Rossolimo : la vision d'un artiste (3)

Nicolas Rossolimo et Willem Jan Muhring, 1948-49
« Les parties de Rossolimo abondent de belles combinaisons et son style est certainement l’un des plus plaisants à observer parmi les maîtres européens. » Harry Golombek

VERS LE TITRE DE GRAND-MAITRE

En grande forme après son match contre Tartakover, Rossolimo avait atteint un niveau qui allait bientôt le propulser dans l’élite des grands-maîtres. Il se distinguait de par un jeu original et créatif, toujours à la recherche du prix de beauté, comme l’atteste cette partie contre le maître autrichien Leopold Watzl (1911-1999):

Rossolimo « commente »

Watzl,Leopold - Rossolimo,Nicolas

Bad Gastein (13), 1948

Début irrégulier [B07]

1.e4 d6 2.d4 d7 3.f4 e5 4.f3 exd4 5.xd4 gf6 6.c3 c5 7.c4 e7 8.d2?!

Plus dynamique 8.¥e3! 0–0 9.0–0–0 et les Blancs sont un peu mieux.

8...0–0 9.0–0 c6 10.e5 b5! 11.¥b3 dxe5

« Si 11...¤xb3 12.axb3 dxe5 13.£xd8 ¦xd8 14.fxe5 ¥c5+ 15.¢h1 ¤g4 16.¤e4 et les Blancs tiennent tout. »

12.£xd8 ¦xd8 13.fxe5 ¤g4 14.h3 ¤xb3 15.axb3 ¥c5+ 16.¢h1 ¤xe5! 17.¤xe5 ¦xd2 18.¤e4 ¦xc2 19.¤xc5 ¦xc5 20.¦fd1! ¥e6 21.¦xa7!

21...¦e8!

« La finesse de 21…Te8 est d’attirer la tour blanche sur e7 permettant la ressource subtile 23…Td8 deux coups plus tard. La position se présente comme une étude, la manœuvre gagnante consistant à jouer la tour sur e8–f8–d8! »

« Naturellement si 21...¦xa7?? 22.¦d8#; Si 21...¦f8 22.¤d7 ¥xd7 23.¦dxd7 ¦c2 24.¦dc7 g6 25.¦ab7 ¦xb2 26.¦xc6 ¦xb3 27.¦cb6 avec de bonnes chances de nulle.; Et si 21...¦c8 22.¦c7 ¦d5 23.¦xd5 cxd5 24.¦b7! »

22.e7 f8 23.d7 d8 24.xc5 xd1+ 25.h2 f8 26.c7 d5 27.d7+ e8 28.b6 d3 29.b4 b3 30.xd5 cxd5 31.c2 xb4 32.g3 e7 33.f3 d6 34.e3 e5 35.d3 b3+ 36.d2 h5 37.c1 g6 38.e2+ d4 39.f2 g3 40.d2 f5 41.f4+ c5 42.f2 b4 43.c2 c4 44.f4+ d4 45.f2 d3+ 46.c1 b3 47.b1 e3 0–1

Une édition de plus, la 24ème, pour ce traditionnel et prestigieux tournoi de Noël qui renaissait à l’issue de la deuxième guerre mondiale. Il avait vécu des années flamboyantes durant les années trente. Le Hongrois Laszlo Szabo, hospitalisé d’urgence, fut remplacé au dernier moment par le Yougoslave Imre König qui résidait depuis quelques temps à Londres.

Rossolimo s’imposa sans trop de difficultés. Voici sa meilleure partie contre le Hollandais Willem Jan Muhring (1913-1999).

Tartakover « commente »

« Quel est le secret dans la maîtrise des échecs contemporains ? Est-ce la profondeur de la conception stratégique ou la subtilité des manœuvres tactiques ? Je dirais que c’est une fusion habile des deux, comme l’illustre cette magnifique partie. »

Rossolimo,Nicolas - Muhring,Willem Jan

Hastings (5), 1948

Partie italienne [C53]

1.e4 e5 2.f3 c6 3.c4 c5 4.c3 e7 5.d4 b6 6.0–0 d6 7.h3 f6 8.e1 0–0 9.a3 d8 10.d3

« Une manœuvre astucieuse. » Avec l’idée de renforcer la partie Rossolimo-Dunkelblum (Paris 1948) qui s’était poursuivie de manière instructive 10.f1 c6 11.c4 c7 12.b3 c5 13.dxe5 dxe5 14.e3 b6 15.d5 xd5 16.exd5 car sur d3 le fou est mieux placé.

10...c6

« Si 10...c5 renonçant à contrôler le point stratégique d5 11.c4 c7 12.dxe5 dxe5 13.e3 suivi de 14.Cd5 avec un net avantage positionnel. Rossolimo-Snaevarr (Reykjavik 1951). »

11.c4 c7 12.b3

« Un coup très ingénieux avec l’idée de jouer Fa3, gênant sérieusement le jeu noir. »

12...b5

« Ici 12…b6 donnait de meilleurs chances après 13.Fa3 c5. »

13.dxe5 dxe5

« 13…bxc4 14.exf6 dxf6 15.Fxc4 Dxc3 était dangereux pour les noirs. »

14.a3 c5 15.e3 a5 16.c2 b7 17.d5

« Forçant l’ouverture des lignes. Il était peu important de gagner un pion après 17.f5 c7 18.xb5 car après 18...e6 19.ad1 ad8 avec des contre-chances noires à ne pas sous-estimer. »

17...xd5 18.exd5 c7 19.xe5 xe5 20.f4 b4 21.xe5 d6 22.b2 bxc3

« Sinon suivrait 23.c4 et les blancs, non seulement, conservaient leur pion mais leur fou sur la diagonale ouverte deviendrait irrésistible. »

23.xc3 h6

« Pour empêcher 24.Tg5. »

24.f1 b7

« Mais pas 24…Cxd5? 25.Txd5 Dxd5 26.Fe4 +– »

25.c4 ad8 26.f3 b6 27.g3 d6

« Menace Cb5–d4 pour intercepter l’action du fou adverse sur la grande diagonale. »

28.d3 a6?

