Le mystérieux marin Soldatenkov

Vassily Vasilyevich Soldatenkov (1879-1944)

Bal 1903 Saint-Pétersbourg
Un véritable personnage de roman remarqué par Man Ray et ami du prince Youssoupov, l’assassin de Raspoutine. Sa vie est digne d’un héros d’aventures, un battant prêt à relever tous les défis, coureur automobile, homme à femmes et brillant tacticien aux échecs. Par Georges Bertola.

Je n’ai pu m’empêcher de vous faire partager l’intérêt que je porte à cet « inconnu ». Il ne figure même pas dans le « Chess Personalia » de Jeremy Caige ! Un véritable personnage de roman remarqué par Man Ray et ami du prince Youssoupov, l’assassin de Raspoutine. Sa vie est digne d’un héros d’aventures, un battant prêt à relever tous les défis, coureur automobile, homme à femmes et brillant tacticien aux échecs.

Soldatenkov bal costumé 1903

Vassily (Basile) Vasilyevich Soldatenkov (1879- 1944) est né à Tsarskoïe Selo, résidence impériale à proximité de Saint-Pétersbourg. Issu d’une famille de riches marchands, Soldatenkov vit une enfance heureuse. Dès 1893, il s’inscrit à l’école des cadets de la marine. En 1896 Soldatenkov entre dans la marine russe pour être promu au grade d’officier supérieur en 1898. En 1899, il est nommé lieutenant de marine et embarque pour un long voyage sur le premier cuirassé « Alexandre II », construit pour la flotte de la Baltique.

Cuirassé Alexandre II

En parallèle, Soldatenkov fait connaissance avec le jeu d’échecs, d’abord au sein de sa famille car la pratique se limitait aux élites à cette époque. À Saint-Pétersbourg le « Café Dominique », l’équivalent du « Café de la Régence » pour Paris, accueille les intellectuels, les écrivains, les diplomates et parmi eux, quelques-uns, s’adonnent avec passion au jeu d’échecs.

Saint-Pétersbourg perspective Nevski

Très rapidement Soldatenkov obtient un bon niveau et, à partir de 1897, il publie des articles, des études, pour devenir un contributeur régulier d’une revue spécialisée « Shakhmatny Zhurnal ».

Shakhmatny Zhurnal

Soldatenkov - Durnovo : Saint-Pétersbourg, 1898

1.e4 e5 2.d4 exd4 3.c3 dxc3 4.c4 cxb2 5.xb2

Soldatenkov - Durnovo, après 5.xb2

« La position fondamentale du gambit du Nord accepté a été atteinte. Pour les deux pions sacrifiés, les Blancs ont une nette avance de développement, des lignes ouvertes et de longues diagonales pour leur paire de Fous qui visent la position de l’aile Roi des Noirs. » I. Firnhaber

Une ouverture qui caractérise l’école romantique qui valorisait le dynamisme des pièces « nobles » et l’attaque à tout prix, notamment la case f7, et qui sous-estimait à la fois l’importance du rôle des pions et des possibilités qu’offrait un jeu défensif précis.

5...f6

De nos jours, rendre le matériel est un moyen retenu par la théorie pour neutraliser les complications tactiques. Par exemple 5...d5 6.xd5 f6 et ici : 7.xf7+ (7.c3 pour éviter les simplifications qu’affectionne notamment le GM J. Hector.) 7...xf7 8.xd8 b4+ 9.d2 xd2+ 10.xd2 e8= « Cette variante a toujours été considérée comme un moyen simple d’égaliser. Cela semble en quelque sorte juste car la position devrait être égale. Néanmoins, il faut se demander : les majorités de pions déséquilibrées donnent-elles suffisamment de possibilités pour jouer pour le gain ? » GM K. Müller

6.e5 b4+

Critique 6...d5!? 7.exf6 b4+ 8.c3 xf6! qui permet de regagner la pièce et conserver l’avantage matériel. Une recommandation de « La Stratégie » de mars 1881 !

7.c3 e7 8.ge2

Engendre un sacrifice de pion très risqué. Intéressant est 8.e2!? g8 9.f3 d6 10.0-0 c6 La menace était 11.Cd5. Et ici poursuivre dans le style romantique avec 11.xf7+! xf7 12.exd6+ est prometteur.

