Il y a 50 ans l’Olympiade de Lugano 1968 (2)

Vue générale de Lugano 1968
L’équipe de Yougoslavie était conduite par Svetozar Gligoric, collaborateur régulier de la revue «Europe-Echecs»...

Timbres Lugano 1968

Si Petrossian bénéficiait de l’aura que lui apportait le titre de champion du monde, c’est Spassky qui attisait la curiosité du public. Son talent fut immédiatement reconnu en débutant dans l’arène internationale à 16 ans au tournoi de Bucarest 1953, ce qui était extrêmement rare pour un joueur soviétique. Petrossian obtint le meilleur résultat au premier échiquier en adoptant une attitude minimaliste car il évitait, comme lors de l’Olympiade de la Havane en 1966, d’affronter les joueurs qui lui posaient des problèmes. Ce fut par exemple le cas de Larsen qui lui avait infligé deux défaites lors de la Coupe Piatigorsky en 1966. Il envoya Boris au turbin.

Tigran Vartanovitch Petrossian en 1968

« Il ne faut pas oublier ici l’arrière-plan psychologique des parties jouées à l’Olympiade. Avec les noirs au premier échiquier, la tâche de Spassky était de ne pas perdre, pendant que ses collègues sur les échiquiers suivants essayaient de régler le compte des Danois moins expérimentés. Pour Larsen c’est une affaire d’honneur que de jouer pour le gain, en particulier pour contrebalancer l’impression causée par sa sévère défaite dans le match des candidats quelques mois plus tôt. » Cafferty

Bent Larsen en 1968
Boris Spassky en 1968

Larsen,Bent - Spassky,Boris Vasilievich, Olympiad–18 Final A Lugano, 1968

1.f3 f6 2.c4 e6 3.c3 d5 4.d4 e7 5.f4

« Larsen a gagné bien des parties avec cette variante. Spassky choisit une vieille et sûre méthode. » Kavalek

5...0–0 6.e3 bd7

Plus tranchant 6…c5 mais Spassky refrène les ardeurs du Danois en évitant le jeu aventureux.

7.c1 c6 8.h3

Pour offrir une case de repli au fou de cases noires.

8...a6 9.a3 dxc4 10.xc4 b5 11.a2 b7 12.0–0 c5

Après 12...c5

« L’égalisation est obtenue. » Kavalek

13.d5 xd5 14.xd5 xd5 15.xd5 exd5 16.xd5 f6

Propose l’échange des dames car Spassky est confiant dans les ressources que lui offre sa majorité noire sur l’aile dame.

17.b7 e8!

« Spassky n’est pas seulement un artiste de l’attaque. Il joue bien toutes les positions. La menace est 18…Dc8. » Kavalek

18.fd1 c8 19.xc8 axc8 20.d6 f8

« Prévenant 21.Fxe7 Txe7 22.Td6. Spassky contrôle toutes les cases principales de la colonne d. » Kavalek

21.f1 e4 22.xe7+ xe7 23.d5 cd8 24.h5

« Du Larsen typique. Il joue toujours pour le gain; mais son adversaire a préparé une surprise. Une prompte nullité serait la conséquence de 24.Tcd1 f6! » Kavalek

24...h6 25.b4 c4 26.a4

Après 26.a4

26...f6!

« Voilà la surprise. » Kavalek

27.axb5 g6!

« La pointe ! La tour blanche sera hors jeu. »

28.xh6

L’illustration de l’axiome de Tarrasch – Une pièce mal placée et toute la position devient mauvaise.

28...axb5 29.d4 d2+

« Spassky a vu plus loin. » Kavalek

30.g1

Le roi ne peut pas venir sur la colonne e à cause 30…Txd4.

30...b3!

Provoque un échange qui va permettre à Spassky de s’imposer sur l’aile dame.

31.xb3 cxb3 32.b1

Après 32.♖b1

32...e4!!