« Il était préférable de prêter attention à la consolidation de l’aile roi avec 28…Cfe8 (28…Cxc4 P. Schmidt) »

29.xg7+!!

« Le coup tant attendu est exécuté. Le mat ou la perte de la dame ne peuvent être évités. »

29...xg7 30.g3+ h7 31.d3+ de4 32.xe4 c4+ 33.d4 cxd3 34.xb6 xd5 35.d4 1–0 La partie la plus brillante du tournoi selon le bulletin.

Une autre prouesse technique fut sa victoire contre le Britannique Sir Theodore Henry Tylor (1900-1968). Ce joueur, qui devait finir sa carrière presque aveugle, se classa second du championnat de Grande Bretagne en 1933 devancé par le légendaire Sultan Khan.

Rossolimo « commente »

Tylor,Theodore - Rossolimo,Nicolas

Hastings (6), 1948

Est-Indienne [A53]

1.d4 f6 2.c4 d6 3.f3 bd7 4.g3 e5 5.g2 exd4 6.xd4 g6 7.0–0 g7 8.a4

« Une manœuvre originale, le coup usuel est 8.e4. »

8...a5 9.b5 0–0 10.1c3 c5 11.e3 e7 12.d4

« Ici 12.Fg5 était préférable, par exemple 12…Fe6 13.Cd5! Fxd5 14.cxd5 etc. A présent les noirs vont profiter de l’occasion pour obtenir une meilleure partie. »

12...c6! 13.xf6 xf6 14.xd6 e6! 15.ce4

« Les noirs menaçaient 15…Td8. »

15...xe4 16.xe4 xb2 17.b1 a3!

« Un moment important de la partie. Le fou noir doit arriver en b4 pour protéger l’aile dame affaiblie. Sur 17…Fg7 les blancs joueraient 18.Dd6! »

18.c5 ad8 19.c2 b4 20.fd1 f5 21.c4 fe8!

« Une finesse qui permet aux noirs d’occuper la colonne d. Insuffisant serait 21…Txd1 22.Txd1 Fxe4 23.Dxe4 Dxe4 (23…Te8!) 24.Fxe4 Fxc5 25.Td7! »

22.xd8 xd8 23.c1 d5!

24.f3?! e5?!

Meilleur 24…Fe6! avec la menace 25…Td1, si 25.Tf1 f5 26.Cd6 Txc5 –+

25.d6 xc5 26.xf5 g5! 27.xc5 xc5 28.xc5 gxf5 29.xa5 c1+ 30.g2 c4 31.a7 b4 32.a5 b5 33.h4 g7

« La cadence imposée étant de 34 coups en deux heures, les noirs mettent un coup neutre sous enveloppe pour pouvoir analyser ensuite. »

34.e3 g6 35.g1 g7 36.g2 h6 37.a6 bxa6 38.f1 b4

« Il faut empêcher la tour noire d’occuper la 4ème traverse, après quoi la partie serait nulle. »

39.xa6 c5 40.a1?

« 40.Tc6 permettait une résistance plus efficace. »

40...c4! 41.xc4?! xc4 42.d1 f4!

« Les blancs allaient jouer 43.Td4! suivi de 44.Tf4! créant une forteresse forçant la nulle. Le coup 42.f4! empêche cette manœuvre. Mais il faut également éviter l’arrivée de la tour en e3 rendant le gain très difficile. »

43.exf4 e2 44.d6 f6 45.d8

« Ici les blancs pouvaient par 45.f5 tenter d’installer leur tour sur la case critique f4, mais étant donné l’absence du pion e3, les noirs auraient alors forcé le gain en sacrifiant plus tard la dame contre la tour en f4. »

45...g6 46.g8+ f5 47.g7 e8

« Il faut empêcher la tour de s’installer sur e3. »

48.g2 a8+ 49.g1 c6 50.h2 e4 51.g2 d3+ 52.g1 d6 53.b7 a3 54.b6 a2 55.g2?

55.Tb8 donnait encore du fil à retordre, par exemple 55…Re2 56.Te8 Rf3 57.Tf3 Rg4 58.Rg2 etc. »

55...e2! 56.d6 a8+

« Maintenant la résistance des blancs est brisée. »

57.g1 a1+ 58.h2 xf2 59.d2+ f3 60.d3+ g4 61.d2 e1 62.g2 f1 0–1

Rossolimo remporte à nouveau le championnat de Paris individuel au Cercle Caïssa.

La guerre froide bat son plein, en mars 1947 à Moscou les quatre grandes puissances (France, Grande Bretagne, URSS et USA) n’étaient pas parvenues à se mettre d’accord sur le destin de l’Allemagne. En février 1948 les communistes, soutenus par Staline, se sont emparés du pouvoir à Prague et en mars à Berlin l’URSS prend ses distances en quittant la conférence où les gouverneurs militaires des puissances alliées devaient décider du sort de l’Allemagne. En juin débute le blocus de Berlin de la part des Soviétiques. En Grèce se sont les communistes qui sont exécutés par centaine devant la menace d’une guerre civile (213 exécutions en mai).

La division touche également la planète échecs puisque Rossolimo se voit interdire par la FFE de participer à une manifestation échiquéenne organisée par la FSGT en février 1949.

Rossolimo honorera de sa présence la manifestation sans toutefois participer aux compétitions.