8...e4?!

« Ce coup ne fait que faciliter l’échange des deux seules pièces développées des Noirs, ce qui ne pourra avantager que les Blancs. Méritait considération 8…Cg4, mais aussi 8…Dxe5, qui tous deux auraient été supérieurs au coup joué de la partie. » MI V. Vukovic. Par exemple 8...xe5 9.b3 xc3+ 10.xc3 e7 11.0-0 0-0 12.fe1 d6 13.f4 d8 et la supériorité du dynamisme des pièces sur le matériel est une démonstration loin d’être évidente.

Soldatenkov - Durnovo, après 13...d8

« On peut comparer la conception romantique des échecs à la stratégie des chefs militaires de l’Antiquité, laquelle, selon Napoléon 1er, consistait en une « non-dispersion » des forces qui marchaient en avant vers le but, sans se préoccuper d’une organisation efficace des liaisons avec les arrières. Dans les deux cas, on mise tout sur l’offensive ; si elle échoue, la retraite et la réorganisation des forces ne seront guère possibles. La structure d’ensemble de la position n’a pas été prise en considération, il peut y avoir des faiblesses graves dans le camp et jusque dans la situation du monarque. Enfin les troupes ont été engagées dans le combat sans aucun souci d’économie et leur insuffisance numérique se fera sentir dès que l’adversaire aura réussir à contenir l’attaque. » Baratz

9.0-0 xc3 10.xc3 xc3

Il est logique d’échanger ce Fou installé sur une dangereuse diagonale. Dans une partie par correspondance la suite fut 10...c6 11.c1 0-0 12.f4 xc3 13.d5 xe5 14.xc3 b6 (14...d6!? et on ne peut croire que les Blancs ont des compensations suffisantes. GM K. Müller) 15.e1 d6 16.h5 b7 17.h3 h6 18.f3 d8 et les forces défensives neutralisent l’attaque avec avantage après 19.e7+ (19.f6+ h8!; 19.f6 e6!) 19...h8 20.g3 e6 21.f5 f4-+ et l’attaque blanche ne passe pas. Soldatenkov-Markov (Corresp. 1901-1903)

11.xc3 0-0

Après 11...c6 12.e4 0-0 13.d6 xe5? 14.e1 f6 (analyse de V. Charushin) 15.a4+- avec l’idée 16.Ta3, une position illustrant un blocus que n’aurait pas renié Nimzovich !

Soldatenkov - Durnovo, après 15.a4 (analyse)

Une partie Soldatenkov – Evreinov (Saint-Pétersbourg 1897) se poursuivit avec 11...d5 12.xd5 d8 13.h5 e6 14.f6+ avec une attaque décisive.

12.d5!?

Cette partie fougueuse rappelle l'époque de Morphy. 12.e1 est le coup attendu, mais inviter les Noirs à capturer le pion amène des complications très intéressantes.

12...xe5

« Les Noirs se seraient retrouvés en difficulté même après 12...d8 13.h5 d6 (13...c6 14.f6+ gxf6 15.d3 e8 16.xh7+ f8 17.h8+ e7 18.xf6+ f8 19.h6+ g8 20.h7+ h8 21.g6+ g8 22.h7+ f8 23.xf7# 1-0 Rasovsky,J-Mikyska,A corr 1908) 14.f4 mais dans cette variante, ils auraient au moins pu avoir un espoir de reprendre du terrain, alors que la suite du texte ne leur laisse aucune perspective. » MI Vukovic Le retard de développement des Noirs est préoccupant, mais démontrer que l’attaque est décisive n’est pas si simple, par exemple : 14...c6 15.f5!? (Plus ambitieux 15.f6+!? gxf6 16.ad1! offre des chances de gain car toutes les pièces blanches contribuent à l’attaque. (16.d3?! f5! 17.f3 dxe5 18.g3+ h8 19.h3 d4+ et les Noirs ont des ressources.) 15...cxd5 16.f6 b6+ 17.h1 d4 Les Noirs visent la case g4. 18.fxg7 xg7 19.g5+ avec un échec perpétuel.

13.e1 d6 14.h5

Avec la terrible menace 15…Cxc7! 16.Dxc7 Dxf7+ 17.Txf7 Te8 mat.

