Vladimir Savon - Henrique Mecking, 1973

Henrique Mecking en 1964
Les grandes parties du passé par Georges Bertola. Henrique Mecking, né le 23 janvier 1952, fête ses 70 ans. Svetozar Gligoric, en 1973, écrivit : « Il y a seulement trois Grands-Maîtres d’une classe supérieure aujourd’hui – Fischer, Karpov et Mecking ! »

Le GM Henrique Mecking né le 23 janvier 1952, fête ses 70 ans. Il fut jusqu’à ce jour le meilleur joueur du Brésil et remporta son premier titre, âgé seulement de 13 ans, à Sao Paulo en 1965.

Henrique Mecking en 1973

« En remportant le tournoi le plus important du Brésil, Mecking est devenu la révélation de l'année et un espoir sensationnel pour les échecs mondiaux. Nous espérons donc que dans l'avenir il pourra également se démarquer sur le plan international.

Le nouveau champion pratique un jeu de position subtil, très correct, qui nous rappelle le style du grand Capablanca. Il sait trouver des positions équilibrées avec des lignes claires, mettant l'adversaire en difficulté constante, sans montrer des lacunes dans son propre jeu. Il est très méthodique et prudent, toujours à l'écoute et très calme. » A. Witte

Henrique Mecking en 1964

En 1966 Mecking partage la première place du tournoi zonal de Buenos Aires en compagnie de J. Bolbochan, Folgueman et Panno. Il crée la sensation dès la 1re ronde.

« Ses débuts dans ce type d'événement ont été exceptionnels, puisqu'à la première ronde, il a battu le GM argentin et ancien champion du monde junior Oscar Panno dans une partie qui a pris une tournure magnifique et dans laquelle le jeune Mecking a démontré son profond concept stratégique et sa domination dans la technique de fin de partie. » Presse argentine

Yuri Balashov, Anatoly Karpov et Vladimir Savon

A la fin de la même année à Hastings Mecking remporte sa première victoire face à un GM soviétique Yuri Balachov et, en 1967, il s’impose dans les départages du tournoi zonal et obtient sa qualification pour le tournoi interzonal de Sousse en Tunisie. Il réalise un résultat honorable au-dessus de la barre des 50% (+7 =8 -6).

« Mecking est un phénomène qui ne se rencontre que de temps en temps dans le monde des échecs. Il a largement surpassé tous les joueurs de son pays et est clairement un autodidacte.

Il a le talent et la ténacité. Il doit étudier les ouvertures pour que ses qualités portent leurs fruits. Son désavantage est le manque de rivaux en Amérique latine. Le tournoi interzonal sera l'épreuve dans laquelle nous pourrons apprécier à quel point il a développé ses capacités mais, en tout cas, cela constituera une expérience fondamentale pour son avenir. » GM Panno en 1967

En 1968 Mecking joue au premier échiquier de l’équipe du Brésil à l’Olympiade de Lugano. C’est la première fois que j’ai pu l’observer et il se fait remarquer d’entrée en luttant, malgré ses 16 ans dans le style mature d’un grand-maître. Plongé dans une intense concentration, le dos courbé sur l’échiquier, les deux mains sur ses tempes, Mecking remporte une superbe victoire dans la première ronde face au GM Unzicker venu d’Allemagne de l’Ouest. Il réalise au final une excellente performance, 7 victoires, 9 nulles pour une seule défaite.