« Une décision incompréhensible du Bureau Fédéral de la FFE nous a privés du concours du Champion de France, N. Rossolimo. Nous tenons cependant à remercier le maître Rossolimo de son acceptation spontanée et aussi de sa présence à notre manifestation. » Bulletin Ouvrier des Echecs

Le héros fut Robert Wade (1921-2008).

« C’est le jeune champion de Nouvelle-Zélande, R.G. Wade, qui était la vedette. Wade n’est pas seulement un maître connu et apprécié dans les nombreux pays où il a disputé des tournois. Il est également secrétaire de la Fédération néo-zélandaise des Echecs et c’est un grand ami des Echecs Ouvriers. Comme nous il pense que le jeu d’échecs doit toucher toutes les couches de la Société et en particulier le monde du Travail. »

Le Bulletin Ouvrier des Echecs.

Nouveau grand triomphe de Rossolimo !

« Le congrès de Southsea a vu une nouvelle grande victoire du champion de France qui, dans un tournoi système suisse avec 28 participants, a remporté la victoire. Rossolimo marche à pas de géant vers le titre de grand-maître. » Le Bulletin Ouvrier des Echecs

Belle victoire positionnelle de la part de Rossolimo face au Docteur écossais James M. Aitken (1908-1983) qui avait participé avec un autre très fort joueur d’échecs, Conel Hugh O’Donel Alexander (1909-1974) au décryptage d’Enigma, une machine électromécanique portable servant au chiffrement et au déchiffrement de l'information.

Elle fut utilisée par l'Allemagne nazie et ses alliés, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, la machine étant réputée inviolable par ses utilisateurs. Néanmoins un nombre important de messages Enigma ont pu être décryptés près de sept ans avant la guerre. Alexander et Aitken faisaient partie des cryptanalistes d'Enigma à Bletchley Park près de Londres. Ils étaient membres des services secrets britanniques qui avaient financé une machine de cryptanalyse qui n'était pas encore opérationnelle.

Les informations obtenues grâce à cette source leur donnèrent un certain avantage dans la poursuite de la guerre. Il a été estimé que le conflit en Europe a été écourté d'au moins deux ans grâce à la cryptanalyse des chiffres et des codes allemands.

Rossolimo « commente »

Aitken,James - Rossolimo,Nicolas

Southsea (7), 1949

Sicilienne Boleslavski [B59]

1.e4 c5 2.f3 c6 3.d4 cxd4 4.xd4 f6 5.c3 d6 6.e2 e5 7.b3 e7 8.0–0 0–0 9.f3

Face au système Boleslavski ce coup mécanique contrôle d5 mais entrave l’avance du pion f. Possible est 9.f4!? a5! 10.a4 b4 11.h1 b6 12.f3 b7 13.e3 c7 avec des chances égales.

9...e6 10.d5 xd5 11.exd5 b8 12.e3 fd7 13.e2

Si 13.Dd2 f5! =+ (Alexander)

13...g5!

« Le plan des noirs est d’échanger ce fou en vue d’affaiblir les blancs sur les cases noires. »

14.d2

« Sur 14.xg5 xg5 15.a5 d8! 16.d2 (16.xb7? b6) 16...c7 suivi des poussées f7–f5 et b7–b6 avec un jeu avantageux pour les noirs. »

14...xe3 15.xe3

« Après cet échange les noirs dominent. »

15...c7 16.c4 a5! 17.f4 a4

« La finesse de la manœuvre a7–a5–a4 est surtout d’empêcher le cavalier attaqué de s’installer sur la case centrale d4, même après 17…Ca6 18.fxe5 Cxe5 etc. »

18.d2 a6 19.f5?!

« Les blancs cherchent à obtenir des chances contre le roque ennemi. » Une erreur sur le plan positionnel qui va laisser les blancs sans aucun contre-jeu. Meilleur 19…Rh1 pour éviter l’échange des dames afin de développer une attaque sur l’aile roi.(Alexander)

19...c5

« Mais cette réponse neutralise toutes ces tentatives. »

20.xc5 dxc5

« Si 20…Caxc5 21.b4! »

21.f3 fb8

« Ce coup prépare la percée sur l’aile dame, toutefois si les blancs ne réagissent pas, les noirs, au lieu de pousser b7–b5, joueraient le roi via f8–e7 pour l’activer. »

22.e4?!

Facilite une finale mauvais fou contre bon cavalier. A considérer 22.f6!?

22...xe4 23.xe4 c5 24.c2 b5 25.b4 axb3 26.axb3 bxc4 27.bxc4

« Maintenant les noirs ont réussi à neutraliser le pion blanc sur l’aile dame et conserveront cet avantage. »

27...h6

« Sur l’immédiat 27…Rf8 la réponse serait 28.f6. »

28.h3 f8 29.xa8 xa8 30.b1 e7 31.h2 a2 32.d1 f2 33.a1

« Sur 33.g4 c2 34.b4 c3 les blancs seraient condamnés à une passivité totale en raison de leur tour immobile. Par leur ultime effort du texte, ils chercheront une vaine contre-chance. »

33...xf5 34.a7+ f6 35.g4 f1 36.d7 b1 37.e8 b7 38.a1 g6 39.f1+ g7 40.g4 e7 41.b5 

« Les blancs n’ont pas seulement un pion en moins, mais il leur manque pratiquement même une pièce, le fou b5 ne pouvant jouer. Maintenant les noirs vont cueillir les fruits de leur stratégie efficace. »

41...e4 42.e1 f5 43.gxf5 gxf5 44.g3 f6 45.d1 e5 0–1

« C’est seulement après d’héroïques efforts dans ses trois dernières parties que le représentant de la France acheva son triomphe. Il ajourna trois fois son combat avec Wood de Londres dans la 8ème ronde et gagna superbement en 87 coups. » L’Echiquier de Paris

Voici sa victoire contre Baruch Harold Wood (1909-1989) fondateur de la revue Chess.