« Menace 33…Rg7 et tout le reste est clair. » Kavalek

33.g3 xb4 34.h4 xh4 35.gxh4 d3 36.g2

36.f1 était le chemin le plus court pour se rendre sur l’aile dame mais ne sauvait pas la partie après 36...e5 37.e2 c3 38.d2 b4 39.f3 d5–+

36...e5 0-1

Le roi se dirige sur l’aile dame pour aider à la promotion du pion b. « Le jeu de Spassky dans cette partie fut celui d’un champion du monde. » Kavalek

Samuel Reshevsky observant Boris Spassky

La médaille d’or revint comme prévu à l’équipe soviétique qui distançait son plus proche poursuivant de 8 points et demi, non pas les USA mais la Yougoslavie.

L'équipe soviétique à Lugano 1968

-Interrogé sur la performance des Soviétiques à Lugano Petrossian répondit :

« Je ne crois pas que nous pouvons prétendre que notre participation à l’Olympiade de Lugano a été une sorte de marche triomphale. Toutefois il est indiscutable que les joueurs soviétiques s’étaient préparés avec beaucoup de sérieux pour être au rendez-vous. Nous avions tout d’abord décidé d’organiser un tournoi spécifique en vue de l’Olympiade. Je n’ai pu y participer mais mes collègues m’ont dit que cette retraite de deux semaines à Sukhanovo, dans les environs de Moscou, a été très bénéfique. Ce qui nous distingue des autres équipes s’explique avant tout par l’effort et l’engagement total fournis par tous les membres de l’équipe soviétique. »

Tigran Petrossian observant l'équipe suisse

-Et quel jugement portez-vous sur vos principaux adversaires ?

« Les Yougoslaves m’ont semblé satisfaits d’avoir retrouvé la deuxième place. Un rang dont ils sont à juste titre fiers. A mon avis, pourtant, leur position de vice-champion n’est pas très sûre. Les Bulgares, par exemple, auraient pu lutter pour la deuxième place s’ils avaient cru dès le début à leurs possibilités. »

Carte postale de Lugano

La différence essentielle entre les Soviétiques et le bloc de l’Est en général, c’est l’attitude professionnelle qu’ils accordaient à l’approche du jeu. Ceci avec des supports étatiques, sur le plan matériel et logistique, sans comparaison avec ce que les pays occidentaux pouvaient offrir.

A Lugano la délégation soviétique comportait plusieurs dizaines de personnes, entraîneurs, secondants, accompagnants (KGB) qui incluaient des joueurs de la force de Flohr, Keres et Bronstein.

-Etes-vous présent comme entraîneur ou journaliste ?

« Non, non je ne suis rien; ma femme m’a amicalement amené avec elle en Suisse ! » GM Bronstein

Ce qui fut considéré comme la meilleure partie de Petrossian à Lugano et enthousiasma le GM O’Kelly, admirateur du IX champion du Monde, fut sa partie contre le Bulgare Bobotsov.

Milko Georgiev Bobotsov et Tigran V Petrossian

Le GM Kholmov « commente »

Bobotsov,Milko Georgiev - Petrosian,Tigran V, Olympiad–18 Final A Lugano, 1968

1.d4 f6 2.c4 e6 3.f3 d5 4.cxd5

« Beaucoup considèrent cette suite comme une arme formidable pour les blancs. L’objectif est de préparer une attaque de minorité sur l’aile dame. Mais récemment plusieurs voies pour neutraliser ce plan ont été trouvées et je considère la présente partie comme un superbe exemple. »

4...exd5 5.c3 c6 6.g5 e7 7.c2 g6 8.e3

« Possible est 8.xf6 xf6 9.e3 f5 10.d3 xd3 11.xd3 mais après 11...e7 il n’est pas facile pour les blancs de réaliser la poussée b2–b4–b5. »

8...f5 9.d3 xd3 10.xd3 bd7!

