Quelle direction va prendre la carrière de Magnus Carlsen ?

L'avenir de Carlsen

Photo Lennart Ootes
Le Norvégien n'est désormais plus officiellement Champion du monde d'échecs. S'il reste n°1 mondial, son avenir échiquéen est incertain. Magnus Carlsen a accordé une interview au podcast norvégien Sjakksnakk dans laquelle il précise ses envies pour les années à venir.


Dans son interview du 28 avril 2023 pour le podcast norvégien Sjakksnakk, Magnus Carlsen semble bel et bien avoir tourné la page du titre mondial, et accorde une importance toute relative à cette couronne désormais sur la tête du Chinois Ding Liren : "Je suis mentalement sorti du Championnat du Monde depuis un certain temps."

Les réponses de Magnus révèlent un même certain détachement vis-à-vis des échecs en général : "Je vais certainement essayer de rester numéro un mondial, avec une marge suffisante, mais comme je joue peu de tournois je n'ai pas l'impression que c'est important." Une déclaration inhabituelle de la bouche de celui qui écrase la concurrence depuis maintenant plus de dix ans !

Carlsen et les échecs classiques : le désamour ?

Il a également confirmé son désintérêt pour les parties en cadence classique : "Lorsque je décide de jouer en classique, je réalise des performances généralement correctes mais je joue si peu que je suis devenu un peu rouillé."

En cause, le travail de préparation devenu titanesque : "C'est frustrant de devoir trouver à chaque fois de nouvelles idées pour juste pouvoir jouer une partie. Sans cela, le format classique aurait pu être mon préféré." Longtemps réputé pour sa capacité à jouer des ouvertures permettant d'amener un milieu de jeu inexploré et riche en possibilités, Carlsen pense désormais que cette force s'est amoindrie : "Tout ce qui m'a aidé à l'époque est plus ou moins inutile maintenant. Les joueurs ont trouvé des lignes plus ou moins forcées dans la plupart des débuts de parties."

Photo Lennart Ootes

Cette déclaration confirme les réflexions de Magnus depuis le début de la pandémie, en 2020 : "Je pense que l’avenir des échecs classiques est un peu douteux, tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui, d’une manière générale. Il n’est pas réaliste d’attendre des gens qu’ils jouent de longues parties en ligne. Je pense également qu’il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que les gens les regardent avec un grand intérêt." (interview donnée par Carlsen au GMI et journaliste norvégien Jonathan Tisdall, pour le magazine de la fédération américaine des échecs, en novembre 2020)

Moins d'ambitions, plus de plaisir

L'interview dégage une impression de lassitude vis-à-vis des échecs au plus haut niveau, et presque une absence d'objectifs pour la suite de sa carrière : "Je n'ai pas de grandes ambitions à réaliser. J'ai un peu abandonné l'idée d'essayer d'atteindre les 2900." Après plus de dix ans au sommet, cette réaction est bien compréhensible, mais jamais les déclarations du Norvégien n'avaient été aussi tranchées.

Toujours amoureux des échecs, sa priorité n'est désormais plus de dominer, mais de s'amuser : "Je veux prendre du plaisir à jouer aux échecs." Une phrase qui en dit long sur la pression qui pesait sur ses épaules, et que nous ne mesurions pas forcément tant sa domination paraissait facile.

Il avait notamment justifié sa décision de ne pas défendre son titre mondial en affirmant laconiquement : "je n’aime pas particulièrement ça" (jouer un match de Championnat du monde, ndlr). On peut, en effet, comprendre que Magnus Carlsen n’ait plus assez de motivation pour passer des mois à se préparer en ingurgitant des tonnes de variantes pour, finalement, n’affronter qu’un seul adversaire et tout jouer dans un match en 14 parties.