Rossolimo « commente »

Rossolimo,Nicolas - Wood,Gabriel

Southsea (8), 1949

Est-Indienne [E90]

1.d4 f6 2.c4 g6 3.c3 g7 4.e4 d6 5.f3 bd7 6.e2 e5 7.d5 a5 8.c2 c5 9.e3 g4 10.xc5 dxc5 11.h3 h6 12.g4 f6 13.0–0–0 f7 14.dg1 d6 15.h4 d7 16.h5 g5

« Les noirs, par leur dernier coup, pensent avoir stoppé l’attaque des blancs sur leur aile roi et se préparent à attaquer sur l’aile opposée par b5. Mais l’exécution de ce plan entraînerait une grande faiblesse des pions de leur aile dame. Quant aux blancs, maintenant que la case f5 est affaiblie, leur plan consistera à échanger le fou de cases blanches contre le leur, puis les cavaliers, après quoi le deuxième cavalier blanc sera plus fort que le fou de cases noires de l’adversaire. Ils y parviendront aux 28ème et 38ème coups. »

17.d2 h6 18.f1 0–0 19.e3 h8 20.d3 b8 21.d2 d8 22.e2 f8 23.b1 e8

« Les noirs piétinent. 23…b5? Serait naturellement anti-positionnel, affaiblissant le pion c. »

24.f3 e7 25.hc1 f8 26.d1 e8 27.c2 f7

« Si 27…a4 28.a3 et le pion a4 serait en danger. »

28.a4 xa4 29.xa4 e8 30.c2

« Les blancs évitent l’échange des dames qui conduirait à la partie désespérément nulle. Voir la percée blanche au 80ème coup. »

30...d7 31.f2 fb8 32.b3 f8 33.a4 b6 34.c3

« Les blancs ont provoqué l’affaiblissement de la case c6. »

34...e7 35.e2 f8 36.c2 a7 37.a3 aa8 38.ab5 xb5 39.cxb5!

« Dégage la ligne c, voir les commentaires du 66ème coup noir. »

39...d6 40.c4 a7 41.c2 ba8 42.a4

« Le cavalier doit aller en f5, si tout de suite 42.e2? alors 42...a4! »

42...h7 43.e2 h8 44.g3 h7 45.f5 d8 46.g3 d7 47.bc1 d8 48.h3 d7 49.e3 h8 50.f5 « Le coup sous enveloppe. »

50...h7 51.c4

« Avant d’entreprendre les opérations importantes, prudemment les blancs usent d’une manœuvre de roi qui leur permettra de rattraper le retard de 50 minutes à la pendule ! »

51...d8 52.g2 d7 53.f1 d8 54.e2 d7 55.e1 d8 56.f2 d7 57.g1 d8 58.h1 d7 59.h2 d8 60.g3 d7 61.b1 « Préparation de la manœuvre décisive. »

61...d8 62.cc1 d7 63.a3!

« Ce coup permet à la dame de quitter son poste de blocage en a4. »

63...d8 64.c4 d7 « Si 64...a4 65.b4! » 65.e2 d8 66.c2!

« Avant de percer le front par b3–b4, il est indispensable de doubler les tours sur la ligne c et la case c2 est la seule que la tour peut occuper. »

66...a4

« Ayant perdu patience, les noirs cherchent à forcer les évènements. S’ils continuaient à rester passifs, la suite pourrait être 66...d7 67.bc1 d8 68.b4 axb4 69.axb4 f8 70.bxc5 xc5 71.xc5 bxc5 72.c4 et les blancs doivent gagner. »

67.b4! cxb4 68.xd6 b3 69.c6! cxd6 70.c4 g7 71.c1 f7 72.b4 e7 73.1c4 b8 74.c3 d7 75.f2

« Il est indispensable, à nouveaux, de transporter le roi sur l’aile dame car les opérations vont commencer, maintenant, sur le flanc droit. Le pion b3 doit aussi être surveillé. »

75...b7 76.e2 ba7 77.d2 b7 78.c1 ba7 79.b1 b7

80.f4!! ba7

« Si 80...gxf4 81.h3! suivi par 82.g5! avec une pénétration décisive.; Et si 80...d8 81.fxg5 fxg5 82.f3 f8 83.xf8 xf8 84.xa4 et gagnent. »

81.h3

« Préparation pour occuper la ligne f. »

La position est extrêmement intéressante 81.e3! avec pression sur b6 pour pousser à la faute et pénétrer via les cases blanches était très intéressant, si 81...gxf4? (Ou 81...exf4 82.d3! suivi de 83.e5! +–) 82.h3 suivi de 83…g5!

81...d8 82.fxg5 fxg5 83.c1 e7

Plus coriace 83...e8!? 84.e3 b8 85.f1 mais les noirs sont mal.

84.c3

Pourtant le simple 84.Txb6 était décisif. « Si 84.f1 f8! »

84...d8?

« 84...f6 85.c7+ e8 86.c6+ f8 87.xb6+– »

85.f1!

« Après ces nombreuses péripéties, les blancs parviennent à s’emparer de la 2ème colonne. Les noirs ne peuvent plus contrôler les agissements de l’adversaire et sont maintenant irrémédiablement perdus. »

85...e7

« Pour parer 86.Df3, sur quoi les noirs peuvent jouer à présent 86…Df8. »

86.f5 d7 

« 86...b7 87.f3! g8 88.f6+– »

87.xe5+!! 1–0 « Une de mes meilleures parties. »

En mars 1949 nouvelle proposition de la FSGT :

« Nous avons beaucoup regretté le conflit qui a surgi à l’occasion de la venue du Maître Wade et du refus opposé à la participation de Maître Rossolimo.