« Pas immédiatement 10...0–0 à cause de 11.xf6 xf6 12.b4! et les blancs sont prêts pour passer à l’offensive. » Ce n’est pas aussi évident, par exemple voir la partie Andersson-Kasparov (Belgrade 1985) Georges Bertola

11.h6

« Contre Petrossian dans le XXVI championnat de l’URSS Spassky joua le tranchant 11.h4!? mais après 11...0–0 12.h6 e8 13.h5 e4 (Le matérialiste 13...xh5!? est à considérer car 14.xh5 gxh5 15.f5 n’offre probablement pas des compensations suffisantes. Georges Bertola) 14.hxg6 hxg6 15.f1 f8 16.xf8 xf8 17.g3 g7 18.g2 e7 la position est égale. »

11...g4 12.f4 0–0 13.0–0

« Le tranchant 13.h4!? mérite considération. »

13...e8 14.h3

« Devait-on chasser le cavalier ? Les blancs ont évidemment rejeté 14.ab1 à cause de 14...a5 15.a3 a4 mais possible était 16.b3 axb3 17.a4! avec un début de jeu sur l’aile dame. »

14...gf6 15.e5 b6

« Il semblerait que les blancs s’étaient fixés un seul objectif, échanger le plus de pièces possible, afin de faire nul. Mais Petrossian s’efforce d’éviter les échanges. »

16.g5?!

« Bobotsov semble avoir peur des intentions adverses et se hâte de simplifier davantage, mais il n’y avait aucune raison de le faire. Avec 16.Fh2 suivi de 17.f4 il aurait pu obtenir une position menaçante sur l’aile roi. » Keres

16...e4! 17.xe7 xe7 18.c2

« Après 18.xe4 dxe4 19.b3 (19.xe4?? f6) 19...g7 les blancs ont des difficultés, par exemple 20.f3 f6 21.c4 xc4 22.xc4 exf3 23.xf3 ad8 =+ »

18...d6 19.a4 bc4 20.xc4 xc4 21.c5 d6

Après 21...♘d6

« C’est surprenant, mais les noirs bénéficient déjà d’un certain avantage positionnel. L’habituel jeu des blancs sur l’aile dame, lié à une attaque de minorité, s’est retrouvé dans une impasse (ne réussissant pas à effectuer la poussée b2–b4–b5 parce que les noirs disposent toujours de …a6) et sur l’aile dame Bobotsov s’attend à des expériences assez désagréables. De plus, il y a un autre facteur à long terme : les noirs, alors que cela semble paradoxal, ont une structure de pions meilleure. Mais pourquoi ? Pour n’importe qui les pions de ce genre semblent bons… Le fait est qu’il est beaucoup plus facile pour les noirs d’organiser une attaque contre la base de la chaîne des pions adverses, alors que dans la structure « Karlsbad » habituellement advient le contraire. C’est pourquoi l’on retient que la structure des pions blancs est supérieure. Petrossian met en évidence une exception à la règle originale. Le rôle clé joué par le cavalier sur d6, coupant court à toute velléité des blancs d’arriver à pousser b4–b5, sous son regard vigilant, permet aux noirs de préparer en toute quiétude l’avance des pions sur l’aile roi. » Kasparov

22.ac1

Selon Kholmov la tour n’a rien à faire en c1 et il était essentiel de jouer 22.ae1 pour répondre à 22...g5 avec 23.c3 f5 24.e4 h4 mais rien n’est vraiment forcé. Keres considère que c’est l’aspect psychologique qui s’impose, les blancs semblent s’être convaincu que la nulle est une conclusion logique alors que Petrossian va développer une initiative sur l’aile roi loin d’être innocente.

22...g5! 23.d1 h5 24.h1?!

La passivité des blancs devient dangereuse et selon Keres entreprendre quelque chose sur l’aile dame avec 24.a4 ou 24.Cd3 pour renforcer la position du cavalier, qui peut intervenir sur les deux ailes, était meilleur.