Soldatenkov - Durnovo, après 14.h5

14...c6?

Selon le GM K. Müller, c’était le moment de jouer 14...c6 et ici : 15.xc7 (15.e4!? est la suggestion du MI Vukovic mais les Noirs ont des ressources 15...b8! soustrait la Tour du rayon d’action du Cavalier et menace la poussée b7-b5. 16.h4 g6 17.f6+ gxf6 18.g4 e5 19.xg6+ hxg6 20.e2 d6 et les Noirs ont Tour + Cavalier + 3 pions pour la Dame.) 15...b8 (Le Cavalier est tabou. 15...xc7?? 16.xf7+! suivi du mat.) 16.e8 g6! (16...g6? 17.ae1+- Charushin) 17.h6 xe8 18.xf7+ xf7 19.xh7+ f8 20.h8+ e7 21.xe8+ f6 22.h8+ et les Blancs n’ont qu’un échec perpétuel.; En revanche, 14...h8? (Finhaber) 15.e7 g6 16.e2! pose des problèmes insolubles après 16...d6 17.e8 d7 18.e7 g8? 19.xf8+! xf8 20.e7+ h8 21.xf8#

15.c7

Le Lionnais ponctue ce coup avec « !! » : ce magnifique sacrifice est à bien plus longue portée qu’un premier examen ne le montre.

15...g6

Le  Cavalier ne pouvait être capturé sous peine de mat. Les Blancs gagnent du matériel après 15...f4 16.d3 g6 17.e5 xe5 18.xe5 d5 19.xa8+-

16.h6 xc7?

Le Roi noir reste presque sans défenseur et 16...b5 17.xf7+ xf7 18.e8+ f8 19.ae1+- (GM K. Müller) ne sauvait pas la partie.

Soldatenkov - Durnovo, après 16...c7?

17.xf7+!

Illustre la faiblesse de la défense de la case f7. GM Fine

17...xf7 18.xh7+ f6 19.h4+

Le chemin le plus court pour mater passait par 19.De7+ pointé par Bachmann.

19...g7

19...f5 20.g4+ f4 21.g3+ gagne la Dame.

20.e7+ f7 21.d4+ f8 22.h8+ xe7 23.e1+ d6

23...e5 pour donner une case de fuite au Roi prolongeait inutilement la partie.]

24.d4# 1-0

Soldatenkov - Durnovo, après 24.d4#

La partie la plus célèbre jouée par Soldatenkov est nimbée d’un mystère sur sa réelle origine, voire même de son existence.

Elena Konstantinovna Gorchakova

Elle est souvent mentionnée comme jouée en consultation à Paris en 1909 au Café de la Régence entre Janowsky/Soldatenkov-Lasker/Taubenhaus (La Revue Suisse d’Echecs 1909 p.135 par exemple) et plus tard en 1955, I. Chernev dans son livre « The 1000 best short Games of Chess ». Dans le 3e volume « Les cahiers de l’échiquier français »  Le Lionnais indique qu’elle fut jouée à Saint-Pétersbourg en 1909 et l’opposait au diplomate russe Peter Petrovich Saburov (1880-1932).

Pourtant déjà en novembre 1909, la revue « Deutsche Schachblätter » rapporta : après la publication par Tarrasch de cette partie, Lasker répondit que jamais il n’avait joué une telle partie. (A Chess Omnibus. E. Winter Russel Enterprises 2003). Vous trouverez une partie de la clé du mystère dans le livre de E. Winter « Chess Explorations » (p.173-176).

Le 20 janvier 1901 Soldatenkov épouse la princesse Elena Konstantinovna Gorchakova (1873-1948), dame d’honneur à la Cour impériale de Russie et arrière-petite-fille du prince Alexandre Gorchakov (1798-1883) qui dirigeait la politique de l’Empire au milieu du XIXe siècle. Vasily Vasilievich Soldatenkov est présenté comme un riche roturier et pilote de course. et L’année suivante, la princesse donne naissance à une fille baptisée Elena.

