Entretien avec Peter Bohnenblust

Peter Bohnenblust, Bienne 2023

Peter Bohnenblust | Photo Marianne Bertola
De passage à Bienne le 15 juillet, lors de la cérémonie d’ouverture de la 56e édition de ce  prestigieux tournoi, Georges Bertola en a profité pour s’entretenir sur l’avenir du Festival avec Peter Bohnenblust, ancien procureur, une personnalité très connue et appréciée de la ville de Bienne.

De passage à Bienne le 15 juillet, lors de la cérémonie d’ouverture de la 56e édition de ce prestigieux tournoi, j’ai profité de m’entretenir sur l’avenir du Festival avec Peter Bohnenblust ancien procureur, une personnalité très connue et appréciée de la Ville de Bienne.

Georges Bertola : Depuis combien de temps es-tu à la tête de l’organisation du Festival ? 

Peter Bohnenblust : Cela fait déjà 26 ans. Après le départ du fondateur du tournoi Hans Suri, j’ai pris les commandes en compagnie d’Olivier Breisacher et de Peter Burri.  (Tous deux décédés aujourd’hui). Depuis 6 ans, j’ai à mes côtés Paul Kohler qui est le directeur des tournois et qui s’occupe aussi de la comptabilité depuis le décès, l’an passé, de Peter Burri.

GB : Je constate que malgré quelques restrictions sur le plan financier, le tournoi des GMI se situe à un bon niveau.  Dans son ensemble, la participation aux autres tournois est-elle stable ?

PB  : C’est plus au moins comparable aux années précédentes, le tournoi des Maîtres est peut-être un peu moins fort. Quant à l’ensemble du nombre des participants, c’est difficile à chiffrer car il y a plusieurs tournois qui ne durent qu’un jour. L’an passé, il y avait plus de 900 participants au total et j’espère que cette année nous atteindrons des chiffres similaires autour de 800.

GB : Bienne est le principal tournoi international disputé en Suisse, mais le doute s’installe car son financement est remis en question par la politique de la Ville de Bienne. Vis-à-vis de la pérennité du tournoi, il y-a-t-il encore un avenir  ?

PB : Pour cette année, nous avons pu passer un contrat avec la Ville, mais avec 20% de moins sur le plan des subventions. Actuellement, nous sommes en train de négocier un contrat pour trois ou quatre ans avec la Ville et les choses vont dans la bonne direction car la subvention apportée représente le tiers de notre budget.

GB : Peut-on donner le chiffre du budget du tournoi  ?

PB : Le budget se situe à hauteur de 300'000 CHF, un tiers provient de la Ville, le reste du Canton (Sport-Toto), des institutions ou fondations (Accentus, Vinetum) et autres sponsors privés ainsi que les frais d’inscriptions des participants.

GB : Dans ces circonstances, peut-on affirmer que l’édition 2024 aura lieu  ?

PB : Je ne peux pas confirmer que le tournoi aura lieu, mais nous sommes en bonne voie pour y parvenir.

GB : La FIDE va fêter son 100e anniversaire en 2024 et s’est engagée de soutenir des évènements dans le monde entier. Y-a-t-il des possibilités pour que Bienne bénéficie d’un soutien de la FIDE ?

PB : L’année passée et cette année nous avons obtenu un subside de la FIDE. Nous sommes en négociation pour l’année prochaine. Le Président de la Fédération suisse, André Vögtlin, a des bons contacts avec la commission du centenaire de la FIDE. 

GB : Parmi les joueurs d’échecs, surtout les professionnels, j’ai eu l’occasion de m’entretenir sur le fait incompréhensible que le plus grand tournoi international joué en Suisse et le Championnat suisse individuel se jouent exactement aux mêmes dates ! Il y-a-t-il encore un dialogue entre les organisateurs du Festival de Bienne et de la Fédération suisse ?

PB : Le Festival a sa place au mois de juillet depuis 56 ans dans le calendrier international. L’occupation du Palais des Congrès cet été n’était pas possible à une autre date. Je ne comprends pas pourquoi la Fédération suisse ne veut pas envisager de modifier son calendrier. 

GB : Pour répondre à cette question, la balle est dans le camp de la Fédération suisse des échecs car la même situation va se reproduire l’année prochaine ?

PB : Probablement, oui.

GB : En ce qui concerne les invitations pour les tournois futurs, devant la cherté du coût de la vie en Suisse, de l’hôtellerie notamment, allez-vous devoir restreindre les conditions pour les invitations et la participation des Grand-Maîtres ?

PB : Effectivement, le logement est très cher par rapport à d’autres pays. Pour le tournoi des GMI, c’est l’organisation qui assure tous les coûts et pour celui des Maîtres, nous contribuons en partie au cas par cas. Nous privilégions les talents pour leur faire connaître Bienne. En général, ce sont les décisions de notre directeur de tournoi, Paul Kohler. 

GB : Sur le plan politique, le Festival est loin de faire l’unanimité. J’ai entendu de la part d’un élu de l’exécutif que la raison de la suppression du subside du tournoi était le fait qu’il n’y avait pas ou peu de Suisses qui participaient aux tournois Maîtres et GMI ?

PB : Non, ce qu’il a dit, c’est qu’il y avait peu d’intérêt à subventionner un tournoi où les Biennois - et non pas les Suisses - ne participent pas. Pourtant, il faut considérer que l’apport du tournoi pour l’hôtellerie, les restaurants et les commerçants n’est pas négligeable et contribue à la renommée de Bienne.  De plus, au sein de l’organisation du tournoi, nous disposons d’un appui pour faire entendre notre point de vue, celui de Dennis Briechle, chef des media, et qui est aussi membre du Parlement de Bienne.

GB : Sur la carte de la  « planète échecs » le Festival de Bienne possède une reconnaissance et une renommée de la part de l’ensemble des joueurs en passant par l’Inde et la Chine qui aujourd’hui sont devenues des nations dominantes sur le plan échiquéen. 56 éditons avec la participation des meilleurs joueurs du monde, cela doit être pris en compte ?

PB : Oui , 56 éditions sans interruption, nous en sommes fiers. Nous avons continué à organiser le Festival dans des conditions difficiles lors de l’épidémie du « Corona ». Nous sommes l’un des plus anciens tournois, avec ceux de Hastings et Wijk aan Zee, qui se joue encore en Europe.

GB : Ce qui semble vous manquer, c’est un sponsor de renommée internationale. Avec la présence de joueurs chinois et indiens, une grande marque de l’horlogerie par exemple ne s’est jamais intéressée pour exploiter ce créneau et augmenter sa visibilité ?

PB : C’est effectivement un objectif de trouver un sponsor principal de renommée internationale. Depuis 26 ans, j’essaie mais c’est très difficile car les sponsors attendent un retour sur investissement. Dans ce genre de calcul, pour obtenir des chiffres noirs, il faut tenir compte du goodwill. L’an dernier nous avons négocié avec le directeur d’Omega et avons visité l’entreprise accompagnés des Grand-maîtres du Triathlon (GMT). 

Propos recueillis par Georges Bertola