24...e7 25.d3 e4 26.c5

« Les blancs continuent à chercher les échanges avec les pièces ennemies. Ce n’était pas encore trop tard pour organiser du contre-jeu sur l’aile dame en avançant les pions. »

26...d6

« Mais le champion du monde ne le veut pas. Une telle décision a dû affecter les nerfs de son adversaire. » Keres

27.d3 f5 28.e5 f6 29.f3 g7

« Tandis que les blancs restent passifs, les noirs se préparent à prendre d’assaut l’aile roi. »

30.h2

« L’idée de déplacer le cavalier de c5 à h2 est vraiment étrange et peu recommandable. » Keres

30...e8 31.g1 e4 32.f3 e6 33.fd1?!

Après 33.♖fd1?!

Un peu mieux 33.Tc2!?

33...g5!

Seul ce coup justifiait l’inclusion de la partie dans le livre du tournoi selon Keres qui, pour le reste, jugeait la partie assez ennuyeuse !

34.xh5

« Les blancs sont obligés d’accepter le sacrifice puisque 34…g4 menaçait. Dans l’éventualité de 34.g4, les noirs auraient construit une attaque irrésistible en poursuivant avec 34…Tf8 suivi de 35…f5. »

34...f5 35.e1 g4 36.hxg4 fxg4 37.f3?

« Bien sûr 37.Cxg4 Txg4 38.f3 n’allait pas à cause de 38…Cf6. (38…Tg5! –+) » Kasparov indique 37.h4 comme plus résistant mais 37...g6! 38.f1 g7 39.f4 pour fuir devant la menace 39…Th8 39...f5! et si 40.e1? h6 et le mat ne peut être paré après le doublement des pièces lourdes sur la colonne h.

37...gxf3 38.xf3

Si 38.xf3 f8 39.e2 f5! 40.c2 h6 41.f1 h5–+

38...h7 39.e5 c8 40.f4 f8 41.e5 f5! 0-1

Après ♖f5! 0-1

« Une fin amusante. En dépit du caractère ouvert de la position, la dame n’a plus de cases. » — « C’est un exemple magnifique de l’exploitation de la passivité du jeu blanc. » GM Sadler

C’est aussi l’illustration d’une domination stratégique qui combine habilement prophylaxie et dynamisme. La tactique intervient avec le sacrifice 33…g5! qui s’intègre dans la réalisation du plan, donc positionnel, et n’est pas une opportunité issue de la position.

L’équipe de Yougoslavie se classa au deuxième rang et elle bénéficiait de la sympathie du public. Lors de la conférence de Belgrade en 1961, le maréchal Tito, s’était distancé des deux blocs avec le mouvement des non alignés.

« Nulle part ailleurs qu’en Yougoslavie, hormis en Tchécoslovaquie, l’échec du « socialisme à visage humain » n’eut un tel retentissement. Des manifestations se déroulèrent sur fond de campagne médiatique dénonçant avec la plus grande sévérité les agissements de l’Union soviétique, accusée d’avoir recours à des méthodes néostaliniennes et de laisser libre cours au nationalisme russe. Moscou et les autres capitales du pacte de Varsovie répondirent que les Yougoslaves, dans leur propagande, s’étaient tout à fait alignés sur l’Ouest et les schismatiques maoïstes. » (Source: Tito- Joze Pirjevec CNRS Editions 2017)

En avril Tito s’était rendu à Moscou en compagnie des dirigeants des cinq pays membres du pacte de Varsovie pour discuter de l’attitude à adopter face à la crise tchécoslovaque avec Brejnev, l’homme fort du Kremlin. Tito soutenait avec bienveillance la nouvelle orientation prise par Dubcek.