Nous voudrions effacer ce mauvais souvenir immédiatement et l’occasion nous est offerte par la venue prochaine à Paris de plusieurs Maîtres internationaux et dans l’immédiat Pachman qui doit être à Paris vers le 25 avril.

Nous avons pensé que nos deux Fédérations se devaient d’organiser en commun une manifestation digne de nos hôtes et du mouvement des échecs en France.

Nous proposons une rencontre Pachman-Rossolimo qui ferait suite à leur match à Southsea. »

A nouveau la FFE fait la sourde oreille :

« Le Comité de la FFE est d’avis qu’une rencontre entre Maîtres étrangers et français ne peut se préparer et se conclure que directement entre les Fédérations nationales intéressées. Donc dans le cas de Maître Pachman, entre les Fédérations Tchèque des Echecs et la FFE, toutes deux membres de la FIDE. Aussi décline-t-il la proposition que vous lui aviez faite. »

La guerre froide s’intensifie entre les deux blocs et tout est sujet de discorde, même sur la planète échecs. Un film sur le Championnat du Monde de 1948, tourné à La Haye et Moscou, est jugé trop pro soviétique et sa projection le 23 avril 1949 à Paris sera boudée par le Comité de la FFE.

Edmond Lancel, rédacteur de la célèbre revue « L’Echiquier », résuma parfaitement le fond du débat : « J’aime les échecs et non les échecs au service de la politique. »

Le nouveau Champion du Monde, Botvinnik, n’hésitait pas quant à lui, à utiliser des échecs au service de la politique et affichait avec fierté son appartenance au parti communiste. Voici ce qu’il écrivit à Staline après sa victoire au tournoi de Nottingham en 1936.

« Cher et très aimé maître et dirigeant,

C’est avec un sentiment de très grande responsabilité que je me suis rendu au tournoi d’Échecs de Nottingham pour y défendre l’honneur des échecs soviétiques dans le plus grand tournoi de ces dernières années. Mon ardent désir de défendre l’honneur des échecs soviétiques rendit mon jeu plus fort, plus intelligent, plus énergique. Je suis infiniment heureux d’être à même d’annoncer la victoire d’un représentant soviétique dans un tournoi où figurait l’ex-champion du monde Capablanca.

Ceci ne fut possible que grâce au soutien de tout mon pays, à l’attention de notre gouvernement et de notre parti, et, par-dessus tout, grâce à vous, notre grand dirigeant qui ne cesse de prendre soin de porter notre grand pays à des honneurs inégalés et de susciter les représentants d’une jeunesse soviétique saine et joyeuse, présente dans tous les secteurs de la construction socialiste.

Inspiré par votre grand slogan surmontez et dépassez, je suis heureux d’avoir pu le réaliser, même si ce n’est que dans un domaine très réduit, celui que notre pays m’avait assigné pour y combattre. » Mikhaïl Moïseevitch Botvinnik

Cette situation engendra un dilemme pour Rossolimo car une grande partie des meilleurs joueurs se trouvaient à l’Est et, de plus, il réalisa qu’il ne pouvait compter sur la France et la FFE pour l’aider dans la poursuite d’une carrière internationale. Il chercha, grâce à sa notoriété grandissante, à s’imposer seul dans des tournois européens.

(Dans ce contexte de guerre froide Sammy Reshevsky se vit refuser par son gouvernement de participer au tournoi des candidats de Budapest 1950)

Ceci implique que Rossolimo doit vivre au jour le jour, compter avant tout sur ses revenus de chauffeur de taxi pour faire vivre femme et enfant car ce n’est pas quelques petites exhibitions dans les clubs parisiens qui peuvent l’éloigner de la précarité du statut de joueur d’échecs.

Une partie en consultation l’oppose au Grand-Maître Bernstein. Il dispose du soutien du futur champion de France, Hugot, alors que Mme Chaudé de Silans est au côté de Bernstein.

Bernstein - Rossolimo

Paris, 1949

Espagnole [C91]

1.e4 e5 2.f3 c6 3.b5 a6 4.a4 f6 5.0–0 e7 6.e1 b5 7.b3 d6 8.c3 0–0 9.d4 g4 10.e3 exd4 11.cxd4 a5 12.c2 c4 13.c1 c5 14.a4?!

Critique est 14.b3 pour interroger le cavalier.

14...cxd4 15.xd4 xf3 16.gxf3 e5 17.d1 c8 18.e3 c4 19.a7 d5 20.xa6 b4 21.f1 dxe4 22.xb5 d5?!

« Ici les noirs, pressés par le temps, trébuchent. Par 22...d6! ils pouvaient mieux profiter de l’absence de la dame blanche du centre des évènements. » Bernstein Si 23.d2 b4 et les noirs ont l’initiative et des possibilités d’exploiter la position affaiblie du roi blanc. Si 24.e2 (24.a6 exf3–+) 24...xb2

23.f4! xe3 24.fxe3 d3

L’attaque à tout prix. 24...c1! était meilleur, si 25.e2 indiqué par Bernstein 25...xf1+ 26.xf1 h4 27.xb4 f3 28.xf3 exf3 29.d2 d8 30.c2 h3+ 31.e1 h4+ avec échec perpétuel.

25.fxe5 £xe3+ 26.¢g2 ¦fc8 27.¤c3 ¥xc3 28.bxc3 ¦xc3 29.¦a2 1–0

Du 6 au 13 juin 1949, Rossolimo participe au tournoi de Heidelberg, il doit se contenter d’une deuxième place, derrière le talentueux Wolfgang Unzicker (1925-2006), après avoir commis un faux pas dans la première ronde face à Robert Wade.

Il signe une belle victoire face à Lothar Schmid (1928-2013).

Schmid,Lothar - Rossolimo,Nicolas

Heidelberg (4), 1949

Espagnole [C92]

1.e4 e5 2.f3 c6 3.b5 a6 4.a4 f6 5.0–0 e7 6.e1 b5 7.b3 0–0 8.c3 d6 9.h3 a5

Une ligne de jeu qui était à la mode préconisée par Bondarevsky.