Photo Lennart Ootes

Autant dire qu'il est très peu probable de voir Carlsen réintégrer le cycle mondial : "Avec le format actuel les chances sont très minces. Si le format change c'est possible, mais la probabilité que je participe au prochain tournoi des Candidats est de moins de 1%." Parmi les changements de format souhaités par Carlsen, un raccourcissement des cadences, plus de parties et moins de jours de repos dans le match pour le titre.

Une carrière de joueur de poker ?

Pendant le match entre Ding Liren et Ian Nepomniachtchi, Magnus Carlsen avait déclaré de façon provocante que le Championnat de poker de Norvège, auquel il participait, était supérieur au Championnat du monde d'échecs !

Photo POKERNM

Le Norvégien a cependant rappelé qu'il s'agissait seulement d'un hobby : "J'ai toujours aimé jouer au poker, mais je n'ai jamais été très bon et je n'ai jamais eu d'ambition."

Si cette interview pour Sjakksnakk permet de clarifier certains points, reste que les intentions de Carlsen pour la suite de sa carrière semblent pour le moment difficile à prévoir, car rien n'est tranché pour le moment.


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Les réactions (13)

  • azerty68

    A méditer, la déclaration de Kevin Bordi sur EE : "La situation (de la scène du haut niveau) est devenue catastrophique. Il n'y a toujours pas de calendrier clair des tournois officiels. On en parlait déjà il y a trois ans. On a toujours du mal à comprendre comment on peut se qualifier pour les candidats. Le système est toujours aussi compliqué et archaïque. (...). Les gens n'y comprennent plus rien... (...). Toute la scène du haut niveau est pratiquement inexistante sur le plan médiatique (...)". Je suis totalement d'accord ! Cela me fait penser à cette annonce de la Fide l'année dernière, où il était annoncé "les nouvelles règles de qualification" pour le prochain cycle des candidats. J'avais été enthousiaste l'époque, car cela allait dans le bon sens, cela annonçait un concept apparenté avec ce que je proposais dans mon précédent post, à savoir donner plus de points de qualification pour différents tournois... Mais qu'en est il maintenant ? Quelle est la suite donnée ?

    • EuropeEchecs

      La réponse des nouvelles règles de qualification se trouve là : https://wcc.fide.com/fide_circuit.phtml

  • jl55

    100% d'accord avec azerty68, on a suffisamment fait de concessions avec les rapides et les blitz en matchs de championnat du monde. Kasparov et Karpov ne se posaient pas tant de questions au cours de leurs interminables affrontements. Carlsen me rappelle un peu Fischer.

  • Karlsbad

    Un des problèmes que posait l'ancien système (zonaux, interzonaux puis matchs) était que l'on pouvait "perdre" des joueurs du top 10 mondial lors des phases préliminaires. Faire un panachage en incluant les meilleurs joueurs au classement elo (ceux qui sont actifs, effectivement) pourrait constituer une solution.

  • azerty68

    OK, c'est un point de vue intéressant... Dans ce cas on peut envisager un système de sélection des candidats avec une série de matchs, avec un système de coupe ? On peut présélectionner les dix ou vingt premiers du classement Elo, mais comme je l'ai dit à condition que ce classement soit vraiment représentatif, en ne sélectionnant que des joueurs actifs...

  • Karlsbad

    @Azerty68 Tout à fait d'accord sur l'ineptie du changement de cadence fantasmé par certains. Pour le reste, il faut se mettre d'accord préalablement sur ce que l'on entend par "meilleur joueur du monde". Dans le passé le champion du monde n'avait pas toujours le meilleur elo (le meilleur exemple fût à une époque Petrossian qui était imprenable en match mais ne gagnait quasiment aucun tournoi majeur ; mais il me semble que c'était une exception). Gagner des matchs est un exercice très particulier qui n'a rien à voir avec un tournoi toutes rondes. Personnellement je suis d'ailleurs contre la formule de tournoi des candidats pour désigner le challenger. Et le "meilleur joueur du monde" c'est celui qui gagne des matchs. Encore une fois, une volonté humaine contre une autre.