n° 707 - mars 2020
EDITO CARANUA L’EXPLOIT
L’exploit de Fabiano Caruana au tournoi « Tata Steel », devançant de deux points le champion du monde Magnus Carlsen, rappelle ceux de Bobby Fischer au début des années 70. Avec sept victoires et six parties nulles Fabiano n’est pas loin de son record, la meilleure référence sur le plan mondial obtenu à Saint-Louis en 2014, 8,5 points sur 10 possibles (+7 =3) devançant Magnus de 3 points et une performance à 3103 Elo !
Fabiano a dominé le...
L’exploit de Fabiano Caruana au tournoi « Tata Steel », devançant de deux points le champion du monde Magnus Carlsen, rappelle ceux de Bobby Fischer au début des années 70. Avec sept victoires et six parties nulles Fabiano n’est pas loin de son record, la meilleure référence sur le plan mondial obtenu à Saint-Louis en 2014, 8,5 points sur 10 possibles (+7 =3) devançant Magnus de 3 points et une performance à 3103 Elo !
Fabiano a dominé le tournoi de Wijk aan Zee de la tête et des épaules. Son jeu reflète une puissance et une solidité impressionnantes et sur le plan mental il est l’un des rares à ne pas craindre le champion du monde. L’Américain se place à nouveau en grand favori pour le prochain Tournoi des Candidats qui se jouera à Iekaterinbourg en Russie du 15 mars au 5 avril.
En 2015 Anish Giri le décrivait : « Le premier joueur qui me vient à l’esprit quand on parle de défier Magnus Carlsen est évidemment Fabiano Caruana. Peut-être un peu trop robotique dans son apparence et son approche, Fabiano travaille constamment son jeu et refuse de céder à toutes les émotions. »
Cinq ans ont passé mais la situation reste la même. « Après les matchs des « deux K », les prochaines années devraient être celles des « deux C », a fait remarquer Gata Kamsky lors d’une récente interview.
Devant l’échiquier Caruana est calme, affable, toujours très concentré, ne laissant rien transparaître sur son visage, mais déterminé à exploiter toutes les possibilités pour obtenir la victoire. Lors de la dernière ronde, alors qu’il ne pouvait plus être rejoint, Fabiano en conduisant les Noirs, lutta sans concession face au Russe Vladislav Artemiev. Il enregistra la seule victoire du groupe A ce jour-là. Au 66 e coup, le Russe déposa les armes, ils étaient les seuls encore présents sur la scène.
Tout à fait dans l’esprit combattif de Bobby Fischer qui, au tournoi de Buenos Aires 1970, alors qu’il ne pouvait plus être rejoint pour terminer avec 3,5 points d’avance, refusa, dans l'avant-dernière ronde, une proposition de nulle de la part de l’ex-champion du monde Smyslov ; « Je n’accepte pas de nulle au-dessous de quarante coups ! »
Actuel numéro 2 mondial avec 2822, Caruana vient d’engranger 19 points Elo, ce qui le rapproche à nouveau de Carlsen, coté à 2872 mais qui vient de lâcher 10 points invaincu avec seulement 3 victoires.
Pourtant, l’épreuve qui l’attend à Iekaterinbourg, remporter un Tournoi des Candidats deux fois d’affilée, est un exercice des plus difficiles, seuls Smyslov (en tournois), Spassky et Korchnoi (en matchs) ont réussi à le faire depuis 1950.
Un « Troisième homme » peut encore faire office de trouble-fête au prochain championnat du monde : Selon la loi des nombres, la Chine et l’Inde auront aussi beaucoup de forts joueurs, spécialement la
Chine. Ces pays ont focalisé sur les échecs depuis 40 ans. Maintenant que les échecs deviennent un centre d’intérêt pour la Chine, les enfants sont encouragés à apprendre le jeu. Il est normal de voir émerger des joueurs de très haut niveau là-bas comme en Inde. » Caruana dans le British Chess Magazine de janvier 2020
Une allusion à peine masquée pour désigner son plus grand rival le Chinois Liren Ding, 27 ans, actuel 3 e mondial avec un Elo de 2805, déjà Candidat en 2017, invaincu avec une victoire et 13 nulles.
Depuis, le GM chinois n’a cessé de progresser pour se retrouver régulièrement sur les podiums des tournois les plus importants. Depuis décembre 2019, il n’a plus participé à un tournoi, privilégiant sa préparation.
Parmi les Candidats se trouvent encore 3 joueurs du « Top 10 » : les Russes Alexander Grischuk et Ian Nepomniachtchi et le Néerlandais Anish Giri, tous au-dessous la barre des 2800 mais capables de réaliser un exploit. Le retour des trentenaires, le Chinois Hao Wang, récent finaliste de l’Open de Gibraltar et celui encore plus impressionnant de l’Azéri Teimour Radjabov vainqueur de la coupe du monde, vont certainement apporter du piment et de la nouveauté.
La « Wild Card », le jeune Russe Kirill Alekseenko, 22 ans, ne semble pas assez expérimenté à ce niveau pour créer la surprise dans un tournoi aussi fort restreint à huit joueurs et cette qualification, issue de l’arbitraire, n’a sans doute pas de raison d’être.
On ne peut que saluer l’arrivée sur le devant de la scène en parties lentes d’Alireza Firouzja à Wijk aan Zee qui réussit, à 16 ans, son entrée dans la cour des grands avec une sixième place. Il obtient 50 % des points en bonne compagnie ; le Candidat Giri, l’ex-champion du monde Anand et le jeune
Polonais Duda.
Le 20 mars 2020, venez assister à la 1 re Masterclass Europe Echecs "Dans les coulisses du Tournoi des Candidats" animée par le GMI français Romain Edouard sur notre site internet.
Bonne lecture.
Georges Bertola
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