10.d4 exd4 11.xd4

Après 11.cxd4 a4 12.Fc2 Cb4 permet de gagner la paire de fous au prix toutefois du développement car 13.d5! avec la menace Cf3–d4–c6 assure un avantage blanc.

11...xd4 12.cxd4 b7 13.c2 c5 14.a4 b4 15.d2 cxd4 16.b3 d5 17.e5 e4 18.xd4

Les blancs n’ont rien obtenu si ce n’est un pion isolé chez l’adversaire. Rossolimo va amener le jeu sur le plan tactique en dynamisant l’action de ses pièces.

18...f6!? 19.e6?

Golombek a proposé 19.xe4 dxe4 20.e6 xd1 21.xd1 fe8 22.c7 ed8 23.f4 ac8 =+ et les noirs disposent de la paire de fous.; Critique devait être 19.exf6 (Lauterbach) 19...xf6 20.f3 c5! 21.e3 (21.fxe4 dxe4 22.e3 d6) 21...d6 22.d3 +=

19...b6 20.xe4

Intéressant était 20.xf8 xf2+ 21.h1 (21.h2? g3+ 22.g1 c5+–+) 21...g3+ 22.h2 et ici 22...d4? donné comme complètement gagnant par les commentateurs de l’époque est réfuté par (22...xf8!? 23.e3 f1+ 24.xf1 xe3 avec des compensations pour la qualité car le pion e5 doit tomber. 25.exf6? d6+–+) 23.xh7+ xf8 24.d2 f1+ 25.xf1 xf1 26.d3+–

20...xe6 21.exf6

Après 21.c2? fxe5 les noirs ont un pion de plus avec un centre imposant.

21...dxe4 22.fxe7 xe7

« Nous sommes arrivés dans une position dans laquelle les noirs disposent de trois avantages, la colonne f ouverte, le roque blanc affaibli par la poussée h3 et les fous de couleurs opposées qui favorisent l’attaquant devant la difficultés de défendre les cases blanches. » Golombek

23.b3+ h8 24.e3 a6 25.ac1 g6 26.c5?!

La lutte restait incertaine après 26.Dd1!? pour répliquer à 26…Dh4 avec 27.Dd7 et défendre le pion h3.

26...h4 27.h2?

Les blancs pouvaient encore se défendre avec 27.Dc2 Dxh3 28.Tg5! (Golombek)

27...xg2+!! 28.xg2 xf2+! 0–1 Sans attendre 29.xf2 e3+ 30.d5 xf2+ 31.h1 xe1+ 32.h2 f2+ 33.h1 e2 suivi du mat.

Peu après, toujours en juin 1949, Rossolimo se classe à un demi-point des vainqueurs, le Letton Elmars Zemgalis (1923-2014) et l’ex-candidat au titre Efim Bogoljubov (1889-1952) ex-æquo avec l’Allemand Herbert Heinicke (1905-1988).

Il réussit un prix de beauté contre le champion belge O’Kelly (1911-1980).

Rossolimo,Nicolas - O'Kelly de Galway,Alberic

Oldenburg (14), 1949

Sicilienne Rossolimo [B31]

1.e4 c5 2.f3 c6 3.b5 g6 4.0–0 g7 5.c3 e6?!

Tartakover recommandait 5…Db6, usuel est 5…Cf6.

6.d4! cxd4 7.cxd4 b6?!

Le fou g7 était mal placé après 7…d5 8.e5, par conséquent les noirs décident d’interroger le pion d4 en attaquant le fou. Tartakover était d’avis que 7…a6 était adéquat.

8.a3! xd4 9.c4

Le fou est tabou à cause de l’échec familial sur d6.

9...xf3+ 10.xf3 c7 11.f4 e5

12.xe5!?

Rossolimo dans son élément, l’avantage de développement est tel qu’il peut se permettre cette fantaisie tactique mais plus efficace était 12.fd1! (Rellstab) avec la variante 12...exf4 13.d6+ f8 14.xf4 h6 15.ac1 d8 16.xc8 (16.xc8 xc8 17.xd7 xc1+ 18.xc1 e8 19.d2+–) 16...xc8

12...xe5 13.ac1 b8

Faible était 13...xf4 14.xc7 xc7 15.c3; L’autre possibilité était 13...d6 14.fd1+– et toutes les pièces blanches attaquent. Une conclusion possible 14...xf4 (14...f6 Tartakover 15.a3! e7 16.xe5+– récupère la pièce avec attaque 16...xe5 17.xc8+!) 15.xd6 xd6 16.d3 e7 17.e5! xe5 18.xc8 xc8 19.xd7+ etc.

14.xc8+! xc8 15.xe5 f6 16.xf6 xf6 17.xf6 f8 18.e5+ d8

18...f7 19.a4 g8 20.b3+ f7 21.f6 e8 22.d1+–

19.g5+!? e8 19...c7 20.c1++– 20.c1 d8? Plus résistant 20...b8

21.e5+ e7 22.xd7+! f7 23.e6+ e8 24.c7 1–0

« Je me demande si O’Kelly a commencé à étudié la variante qui porte maintenant son nom -1.e4 c5 2.Cf3 a6!?- pour oublier le cauchemar de la débâcle ci-dessus. Après tout, 2…a6!? est la marque d’un homme désespéré qui veut éviter la venue du fou sur b5. » GM McDonald

En juillet Rossolimo devance à nouveau O’Kelly au tournoi de Gijon en Espagne.

Rossolimo, retenu au tournoi de Trencianske-Teplice en août 1949, ne défend pas son titre de champion de France et c’est le jeune Claude Hugot (20 ans) qui lui succède.