Palace  Saint-Moritz 1900

Soldatenkov obtient un congé et voyage en Europe, notamment en Suisse à Saint-Moritz en août 1901. Depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, Saint-Moritz est l’une des premières stations de sport d’hiver qui attire la haute société. Johannes Badrutt, un hôtelier, eut une idée géniale, valoriser les sports d’hiver et le ski en particulier. En 1864, il réussit un pari fou en faisant revenir des touristes anglais en plein hiver. Jusqu’ici le tourisme hivernal était réservé à quelques milliers de privilégiés qui se rendaient sur la côte d’Azur. En 1897, son hôtel se transforme en un palace, avec la lumière électrique, une première en Suisse. Les touristes de cette époque sont avant tout des aristocrates, habitués à un train de vie fastueux.

Soldatenkov loge sans doute au « Badrutt’s Palace » apprécié par les aristocrates de l’Empire russe (et de nos jours par les oligarques !). Il dispute une partie amicale contre un dénommé Guillot selon V. Charushin (Goujon selon d’autres sources). Apparemment un joueur peu connu, peut-être s’agit-il du maître genevois H. Guyaz ? Soldatenkov joue l’Espagnole en s’inspirant du gambit du Nord !

Soldatenkov - Guillot, Saint-Moritz, 1901

1.e4 e5 2.f3 c6 3.b5 f6 4.0-0 d4

Transpose dans la variante Bird.

5.xd4 exd4 6.e5 d5 7.c3!?

La théorie retient 7.Df3 joué par le GM Eliskases.

7...dxc3 8.d4!? cxb2 9.xb2 c6 10.c4

Soldatenkov - Guillot, après 10.c4

10...b6 11.b3 d5 12.exd6 xd6?!

Meilleur 12...xd6!? 13.e1+ e6 14.xe6 fxe6 15.h5+ et les Blancs ont l’initiative avec une bonne compensation pour le pion sacrifié.

13.e1+ e7? 14.a3 e6 15.xe6 fxe6 16.xe6 d5 17.h5+

L’attaque est désormais décisive.

17...d7

Si 17...g6 18.e5 f7 19.xe7+-

18.g4 e8

Ou 18...c7 19.xe7 xe7 20.xg7 e8 21.c3+- le clouage décide.

19.c3

La défense est surchargée.

19...f7 20.xd5 xa3 21.f5+ g8

Soldatenkov - Guillot, après 21...g8

22.f6+! f7

Si 22...gxf6 23.xf6 e7 24.g4+ g7 25.e6+ f7 26.xf7#

23.g4+ g8 24.e5!?

Suffisant pour le gain !

24...c7?

24...f8 25.h3 avec la menace 26.Db3 25...g6 permet 26.xg6+! hxg6 27.e6+ g7 28.xg6# un mat des épaulettes.

25.xc6 bxc6 26.e6+ Sans attendre 26…Rf8 27.Cd7+, les Noirs abandonnèrent. 1-0

Soldatenkov - Guillot, après 26.e6+ 1-0
Soldatenkov bal costumé 1903

En février 1903, Soldatenkov et son épouse participent à un bal costumé, derniers feux de la Russie impériale, pour commémorer le bicentenaire de la fondation de Saint-Pétersbourg. Les plus éminentes familles de l’Empire se sont rendues au palais d’Hiver vêtues de parures du XVIIe siècle dans un faste et luxe inégalé.

Soldatenkov au volant de sa Mercedes 1911

Soldatenkov était un passionné de mécanique et, à partir de 1904, il participe à plusieurs courses automobiles remportant quelques succès notamment au volant d’une automobile Richard-Brasier sur le circuit de Strel’na dans la banlieue de Saint-Pétersbourg. Une personnalité qui se démarque par son audace en roulant à plus de 100 km à l’heure, un record à l’époque. Le prince Félix Youssoupov (l’homme qui tua Raspoutine réédité aux éditions du Rocher en 2005) le mentionne dans ses mémoires comme un ami proche, qu’il prénomme Basile :

