Le grand champion d’échecs Aaron Nimzowitsch disait, dans une formule que n’aurait pas reniée Woody Allen que la vie était comme une partie d’échecs : « au début, on espère avoir une meilleure position, au milieu de la partie, on croit avoir une bonne position, et à la fin, on s’aperçoit que tout est foutu ».
Et donc, aux échecs, comme en cyclisme, en ce jour de prologue, que d’espoirs placés dans le début de la compétition ! Quelle force mentale il faut pour ne pas se laisser griser par un succès et tenir jusqu’au bout ou, à l’inverse, pour ne pas succomber à une première déception et garder la force de combattre ! Aux échecs, comme en cyclisme, les premiers coups, la première ronde, la première étape, sont chargés de beaucoup d’émotions et, par une sorte de superstition, on tend à croire qu’ils sont un bon indice de la suite ! Pas sûr : aux échecs un facétieux grand-maître a dit que celui qui gagnait est celui qui faisait ...l’avant-dernière gaffe.
Pauvre Tony Martin, qui chute lors du premier contre la montre ! Tandis que Fabien Cancellara, que tout le monde donnait favori dans ce "contre la montre" dans les rues de Liège, sa spécialité, il a justifié les pronostics et avec une confortable avance, suivi de près par l‘autre favori, Bradley Wiggins.
Au passage, un Suisse spécialiste du « contre la montre », ce n’est pas de la haute trahison, ça ? Et le patriotisme industriel, et les champions industriels nationaux ?
En tout cas, Anatoly Karpov, ponctuel comme une montre suisse, dès 9h00 le 30 juin, a joué le premier coup contre le reste du monde, un coup du pion de la Reine. Imaginons que c’est dans son esprit un hommage à la « petite Reine », ou alors aux sublimes mannequins qui envahissent actuellement Paris pour la fashion week !
Yves Marek
auteur de "Art, échecs et mat" (éditions Actes Sud)