« Pions empoisonnés » par Romantik

Depuis le 2 juin 2014, le blog de www.echiquierduroyrene.org publie un roman, épisode par épisode, écrit par «Romantik» : "Pions empoisonnés".

Ouverture

Les opiniâtres débats s’éternisèrent des jours durant, sous l’égide des hautes instances de la Fédération internationale des échecs. Ils se prolongeaient de tractations acharnées, menées dans l’ombre, entre les représentants des intérêts de la douzaine de nations candidates à l’accueil du prochain Championnat du monde d’échecs.

Présidents des fédérations nationales, ministres et secrétaires d’État du sport ou de la culture, directeurs d’entreprises prêts à consentir de substantielles dotations, s’étaient retrouvés à Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie, conviés par la FIDE pour présenter leur dossier de candidature. Il reviendrait à la nation la plus convaincante l’insigne honneur d’accueillir sur son sol la prestigieuse compétition.

C’est au Maroc, et conjointement à la ville de Marrakech, qu’échut l’organisation de ce Championnat du monde qui opposerait, pour la première fois dans l’histoire, un joueur iranien et un joueur israélien. Le choix de ce pays obéissait aux obscurs arcanes de la géopolitique, mais il est certain que l’unanime reconnaissance de modération dont bénéficiait le royaume chérifien, ainsi que le montant de la subvention offerte par le principal parraineur des échecs marocains, renforçaient la crédibilité de son dossier.

La cité ocre possède une foule d’atouts, entre autres sa réputation d’hospitalité et son hôtellerie de luxe, pour l’accueil d’un événement d’ampleur internationale. Tout au long de l’année s’y succèdent manifestations artistiques et culturelles de renom qui nécessitent une organisation sans faille. Or, si en termes d’affluence un Championnat du monde d’échecs n’est en rien comparable à un Festival du film ou à un Festival national des arts populaires, les dispositions qu’il requiert pour assurer son déroulement en toute sérénité méritent autant d’attention et de compétence de la part de ses organisateurs.

Une compétition d’échecs, même au plus haut niveau, ne suscite ni l’enthousiasme des foules, ni les retombées médiatiques de n’importe quelle autre manifestation sportive. Les échecs demeurent un jeu peu populaire qui ne mobilise l’intérêt que d’une poignée de passionnés. Toutefois, nombre d’habitants de Marrakech s’honorent de l’élection de leur ville. L’aura dont bénéficie le noble jeu dans l’inconscient universel transcende en effet la connaissance de ses règles élémentaires. Elle trouve son origine dans les qualités méritoires, telles la faculté de concentration, la capacité d’abstraction, la profondeur d’esprit ou la force morale, que l’on attribue spontanément à ses champions.