« J’avais alors vingt et un ans et j’éprouvais un besoin impérieux de changer d’horizon. Je songeai à partir pour l’étranger. Je me rappelai d’un de mes amis, Basile Soldatenkov, ancien officier de de marine qui habitait Paris, m’avait souvent conseillé d’entrer à L’Université d’Oxford…J’écrivis à Basile pour lui annoncer ma prochaine arrivée à Paris où je comptais m’arrêter quelques jours. Basile Soldatenkov m’attendait à la gare. Un caractère original, ce Basile: intelligent, sportif, séduisant, extraordinairement volontaire et dynamique. Il avait appelé sa voiture de course « Lina », en l’honneur de la belle Lina Cavalieri dont il avait fait la conquête. Les femmes raffolaient de ce grand gaillard aux larges épaules, à la belle tête primitive, qui conduisait sa vie comme une voiture, à toute allure. Il avait épousé une femme charmante, la princesse Hélène Gortchakoff, mais le ménage n’était pas très heureux. »

Lina Cavalieri

Lina Cavalieri (1874-1944), célébrée pour sa beauté, était une chanteuse de café-concert et qui passa par les « Folies Bergères » avant de devenir soprano à l’opéra. Elle se maria à quatre reprises et compta une multitude d’amants.

Le sous-marin Dolphin

En 1905 Soldatenkov reprend du service dans la marine. Il est officier à bord du « Dolfphin », premier sous-marin russe apte au combat. La guerre qui oppose la Russie au Japon se termine par un désastre pour la flotte russe anéantie lors de la bataille du 27 mai 1905 dans le détroit de Tsushima. Sur la trentaine de bâtiments que comptait la flotte, partie sept mois plus tôt de la Baltique, seul trois ont pu rejoindre Vladivostok.

« A Londres, à Berlin, comme à Paris ou à Vienne, les journaux soulignaient que, pour la première fois, « un peuple de couleur » avait damé le pion à une grande puissance européenne, et ils prévenaient leurs lecteurs contre « le péril jaune ». Amin Maalouf (Le Labyrinthe des égarés - Grasset 2023)

Caricature de l’époque

Dans la presse occidentale, cette victoire est perçue comme celle de David contre Goliath et marque le réveil de l’Asie. Elle affirme la suprématie militaire du Japon sur l’Empire des tsars.

L’Empire, une monarchie autocratique, vacille. Grèves ouvrières, révoltes paysannes, mutinerie du cuirassé Potemkine. Devant l’ampleur de la crise, le Tsar crée « la Douma », une assemblée législative. Les conseils d’ouvriers, les soviets, se multiplient dans toute la Russie. L’atmosphère prérévolutionnaire s’intensifie, notamment depuis le « Dimanche rouge » de janvier 1905 où l’armée tire sur la foule des manifestants, faisant plusieurs centaines de morts.

Soldatenkov n’a pas pu participer à la bataille de Tsushima car le sous-marin était hors d’usage après avoir subi, début mai, une explosion due aux vapeurs d’essence. Le sous-marin avait coulé une première fois en 1904 faisant 25 victimes parmi les membres de l’équipage mais sans dissuader Soldatenkov de reprendre la mer pour améliorer et maîtriser les problèmes techniques. Il sert comme officier jusqu’en 1908.

À partir de cette date, il entreprend des travaux de recherche scientifique, en passant par la France et Paris, dont le but doit être la mise au point d’un système de cryptage. Un apport important sur le plan militaire pour rendre la compréhension d’un message impossible pour qui ne dispose pas du code. Il mène à bien ses travaux qui permettent à la marine russe d’utiliser son dispositif de cryptage à une grande échelle. En 1912, Il est décoré par le Tsar Nicolas II de l’Ordre impérial de Saint-Vladimir.

En mars 1907, Soldatenkov remporte une course automobile à Vérone, au sprint sur 5 kilomètres en 2 minutes et 10 secondes, devant l’expérimenté pilote italien Vincenzo Truco. Soldatenkov emmenait souvent ses proches pour de longues randonnées en voiture.

« Après avoir passé quelques jours à Paris pour voir mes amis français, je partis pour la Russie avec Basile Soldatenkov qui m’avait offert de m’emmener dans sa fameuse voiture de course « Lina ». Basile conduisait à une allure folle. Quand je lui demandais d’aller un peu moins vite, il riait et appuyait sur l’accélérateur. » Prince Youssoupov

Renault AI 35

Le 14 mai 1911, Soldatenkov se classe 3e avec une Mercedes dans la course prestigieuse Targa Florio, le tour de la Sicile, 1000 km d’une seule traite, et l’année suivante, il est victorieux à Saint-Pétersbourg au volant d’une Renault AI 35.