Il se classe dans le haut du tableau après avoir débuté par une défaite de la part du futur vainqueur le Suédois Gideon Stahlberg (1908-1967).

Une petite miniature contre le Finlandais Kaarle Ojanen (1918-2009) retient l’attention.

Rossolimo,Nicolas - Ojanen,Kaarle Sakari

Trencianske Teplice (4), 1949

Sicilienne Scheveningue [B85]

1.e4 c5 2.f3 c6 3.d4 cxd4 4.xd4 f6 5.c3 d6 6.e2 e6 7.0–0 e7 8.e3 a6 9.f4 c7 10.e1 d7 11.g3 0–0 12.ae1

Une position basique de la variante de Scheveningue. A l’époque ce coup fut présenté comme une nouveauté par rapport au logique 12.Tad1. L’idée est que les blancs projettent d’installer le fou en d3 pour amorcer une attaque sur le roque adverse et la tour se prépare à soutenir la poussée e4–e5.

12...h8

Plus tranchant est sans doute 12...b5 13.e5!? dxe5 14.fxe5 xe5 15.h6 e8 16.f4 d6 17.e4 avec des compensations selon Tal.

13.h1

Ce coup prophylactique évite toute surprise pouvant provenir de l’ouverture de la diagonale a7–g1.

13...b5 14.a3 ab8?!

14...b4!? 15.axb4 xb4 qui empêche le fou de s’installer sur d3 fut suggéré par le livre du tournoi.

15.xc6 xc6 16.d4 b4 17.e5!?

La position critique.

17...g8

Le livre du tournoi préfère 17...bxc3 18.exf6 xf6 19.xf6 gxf6 20.xc3 e5 +=; Car dangereux était 17...e8 18.d3 avec attaque si 18...bxc3? 19.h3 h6? 20.exd6+– illustre la puissance des fous blancs.

18.d3 bxc3 19.h3 e4?? La faute décisive.

Rien n’est clair après 19...dxe5 et l’ouverture de la diagonale a1–h8 n’est plus possible car si 20.xe5? (20.fxe5 e4 21.xe4 xe4 22.xe4 h6 23.xc3 gd8 fait mieux que résister.) 20...b7! 21.xf6?! xg2+–+

20.xe4! xe4 21.xe4 1–0 Après 21...h6 22.exd6 ouvre la diagonale avec la terrible menace 23.Dxh6.

Rossolimo dans son élément, l’attaque sur le roque. Le maître britannique Harry Golombek (1911-1995) n’a pas joué au mieux l’ouverture mais l’exécution est exemplaire.

Rossolimo,Nicolas - Golombek,Harry

Venice (13), 1949

Nimzo-Indienne [E29]

1.d4 f6 2.c4 e6 3.c3 b4 4.e3 c5 5.a3 xc3+ 6.bxc3 0–0 7.d3 d6 8.e2 c6 9.0–0 e5 10.e4 h5?!

Accepter le pion ouvre le jeu avec des compensations pour les blancs grâce à la paire de fous après 10...cxd4 11.cxd4 exd4 12.b2 b6 13.b1!? (Botvinnik).; La théorie recommande d’attendre avec 10...h6 car les noirs disposent de la meilleure structure s’ils parviennent en finale.

11.e3 b6

Intéressant 11...e7 12.f4 exf4 13.xf4 xf4 14.xf4 f5!?

12.f4 exf4?

Meilleur 12...e7!? pour pouvoir réagir avec la poussée f7–f5.

13.xf4 xf4 14.xf4 e7 15.h5 g6 16.f3

Les blancs sortent victorieux de la lutte pour le contrôle de la colonne f.

16...b7?!

Le fou va se retrouver hors-jeu par rapport à 16…Fd7.

17.f6 d8?! 18.d5! e5 19.f1

Il n’y a plus de défense contre la pression exercée via la colonne f.

19...c8 20.h6 f5 21.xf5 gxf5 22.exf5 1–0

Rossolimo participe pour la deuxième fois au traditionnel tournoi de Hastings et sa prestation « artistique » est perçue par Harry Golombek comme :

« Les parties de Rossolimo abondent de belles combinaisons et son style est certainement l’un des plus plaisants à observer parmi les maîtres européens. »

Il se classe second à un demi-point du candidat au titre, le Hongrois Szabo, mais devance l’ex-champion du monde Max Euve de 2 points.

Deux miniatures remarquables extraites de ce tournoi.

Rossolimo « commente »

Rossolimo,Nicolas - Winser,W Arthur

Hastings (7), 1949

Défense Caro-Kann [B17]

1.e4 c6 2.c3 d5 3.f3 dxe4 4.xe4 d7 5.d4 gf6 6.xf6+ xf6 7.e5

« Une nouveauté dans l’ouverture. »

7...e6?!

Trop passif car le fou de cases blanches se retrouve enfermé, 7…Fe6 ou 7.Ff5 ont la préférence pour s’opposer aux complications tactiques qui peuvent surgir sur la diagonale a2–g8.

8.d3! d6

8...xd4 9.xf7! b4+ (9...xf7? 10.g6+ gagnait la dame.) 10.c3 xc3+ 11.bxc3 xc3+ 12.d2 xd3 13.xh8; Ou encore 8...b4+ 9.c3 xd4 10.f3 xc3+ 11.f1

Une partie Rossolimo-Dunkelblum (1950) se poursuivit avec 8...d7 9.0–0 c7 10.e1 xe5 11.dxe5 h6 12.h5 c5 13.g5 e7 14.b5+ f8?! 15.xe7+ xe7 16.ad1 a6 17.d3+–

9.0–0 c7 10.e1 b6

« Si 10...0–0 11.f3 c5 12.h3 avec de bonnes chances d’attaque (12…cxd4? 13.Cg4) »

11.f3 b7 12.g5!

