore accentué cette tendance à la réfutation des variantes par les Super GMI et leurs secondants.

C'est pourquoi il est impératif de se tenir informé des parties les plus récentes jouées par les champions, sur vos systèmes de prédilection.

L'histoire de la théorie est une quête incessante d'innovations. La maîtrise technique, seule, se révèle insuffisante sans une connaissance approfondie de ces nouveautés théoriques. Toutes ne sont pas d'un même niveau d'efficacité. Elles peuvent être « puissantes », « bonnes », « douteuses » ou « mauvaises ». Ne vous y trompez pas !

4. Analysez comme les champions

La presse spécialisée est l'un des meilleurs moyens de se tenir informé, comme la revue Europe-Echecs, où les champions décortiquent ces coups nouveaux.

Les bases de données vous faciliteront également la tâche. Elles vous permettent d'analyser vous-même tous les coups possibles, de les valider avec un programme et, pour chaque coup nouveau, de conservez le fruit de vos analyses.

Là encore, choisissez votre propre variante, celle qui correspond le mieux à votre style !

Ce sont souvent des joueurs de second rang qui trouvent les meilleures idées. Vous en avez peut-être !?

5. Jouez sur l'effet de surprise

Explorer inlassablement les variantes, afin d'y détecter des ressources nouvelles, telle est l'occupation majeure de l'analyste. A niveau de jeu sensiblement égal, l'effet de surprise constitue bien souvent le facteur déterminant de la victoire.

On peut comprendre qu'un coup n'ayant encore jamais été joué puisse déstabiliser l'adversaire. Ce dernier sort de sa préparation. Les échecs sont aussi un combat psychologique. C'est pourquoi, en compétition, on emploie les mots guerriers d'arsenal et d'armes stratégiques.

6. Une question de style

Vous devez travailler régulièrement vos ouvertures afin d'approfondir vos connaissances...C'est clair ! Mais une fois les ouvertures douteuses éliminées, quels systèmes faut-il adopter ? En toute logique, ce « choix » (qui n'en est donc pas un) s'impose naturellement.

Répondez d'abord à cette série de questions :

Etes-vous un joueur positionnel, tactique ? Avez-vous un jeu agressif, tranquille ? Aimez-vous défendre et jouer en contre ?

C'est une évidence : vos systèmes doivent correspondent à votre style : moins vous jouerez contre nature, plus vous vous sentirez à l'aise et plus vous prendrez du plaisir à pratiquer, et à étudier !

7. Plongez au cœur des systèmes

Mieux vous aurez compris l'essence même d'une ouverture, soit sa philosophie (pourquoi cette suite de coups a-t-elle été inventée ?), plus vous jouerez détendu. Et plus rapide et précise sera votre réflexion.

Vous avez compris le plan à court terme. Vous connaissez les objectifs à moyen terme. Vous savez où vous allez à long terme.

N'oubliez pas que l'idée même de « coups naturels » est indissociable de ce grand chantier qu'est la construction de la théorie. Autrement dit, si vous voulez moins souffrir que votre adversaire, soyez plus logique que lui, et restez cohérent.

8. Armez-vous de patience

L'immense variété des options possibles dans l'ouverture ne doit pas vous effrayer. Si votre main est sûre, la rigueur de votre préparation en profondeur sera un atout déterminant.

Il vous faudra également de l'abnégation et y consacrer du temps. Ne changez pas systématiquement d'ouverture après une défaite. Une seule variation infime ou un coup nouveau peuvent faire changer radicalement l'évaluation d'une position critique.

Ce travail d'analyse prend du temps. N'oubliez pas qu'un répertoire complet avec les deux couleurs ne se construit pas en un an.

A vous de jouer !


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