Sorrente Villa Siracusa

Soldatenkov occupe un poste important à l’ambassade de Russie à Rome et dispose d’une magnifique demeure, la Villa Siracusa, de l'autre côté du détroit de Sorrente. Dans ses moments libres, il vit dans le faste et le luxe, entouré d’un personnel nombreux et parfois le Tsar en personne vient y passer une partie de l’été. Ce faste, cette opulence, il les doit à son épouse la princesse Elena Konstantinovna Gorchakova dont les parents avaient acquis la villa en 1900 qui appartenait à Marguerite de Savoie, épouse du roi d’Italie Umberto 1er, assassiné cette même année.

Soldatenkov est alors au sommet de sa gloire et je reviendrai sur cette personnalité étonnante dans mes chroniques de la revue « Europe-Echecs ». Notamment sur ses exploits au « Café de la Régence » à Paris ou son exil aux États-Unis, ses rencontres avec Man Ray et Marcel Duchamp à New York.

Je remercie les lecteurs pour leur soutien et vous souhaite une belle heureuse année.

Georges Bertola

« Je tiens à remercier Gérard Demuydt pour la mise en ligne de mes articles, le Musée du jeu de la Tours-de-Peilz pour m’avoir permis de consulter la bibliothèque de Ken Whyld et tous les lecteurs de leur soutien. » Georges Bertola

Les deux parties commentées.

Sources principales :

  • La Revue La Stratégie
  • Le mystérieux marin V. Charushin (Brno 1998)
  • Chess Notes Soldatenkov E. Winter
  • Nordisches Gambit I. Finhaber (Ed. Mädler 1989)
  • Danish Dynamite K. Müller & M. Voigt (Russel Enterprise 2003)
  • The Marshall Attack Nunn & Harding (Batsford 1989)
  • L’arte dell’ attaco negli scacchi V. Vukovic (Prisma 2001)
  • Mémoires du Prince Félix Youssoupov (Edition du Rocher 2005)
  • Le site Héritage des échecs français D. Thimomier
  • Vassily Soldatenkov, joueur d’échecs oublié aux multiples talents. Jean Olivier Leconte.

Documents photographiques

  1. Soldatenkov au bal de l’Empereur 1903
  2. Le cuirassé Alexandre II
  3. Saint-Pétersbourg perspective Nevski
  4. Shakhmatny Zhurnal
  5. Badrutt’s Palace  Saint-Motitz
  6. Elena Konstantinovna Gorchakova
  7. Le tsar et la Tsarine Bal costumé en 1903
  8. Soldatenkov au volant de sa Mercedes 1911
  9. Lina Cavalieri
  10. Caricature guerre russo-japonaise
  11. Renault AI 35
  12. Le sous-marin Dolphin
  13. Sorrente Villa Siracusa

Publié le , Mis à jour le

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Les réactions (6)

  • GeorgesBertola

    Merci pour vos commentaires ! Jean-Olivier Leconte a écrit un article intéressant sur le sujet à découvrir sur son site et je vous recommande également celui de Edward Winter mais il y a certainement d'autres choses à découvrir. Tartacover parle de lui comme d'un fort amateur auquel il a emprunté une idée dans le gambit Roi me rappelle un de mes lecteurs.

  • Azimut

    Si le titre de Grand Maître existait pour les historiens comme Georges, il mériterait amplement le titre !
    Un très grand bravo à Georges pour tous ses articles pationnants !
    Merci Georges ! 😀

  • Ulysse

    Merci et bravo à Georges Bertola et Gérard Demuydt pour ses écrits, toujours d'un grand intérêt, où l'histoire des échecs le dispute à l'histoire tout court. Et notre ami Delarche s'agace pour peu de chose...

  • Delarche

    Intéressant article.
    Un point agaçant néanmoins: l'usage de transcriptions anglaises pour "Chakhmantyi Journal" alors que Youssoupov est correctement transcrit (et non pas Yusupov comme en anglais).

  • MauvaisFou

    Tsarskoïe Selo s'est appelée durant quelques années Pouchkine, en hommage au poète qui a fait une partie de ses études dans cette ville, au château magnifique