12...e7?

Critique était 12...c5 13.b5+ f8!? car l’analyse de Rossolimo n’est pas convaincante après 14.h3 cxd4? (14...e4!) 15.xf6 gxf6 16.h6+ e7 17.d7?! (17.g4!?) 17...e5?? (17...xh2+!) 18.xe5+–

13.ad1 c8

« A nouveau si les noirs roquent, les blancs ont une forte attaque après 15.Dh3! »

14.c3 h6?

« Ceci crée une faiblesse fatale, 14…a6 suivi de la poussée c6–c5 était un meilleur plan. »

15.h3! d6?!

« Si 15...d5 suivait 16.xe7 xe7 (16...xe7 17.g6!+–) 17.xf7! xf7 18.xe6+ e8 19.d5! cxd5 20.b5+ d8 21.c4! a6 22.cxd5 avec une terrible attaque. »

16.xf7!! xf7

« Si 16...xf7 17.xe6+ f8 18.xf6 gxf6 19.xf6+ g8 20.c4+ h7 21.e6 g7 22.f5+ suivi du mat. »

17.xe6+ e7 18.xf6 gxf6 19.de1 f8

« Si 19...¦c7 20.£g3! la pointe de toute la combinaison 20...¢d8 21.£xc7++– »

20.xe7 xe7 21.xe7 xe7 22.f5 d6 23.g3+ 1–0

Belle victoire contre le premier maître international norvégien Olaf Barda (1909-1971).

Barda,Olaf - Rossolimo,Nicolas

Hastings (3), 1949

Gambit Staunton [A83]

1.d4 f5 2.e4 fxe4 3.c3 f6 4.g5 c6 5.f3 e5!

A l’époque une nouveauté pour combattre le gambit Staunton.

6.d5 d4 7.fxe4

Plus logique est 7.¤xe4 ¥e7 8.¥xf6 ¥xf6 9.£d2 0–0 10.0–0–0 d6 11.c3 ¤f5 = et les noirs, avec la paire de fous, n’ont aucun problème.

7...e7 Menace 8…Cxd5. 8.c4?!

Trop optimiste, 8.Cge2 pour échanger le cavalier centralisé est à considérer.

8...d6 Risqué 8...xd5 9.xe7 xe7 10.h5+ g6 11.0–0–0 += 9.ge2 g4?!

10.xd4

Si 10.¥xe7 £xe7 11.¤xd4 Rossolimo avait préparé 11...¤e3! mais 12.¤f5! conduisait à des complications peu claires.

10...xg5 11.b5+?

Meilleur 11.¤e6 ¥xe6 12.dxe6 ¤e3 13.£e2 avec des chances à peu près égales.

11...c6! 12.xc6?

Si 12.dxc6 0–0! et le roi blanc au centre pose des problèmes.

12...bxc6 13.xc6+ e7!!

14.0–0

Après 14.¥xa8 £b6! 15.£e2 ¥a6 16.£xg4 £e3+ 17.¤e2 £d2+ 18.¢f1 ¦f8+ est le mat est imparable.

14...b8 Les blancs ont sécurisé leur roi mais cela a coûté une pièce. 15.e2 b6+ 16.h1 e3 17.f3 xe2 18.xe2 xb2 19.af1 f6 20.a3 a6 21.g3 d2 22.c3 e3 23.f5+ xf5 24.exf5 hb8 0–1

L’ex-champion du monde Max Euwe rendit un hommage appuyé dans la revue hollandaise « Schaakmat » à Rossolimo. Il voyait en lui un candidat sérieux au titre mondial dont le jeu profond et brillant, basé sur une bonne préparation des ouvertures, faisait de lui un des meilleurs espoirs en Occident.

Malgré ses succès, vivre du jeu pour celui qui est toujours présenté comme l’ambassadeur des échecs français est loin d’être une sinécure. Il doit continuer à conduire des taxis entre les tournois pour arrondir les fins de mois.

A Dubrovnik, la première Olympiade organisée après la deuxième guerre mondiale, Rossolimo joue pour la France au 2ème échiquier derrière Tartakower. Son jeu a atteint le niveau d’un Grand-Maître et la FIDE lui décernera le titre en 1953. Entre-temps, celui qui aurait du être le premier GMI français était devenu Américain !

En 1951, le numéro de décembre le « Bulletin Ouvrier des Echecs » apporte quelques précisions sur la décision prise par Rossolimo de quitter la France pour les Etats-Unis.

« Malgré la participation de maîtres dont la réputation n’est plus à faire, Rossolimo a enlevé avec brio le tournoi de Bilbao. Il a gagné toutes ses parties ! L’Argentin Pilnik et le Hollandais Prins, bien qu’ayant réussi des succès magnifiques ces derniers temps, n’ont pu résister à son jeu fulgurant.

Notons en passant, que ces deux maîtres ont d’ores et déjà gagné leur qualification pour le tournoi Interzonal de la FIDE qui aura lieu à Stockholm en 1952. Rossolimo y aurait fait très bonne figure, mais malheureusement, il n’y sera pas. Pourquoi ?

La carence des dirigeants de la Fédération Française des Echecs peut seule expliquer pourquoi aucun Français n’a disputé sa chance de qualification au tournoi zonal de Bad Pyrmont.

Nous déplorons cet état de choses, d’autant plus que nous apprenons dans une revue anglaise que Rossolimo songe à émigrer dans un autre pays où il pense que ses talents seront plus appréciés. »

Je tiens à remercier Gérard Demuydt pour la mise en ligne de mes articles. Le Musée Suisse du Jeu de La Tour-de-Peilz pour m’avoir permis de consulter l’importante bibliothèque de feu Ken Whyld. www.museedujeu.ch

 

Georges Bertola

 
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