Brejnev et Tito en 1968

« Pourquoi vous les Yougoslaves, craignez-vous tant le mot intervention ? Faut–il attendre qu’en Tchécoslovaquie on commence à pendre les communistes comme en Hongrie en 1956 ? L’histoire ne nous le pardonnera pas si nous restons les bras croisés face à la mise en action des forces anticommunistes en les regardant passivement enterrer le socialisme ! Prenez garde Broz (Alias Tito) que des processus semblables ne se produisent chez vous ! » Brejnev — (Source: Tito- Joze Pirjevec CNRS Editions 2017)

Dès la fin des années 60 les Occidentaux pouvaient se rendre en Yougoslavie sans trop de difficultés contrairement aux autres pays de l’Est où la barrière que représentait le « rideau de fer » était bien présente.

Les joueurs yougoslaves furent aussi les premiers à pouvoir se rendre plus ou moins librement à l’Ouest et cette année-là je jouais pour la première fois en simultanée contre un grand-maître de passage à Lausanne, Dragolub Janosevic, qui affichait un score positif contre Bobby Fischer !

Le Printemps de Prague débute le 5 janvier 1968, avec l'arrivée au pouvoir d'Alexander Dubček et s’achève le 21 août 1968 avec l’invasion du pays par les troupes du Pacte de Varsovie.

Un titre très rare à cette époque surtout en Occident, pas de GMI en France, Angleterre, Italie ou Suisse. La liste des joueurs de l’Europe de l’Ouest comportait moins d’une dizaine de noms (Pomar, Olafsson, Larsen, Unzicker, Schmid, Darga, Donner, O’Kelly, Robatsch)

L’équipe de Yougoslavie était conduite par le grand-maître Svetozar Gligoric, héros de la résistance, aux côtés des communistes, contre les nazis et, l’un des rares à pouvoir tenir tête aux meilleurs GMI soviétiques. Un théoricien remarquable qui pendant plusieurs années fut un collaborateur régulier de la revue « Europe-Echecs ». Cette partie fut jugée comme l’une des meilleures de « l’Informateur », la référence absolue à l’époque.

Lajos Portisch
Svetozar Gligoric

Gligoric,Svetozar – Portisch,Lajos, Olympiad–18 Final A Lugano, 1968

1.d4 f6 2.c4 e6 3.c3 b4 4.e3 0–0 5.d3 c5 6.f3 d5 7.0–0 dxc4 8.xc4 cxd4

« Portisch étudie les échecs 6–8 heures par jour. Cette étude intensive permet de jouer bien des variantes avec de bons résultats. Mais « Gligo » a une vieille routine et joue avec beaucoup d’entrain les positions avec pion isolé. » Kavalek

9.exd4

Après 9.exd4

9...b6 10.g5

« En surchargeant la défense sur l’aile roi, les blancs veulent remettre en question l’utilité du fou en b4. » Gligoric

10...b7 11.e1 bd7 12.d3

« Evente la menace 12…Fxc3 13.bxc3 Dc7 suivi de 14…Ce4. » Gligoric

12...c8 13.c1 e8 14.e2

« Prématuré était 14.e5 xe5 15.dxe5 xc3 16.bxc3 d5! » Gligoric

14...xc3

« Sur 14...f8 était désagréable 15.b5 c6 16.a6! » Gligoric

15.bxc3 c7 16.c4

« Les blancs contrôlent toutes les cases importantes au centre. » Kavalek

16...c6

Après 16...♕c6

« Cloue le cavalier f3, ne conduisait à rien 16...g4?! 17.h3 xf3 18.xf3 h2+ 19.f1 » Gligoric

17.h3 cd8

« Les blancs sont plus actifs et les noirs cherchent en vain un point faible dans la formation adverse, parce que la poussée e5 n’allait pas à cause de la riposte 18.Fxf6. » Gligoric

18.cd1 f8 19.e5!

