Ding Liren se retire du Grand Chess Tour

Grand Chess Tour

Ding Liren - Photo Lennart Ootes
Le Champion du monde vient d'annoncer qu'il ne participera pas aux deux derniers tournois du Grand Chess Tour prévus en décembre, le Saint Louis Rapid & Blitz et la Sinquefield Cup. Il sera remplacé respectivement par Le Quang Liêm et Levon Aronian. Faut-il s'inquiéter de cette absence ?

Le Champion du Monde n'a plus joué de parties classiques depuis le Superbet Chess Classic Romania en mai dernier. Il avait terminé à une modeste 8e place et semblait éprouver une énorme fatigue devant l'échiquier. Il avait ensuite préféré se retirer du Rapid & Blitz de Varsovie, cédant sa place à Levon Aronian. Depuis son sacre en avril, Ding Liren a donc disputé seulement 9 parties classiques !

Dès le mois de mai, Ding Liren faisait cette déclaration surprenante de la part d'un champion du monde. Il a ajouté qu'il se donnerait encore au moins 3 à 4 ans avant de prendre sa retraite. Le pense-t-il, ou cherche-t-il à ôter la pression qui pèse sur ses épaules depuis son sacre ? Son retrait des deux derniers tournois du Grand Chess Tour indique une réelle lassitude, et une volonté de prendre ses distances par rapport aux échecs. Réservé et humble, Ding Liren ne semble prendre aucun plaisir à occuper le devant de la scène, confirmant qu'il est un champion du monde atypique.

Ce nouveau retrait soulève plusieurs questions : le Champion du monde peut-il s'effacer de la sorte ? Ou doit-il au contraire jouer un rôle actif d'ambassadeur, en faisant des apparitions régulières ? L'absence de Ding Liren fragilise encore un peu plus la valeur du titre mondial, déjà ébranlée par la décision de Magnus Carlsen de ne pas défendre sa couronne.

Sur Twitter / X, le vice-champion de France Romain Édouard n'a pas caché son étonnement suite à cette annonce : "Qualifié à la dernière minute pour le tournoi des Candidats, il a pu jouer le match parce que Carlsen s'est retiré, et s'est imposé de justesse. Ensuite, il a seulement déclaré que son projet était d'arrêter les échecs. Aimez ou détestez Carlsen, mais il a beaucoup aidé les échecs à devenir plus populaires. Bien évidemment, cette annulation peut être motivée par des raisons personnelles, je ne lui en veux pas sans plus d’informations." Cette dernière phrase est essentielle, car aucune raison officielle n'a été donnée au sujet de ce retrait de Ding Liren. La prudence est donc de mise.

Ding Liren - Photo Lennart Ootes

Dans notre numéro de juin 2023, le grand maître Murtas Kazhgaleyev soulignait déjà les qualités de Ding Liren, sans pour autant pouvoir affirmer qu'il serait un bon ambassadeur pour les échecs : "Ce n’est pas quelqu’un de dur, comme les autres champions du monde. On dirait que c’est encore un adolescent. Il est très gentil, doux, et il est sincère. On l’a vu dans ses conférences de presse, où il a dit ce qu’il ressentait, sans se préoccuper de rien d’autre. C’était surprenant, mais il est comme ça. Il est un peu le « Petit Prince des échecs » et je ne crois pas qu’il va beaucoup changer. Sera-t-il un bon ambassadeur du jeu, est-ce qu’il contribuera à son développement ? On verra. Il ne va pas dominer le monde des échecs, parce qu’il y a Carlsen et 4 ou 5 joueurs du même niveau que lui, et des jeunes très forts qui arrivent."

Dans notre numéro d'avril 2023, le grand maître chinois Wang Hao nous livrait ses doutes à propos du cycle mondial : "Magnus Carlsen a renoncé à son titre mondial parce qu’il ne voulait pas que son second match contre Nepomniachtchi soit à nouveau un one man show. Maintenant, je n’ai pas d’avis à donner sur la légitimité du vainqueur du match d’Astana. Je crois simplement que nous n’avons pas besoin d’avoir un “champion du monde officiel”. Le système actuel au plus haut niveau est terrible. C’est un désastre pour les joueurs professionnels. Il faudrait plus de tournois, ouverts à plus de joueurs."

Ding Liren - Photo Lennart Ootes

En conclusion, constatons que depuis le retrait de Magnus Carlsen du cycle mondial, les échecs ont plongé dans l'inconnu, en particulier concernant le titre suprême. Ding Liren, humble et sincère, souhaite simplement rester lui-même et refuse d'endosser le costume que d'autres ont taillé pour lui. Cette approche est sans doute frustrante pour les passionnés que nous sommes, mais nous devons respecter ses choix. Le long règne de Carlsen, joueur charismatique, ne peut être la norme, et il faut désormais accepter ce style  plus effacé de la part du champion du monde.

