Le slogan de « Renfe » (Red Nacional de Ferrocarriles Españoles), “Caballo Ganador” (Cheval gagnant), pour promouvoir sa nouvelle ligne à haute vitesse Madrid-Valencia eut une traduction échiquéenne adéquate: Anatoli Karpov et Viswanathan Anand ont disputé deux parties de cinq minutes dans chaque station, et une simultanée dans le train durant les 90 minutes du trajet. De plus, ils ont déclaré des choses intéressantes, dont la presse écrite, radio et télévisuelle ont largement fait écho.
A partir de 10 h 15, de la station Atocha jusqu'au retour au même endroit en milieu d'après-midi, Karpov et Anand n'ont cessé de répondre à des questions et signer des autographes. Bien que l'engagement de « Renfe » pour les échecs soit ferme -elle a aussi réédité le livre de Jacobo de Cessolis, écrit au XIVe siècle, une des uvres fondamentales de l'histoire-, ses dirigeants n'espéraient pas que l'exhibition eut autant de répercussion médiatique, comme l'a reconnu Miguel López, Directeur de la Publicité. Pour comprendre la popularité des deux joueurs d'échecs il faut prendre en compte que l'Espagne est, probablement, le pays étranger le plus visité par Karpov, 59 ans, depuis sa victoire au tournoi de Madrid en 1973; et Anand, 41 ans, réside à Collado Mediano (Madrid), depuis 1995.
En plus de son inoubliable duel avec Kasparov au Mondial de Séville 87 (ainsi comme celui de parties rapides en 2009 à Valence), et son impressionnante victoire à Linares 1994 (un des meilleurs résultats de l'histoire), Karpov souligna hier d'autres raisons pour lesquelles l'Espagne est un pays très important dans sa vie: “J'ai eu deux entrevues secrètes avec Fischer en 1976, la première à Córdoba et ensuite à Madrid; et avant nous nous étions vus à Tokyo. J'étais mal à l'aise parce que j'avais gagné le titre mondial un an auparavant sans jouer la finale, puisqu'il avait refusé le match, et je souhaitais le convaincre de disputer le duel, sans mettre le titre en jeu. Nous étions sur le point de trouver un accord, mais c'est alors qu'il exigea que le duel s'appela ‘Championnat du Monde Professionnel'; je lui ai assuré que les autorités soviétiques n'accepteraient jamais, mais il ne voulut pas céder”.
Anand soutient que Fischer était comme Marilyn Monroe, ce que nous convinrent pour son grand charisme et non pour ses côtés négatifs. Il lui a rendu visite quand il était réfugié en Islande et garde une souvenir très agréable du dîner qu'ils ont partagé. A Madrid comme à Valence, on a demandé à l'actuel Champion du Monde les raisons de sa longévité sportive: “Pour le moment, je continue d'apprécier la haute compétition. Je ne me vois pas capable d'égaler ce qu'est en train de faire Viktor Korchnoï, dont le niveau de jeu à 80 ans est impressionnant, mais je ne vois pas non plus le moment de ma retraite très proche”. De plus, Anand est très content avec la campagne de promotion qui se déroule dans son pays, qui implique des millions d'enfants indiens et qui s'est traduit récemment dans le livre Guiness en record de simultanés, battu à Gujarat avec plus de 20.000 participants.
Même si le but principal des parties rapides entre Karpov et Anand était l'exhibition, le Russe obtint un clair avantage dans la première: “En partie lente, je crois que j'aurais trouvé la manière de gagner, mais à cette vitesse c'était très difficile”, a-t-il expliqué après. L'Indien ne put prendre l'avantage avec les pièces blanches dans la station Joaquín Sorolla, de Valence, où s'était joué avant une autre partie entre deux amateurs -César Estrada et Emilio Cuevas, sélectionnés par Anand et Karpov, respectivement, comme leurs meilleurs opposants dans les simultanées du train, toujours sous la vigilance de l'arbitre international Iosu Mena. Parmi les invités spéciaux se trouvait Javier Ochoa de Echagüen, président des fédérations Espagnole et Hispano-américaine.
Les deux champions mirent en exergue l'importance sociale du jeu d'échecs, pour les enfants et les adultes. Et tous deux coïncidèrent: “Nous avions souvent joué à l'aveugle dans le train durant nos voyages. Aujourd'hui nous l'avons fait sur des échiquiers”.
Traduction libre de l'article de Leontxo García