L'échiquier des étoiles

La Terre en 2082 : Rien ne semble avoir changé aux yeux d'Eric, projeté dans un nouvel univers après un long sommeil cryogénique : les touristes se promènent à l'ombre de la tour Eiffel, des gamins jouent au base ball dans Central park, et la coupe du monde de football va bientôt commencer.

Et pourtant...

Depuis quarante ans, la Terre fait partie d'une Confédération galactique ; de rares vaisseaux spatiaux débarquent technologies de pointe et matières premières, sous le contrôle d'une ONU désormais toute puissante ; tandis que les Alfies restent cloîtrés dans leurs ambassades orbitales, des groupuscules Antéens multiplient les attentats. Car la Terre n'a finalement que peu de contacts avec les puissances extraterrestres : elle n'exporte en fait qu'une seule chose, la seule qui intéresse véritablement des Alfies hautains et inaccessibles: des jeux d'échecs.

Edition MELIS - 560 pages - Prix : 24,90 €

Ce livre est français et il va être le best-seller de cette année.

Ne vous laissez pas impressionner défavorablement par la présentation. Malgré un format imposant et une couverture qui n'est pas suffisamment accrocheuse, j'ai plongé dans le livre de Paul Carta avec l'étonnement et le ravissement d'un vieillard précautionneux dans un bain public peuplé de jeunes filles nues et rebondies.

Bien plus qu'un coup de fouet revigorant, aux effets souvent temporaires (combien de bouquins aux premières pages étourdissantes et qui s'enlisent lamentablement), L'échiquier des Etoiles a été un véritable plaisir de lecture, un retour aux sources du véritable roman d'aventures et d'action.

En 2082, Eric Delonges, grand maître international d'échecs, est réveillé de la cryogénisation dans laquelle il s'était réfugié, quelques quatre-vingts ans plus tôt, à la suite du deuil accidentel de sa femme et de sa petite fille Il a été rappelé à la vie sur l'ordre de l'ONU, cette organisation, si fragile et peu écoutée à son époque, devenue depuis la force politique mondiale.

En raison d'une toute petite nouveauté diplomatique : la Terre a été intégrée, un peu contre son gré, à la Confédération galactique, une alliance culturelle, technique et commerciale qui rassemble 31 races extra-terrestres. La Terre, n'ayant pas prouvé son niveau de technologie en matière de déplacement planétaire, est acceptée à titre provisoire, et plusieurs des autres races lorgnent sur cette planète peuplée de petits animaux.

L'Onu se propose de renverser l'image négative des humains en gagnant le premier tournoi d'échecs intergalactiques. Un véritable programme de réanimation et d'entraînement a donc été monté pour Eric, afin de réactiver ses capacités de compétiteur.

Pourra-t-il se motiver suffisamment pour cet objectif ?

Carta a le don des histoires, le sens du suspense, le génie des personnages.

Et puis il manie avec aisance le langage scientifique, notamment celui de la psychothérapie comportementale, pour rendre plausible l'épisode important du retour d'Eric à la réalité contemporaine : l'auteur est capable de faire ressentir, presque physiquement, les nouvelles données perceptibles et les nouveaux concepts de ce monde futur. Il a même la prétention de rendre l'intrigue de plus en plus palpitante, et ce en commentant des parties d'échecs, en faisant pénétrer le lecteur dans les arcanes de ce combat virtuel, pour lui communiquer le sens de la stratégie et le goût de la victoire.

Pour tous ceux qui croient que le pat est le terme générique pour les spaghettis, ce sera donc une grande révélation. Surtout, Carta ne se contente pas de faire comprendre le jeu de l'intérieur, il explique également la psychologie particulière des grands maîtres, leurs faiblesses, leurs tics de personnalité. Il présente ici un champion particulièrement humain, couvert de blessures, refusant de les avouer, un homme meurtri qui doute toujours du sens de son existence. Or, ce championnat qui lui apparaissait comme si étrange et détaché de ses préoccupations profondes va devenir l'axe même de sa reconstruction personnelle. Sur un certain point, ce très grand livre de Carta produit les mêmes effets sur son lecteur : il le rend plus intelligent et ouvert aux autres. Ce n'est pas donné à tout le monde d'avoir un tel talent.

Okuba Kentaro

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