"C’est étrange d’avoir un champion du Monde qui ne veut plus jouer, mais si jouer des tournois le rend vraiment malheureux, il a complètement raison" (Kévin Bordi)

Photo Liang Ziming https://twitter.com/liang_zimi34491

Ding Liren a commenté le 30 octobre les Championnats chinois des Jeux de l'esprit, qui se déroulent à Hefei. Signe qu'il souhaite dès à présent s'éloigner de la compétition et consacrer son temps à d'autres activités ?

Mise à jour du 5 novembre : Ding Liren est malade

Selon certaines sources, Ding Liren a révélé qu'il souffrait de maladie depuis un certain temps. Le champion du monde n'est pas entré dans les détails, mais a déclaré que c'était la cause de son absence des tournois. Ding a également déclaré qu'il ne participera pas à d'autres événements en 2023, mais qu'il a l'intention de faire son retour au Tata Steel Chess qui se déroulera en janvier 2024.

Nous souhaitons un bon rétablissement au Champion du monde et espérons le revoir devant l'échiquier dès que possible !


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Les réactions (19)

  • lytonn

    Effectivement les incréments doivent-être supprimés, ce qui fait qu'un blitz selon moi ne durera au total que 10 min maxi, une partie rapide 30 min maxi et une partie longue 2 heures maxi. Comme le disent de nombreux joueurs et amateurs, les incréments perturbent, sont une plaie, pour ma part je n'utilise JAMAIS des incréments avec mes programmes.

  • clyde972

    La différence ne se fait elle pas sur le fait qu'avant les parties étaient ajournées . maintenant de peur de l'IA les parties finissent le jours même ce qui doit être dur pour enchainer le lendemain après une partie de plus de 7H perdue de surcroit .
    En sachant que les révisions recommencent après.
    je trouve que cela ne doit pas aider à apprécié les parties longues.

  • pat217125

    azerty68,
    Bien d'accord avec vous sur le fait de ne pas abandonner les cadences longues et de conserver les parties classiques.
    Par contre, quelles cadences choisir? Changer de cadence longue selon les compétitions est ridicule: la FIDE devrait opter pour une seule et même cadence!
    Dans le Grand Suisse actuel, la cadence de 1h 40 pour les 40 premiers coups et de 50 minutes pour les 20 coups suivants (avec incrément de 30 secondes) n'est pas la bienvenue: cela provoque des zeitnots avant le 40ième coup quand les joueurs veulent réfléchir PROFONDEMENT (on l'a vu avec plusieurs parties de Firou par ex), faussant le résultat de la partie; puis cela octroie beaucoup trop de temps après le 40ième coup quand la position s'est grandement simplifiée( et là, on s'ennuie ferme, cf commentaires de Kévin Bordi par ex). Enfin, le principe de l'incrément permet à une partie de durer un temps infini. Il faut supprimer ces contrôles de temps et octroyer aux joueurs un temps de jeu suffisamment long.

  • azerty68

    Je pense que à peu près tout le monde est d'accord pour les constats suivants en ce qui concerne le top niveau
    1) Du fait de la présence de l'IA, les joueurs ont besoin d'une préparation démentielle , ce qui les rend "rincés", pour rester au top.
    2) Comme le dit Hao Wang, le système de sélection actuel pour désigner le champion du monde est catastrophique, il faut le changer ! C'est beaucoup trop complexe, peu compréhensible de la part du grand public. Cela n'aide pas au développement des échecs.
    3) Conséquence, on peut se poser la question de l'utilité de conserver le titre de champion du monde.

    Maintenant, c'est au niveau des solutions qu'on est pas d'accord ! Pour moi il est hors de question d'abandonner les cadences longues, c'est même pas discutable ! Cela reviendrait à abandonner le "beau jeu". C'est dans ce cadre que j'aime jouer aux échecs. Les cadences longues ont encore toute leur place, on l'a bien vu par exemple au dernier tournoi de Wijk Aan Zee

  • Chessaddiction

    Le titre de champion du monde est complétement altéré. Il n'a quasiment plus de valeur. DIng accentue ce phénomène. Etre sacré et ne plus jouer revient à capituler après avoir remporté le titre. Dans tous les autres sports, les champions affrontent d'autres prétendants et défendent leur titre. A priori, pas aux Echecs ! Est-ce de la couardise ? Ce qui est sûr, c'est que nous avons franchi une nouvelle ère. Exit les champions qui dominaient pendant des années leurs pairs. Nous ne verrons plus des Kasparov, Karpov, Fischer...