« Les noirs comptaient sur 19.Fxf6 gxf6 et 20…Cg6 ne mesurant pas le danger du déplacement de la dame sur l’aile roi. » Gligoric

19...6d7 20.g3 a8

« On ne peut pas jouer 20...c8 à cause de 21.e4 c7 22.f4 » Gligoric

21.h4! h8 22.c1

« Avec l’idée 23.Fb2 et 24.d5 » Gligoric

22...f6 23.h5 h6

« L’affaiblissement de la diagonale b1–h7 augmente les possibilités d’attaques pour les blancs. » Gligoric

24.d5! a4

« 24...exd5 serait réfuté par 25.d4 suivi de 26.Cf5 avec attaque de mat. » Kavalek

25.d4 c5 26.dxe6 cxe6 27.c2

Après 27.♗c2

La pointe de l’attaque. La dame noire ne peut plus participer activement à la défense. » Kavalek

27...xa2

Gligoric pensait que la meilleure défense était 27...xc4 mais 28.xe6 est décisif si 28...xe6 (28...xe6 29.g6 f8 30.xe8 xe8 31.xe8+–) 29.xh6!! gxh6 30.b3 c6 31.xe6 xe6 32.d6+–

28.xe6

Tout aussi expéditif 28.xh6 gxh6 29.xe6 xe6 (29...xe6 30.g6) 30.f5+–

28...xe6

« Faux serait 28...xe6 à cause de 29.xe6 xe6 30.g6 g8 31.h7+ f7 32.g6+ f8 33.h8+ e7 34.xg7# » Kavalek

29.xe6 xe6 30.d3 f8 31.a3 f5

Après 31...f5

32.c3 1–0

32.c3 « 32...e4 (« 32...c8 33.xf8 xf8 34.a1; « Si 32...e6 33.b2 a5 34.e3 avec la double menace 35.Dxe6 et 35.Dxh6. » Gligoric) 33.b2 e6 34.a1 et la dame est perdue » Kavalek

Une position qui illustre la puissance des pièces blanches face à un roi sans défenseur avec cette variante 32.xf8!? xf8 33.xf5! xf5 34.d8+ h7 35.xf5+ g6 36.hxg6+ g7 37.d7+ f6 38.f7+ e5 39.g7+–

Les connaissances théoriques de « Gligo » furent remises en question par le facétieux Najdorf lors de la ronde qui opposa l’Argentine aux USA. La partie Reshevsky-Najdorf se calqua sur celle disputée à une table voisine opposant Gheorghiu à Gligoric. Une variante tranchante de l’Est-indienne Sämisch.

Friedrich Saemisch, 72 ans, était par ailleurs présent à Lugano et lorsque qu’une vieille connaissance le salua :

  • Cher doyen des grands-maîtres, comment allez-vous ?
  • Mais je ne suis pas Sämisch, je suis seulement ce qui subsiste de Sämisch ! (RSE nov.dec. 1968)

Pendant seize coups la partie pris une tournure identique et régulièrement Najdorf venait jeter un coup d’œil sur l’échiquier de Gligoric. Puis se rendant compte que la position se détériorait, il opta pour une autre voie et dut s’incliner après une longue lutte comme Gligoric avant lui.A l’issue de la partie, Najdorf interpella Gligo :

  • Comment toi, un théoricien qui écrit des livres peux-tu recommander une telle variante ? Je t’ai fait confiance, voilà le résultat, j’ai perdu contre celui-là.

En pointant Reshevsky outré. Tout se termina par un éclat de rire et l’intervention de l’arbitre avec un mordant :

  • Silence. (Rapporté par le GM Gheorghiu)
Florin Gheorghiu et Tigran V Petrossian en 1966

La révélation de l’Olympiade fut un jeune joueur venu du Brésil. Dès la première ronde, Henrique Mecking se distingua avec une victoire positionnelle sur le numéro un de l’Allemagne de l’Ouest.

Henrique Mecking en 1968
Wolfgang Unzicker

Mecking,Henrique – Unzicker,Wolfgang, Olympiad–18 Preliminaries E Lugano, 1968

1.e4 e5 2.f3 c6 3.b5 a6 4.xc6 dxc6 5.0–0

L’influence de Fischer qui avait ravivé la variante avec ce coup par rapport à l’immédiat 5.d4 joué par Lasker.

5...f6 6.d4 g4 7.c3 d6 8.e3

A l’époque une nouveauté qui fut bientôt considérée comme la meilleure façon de consolider le centre.

8...e7 9.bd2 c8

Pour éviter les complications qui pouvaient survenir après 9...0–0 10.b3+ h8 11.xb7 etc. mais 9…Dd7 est meilleur.

10.c4 0–0 11.dxe5 xe5

Si 11...fxe5 12.b3! (Le gain du pion n’était pas intéressant 12.xd6 cxd6 13.xd6 xf3 14.xe7 xg2! 15.xg2 g4+ avec échec perpétuel pointait la revue 64.) 12...e6 13.g5 avec avantage selon le GM Pachman.

12.cxe5 fxe5 13.b3+ e6 14.b4 g6 15.g5 a5 16.a4 h6?

Avec leur colonne f ouverte, les noirs auraient dû jouer énergiquement pour rechercher du contre-jeu sur l’aile roi avec 16...b5! 17.c2 c4 18.fd1 h6 19.b3 (19.f3 xf3!) 19...e6 20.xe6 xe6 selon Pachman.

17.xe6 xe6 18.b3!

« Le jeune Mecking joue comme un vieux renard, très logiquement. Dans la finale Unzicker n’a aucune chance. » Kavalek

18...xb3

C’était peut-être le moment pour activer le cavalier avec 18...f4!? et si 19.xb7?! ab8 20.xc7? xg2! etc.

19.axb3 b6 20.g3! f7 21.a4!

Après 21.♖a4!

« Un excellent plan positionnel, les blancs préparent l’ouverture de la position à l’aile dame. Certes les pions noirs s’en trouveront dédoublés, mais les figures blanches seront activées et le fou se révèle supérieur au cavalier. » Pachman

21...c5?!

Douteux sur le plan positionnel. 21...e6 22.fa1 ad8 méritait considération même si après 23.b4 axb4 24.xb4 les blancs parviennent à l’ouverture de la colonne a sans que les pions adverses soient dédoublés.

22.fa1 ac8?!

Une défense trop passive.

23.b4!

« Après cette poussée la défense est très difficile. » Kavalek

23...axb4 24.cxb4 cxb4 25.xb4 e7

« Après 25...a8 26.c1! les blancs transporteraient immédiatement leur attaque sur la colonne c ; bien entendu la faiblesse du pion e5 joue aussi un rôle important ! » Pachman

26.c4 e6 27.b4 b5

Sinon les blancs jouent b5, par exemple 27...fe8 28.ac1 d7 29.b5! et les noirs n’ont plus de coup raisonnable selon Pachman.

28.c5 c6 29.a6 a8

Si 29...b8 30.d2 suivi de 31.Fc3 +– et le pion e5 saute.

30.b6 fd8

Après 30...♖fd8

« Le pion b5 ne peut être sauvé, même après 30…Tfb8 car il suit alors 31.Tcxb5. » Pachman

31.cxb5 a1+ 32.g2 g5 33.h3

La contre-attaque noire arrive trop tard, 33.Fc5! était plus précis mais les deux joueurs étaient en zeitnot.

33...dd1 34.c5 a2 35.c3 f7 36.b7 e6 37.c5 1–0

« Ceci a été la première grosse surprise de la XVIII Olympiade d’échecs ! » Kavalek

Après 37.♗c5 1–0
L'équipe suisse à Lugano 1968.
Depuis la gauche Glauser, Bhend, Kupper, Keller, observée par Mecking.
Toutes les parties commentées de l'article.
Vue générale de l'Olympiade de Lugano 1968

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Les réactions (3)

  • Muybien

    Toujours aussi passionnantes vos analyses M. Bertola, replacées dans le contexte historique de l'époque.
    Voilà qui donnerait envie d'avoir eu 20 ans en 1968 !
    Continuez à nous faire voyager dans le temps. Un grand merci.

  • patbru54

    Bravo !
    Encore super intéressant !

  • jplie

    Merci