Henrique Mecking à Lugano en 1968

« En 1968 également, une proposition d’un match avec Fischer fut envisagée à plusieurs reprises. C'était prévu la première fois en juillet, bien avant l’Olympiade de Lugano qui se jouait en octobre. Mais le père intransigeant s'inquiétait de l'école que son fils pourrait manquer. Les conditions étaient plutôt bonnes, avec une bourse de 6000$ au gagnant et de 1000$ au perdant. Il devait se jouer à Rio de Janeiro, ce qui convenait à Fischer car il avait toujours été bien reçu en Amérique du Sud et avait obtenu de nombreux bons résultats. Le vainqueur devait être le premier à gagner cinq parties avec pas moins de dix parties à jouer. C'était certainement pour éviter que le jeune Mecking ne soit balayé trop rapidement. En tout état de cause, bien que Fischer fût favorable, un accord avec le père de Mecking n'a jamais pu aboutir. Il a même refusé de permettre à Henrique de jouer pendant la longue pause entre les semestres de l'année scolaire brésilienne. » W. Gordon dans une biographie de Mecking en 1993

Mecking poursuit ses études, jouant relativement peu et dut attendre le tournoi de Buenos Aires 1970 pour pouvoir se mesurer avec Fischer. Sa nulle fut son seul point lumineux dans le tournoi où il n’obtint qu’un résultat en demi-teinte. Fischer par contre était au sommet de son art distançant son plus proche poursuivant de 3,5 points !

« Je pense que Mecking a fini par abandonner l'université pour ne pas avoir à échouer à ses examens. Il a commencé à avoir de mauvaises notes parce qu'il étudiait les échecs 12 heures par jour. Sa vie entre 1967 et 1978 n'était qu'un jeu d'échecs. Donc, ce dont il pouvait se souvenir ? Les échecs, c’était clair. Il passait une semaine entière à étudier une variante qui pouvait se présenter dans un tournoi, cela durait jusqu'à deux, trois, quatre heures du matin. » Dr. Nelson Duarte Da Silva

Henrique Mecking à Palma de Majorque en 1970

Mecking n’est toujours que maître international, titre obtenu en 1967, lors de sa 2e participation à un tournoi interzonal de Palma de Majorque qualificatif pour les candidats au titre mondial. A nouveau largement distancé des meilleurs (6 points du vainqueur Bobby Fischer) mais à nouveau au-dessus des 50% (+7 =11 -5). Toutefois il doit s’incliner contre les 3 premiers Fischer, Larsen et Geller.

Un premier grand succès international au tournoi de Vrsac où il devance 6 GM et son Elo passe à 2540. Mecking obtient le titre de GM en 1972 peu avant ses 20 ans, officiellement lors de l’Olympiade de Skopje.

Au tournoi de Hastings 71/72 Mecking réalise une norme de GM en se classant 3e derrière Korchnoi et Karpov. A cette occasion il perd un duel de prestige contre le futur champion du monde qui déclare :

« Je n’ai pas une trop haute opinion de son jeu. Dans notre partie Mecking a adopté un nouveau coup mais je pense qu’il ne trouvera pas d’imitateur. Mecking tenait beaucoup à obtenir la première place. Lorsque j’avais 3,5 points sur 4, avant ma partie contre le maître roumain Ciocaltea, Mecking lui a dit :

- Tu es prêt à écraser Karpov !
- Je suis prêt à jouer.
- Fais attention à ne pas perdre, sinon je ne pourrais pas conquérir la première place. » Anatoly Karpov en 1975

Henrique Mecking par Sylvain Zinser

Mecking devient le plus jeune GM en exercice, le 1er GM brésilien et se profile comme ayant l’étoffe d’un candidat au titre mondial. Il survole le tournoi zonal de Sao Paulo 1972 distançant de 2,5 points les GM Panno et Quinteros.

Lors du tournoi de San Antonio, ses rapports avec les joueurs soviétiques s’enveniment mais de son côté le livre du tournoi révèle que Mecking est un adversaire difficile à cause de sa nervosité et de sa sensibilité.

Impulsif, il fait une proposition de nulle « peu honnête  » dans une position perdue, alors que le MI Saidy réfléchissait pour mettre son coup sous enveloppe et sauve ainsi un demi-point.

« Sa partie contre Petrosian devint fameuse dans le monde des échecs et sera certainement présente dans toutes les futures anthologies de comportement excentrique aux échecs. Petrosian, selon Mecking, secouait la table avec ses jambes, remuait bruyamment son café et faisait rouler une pièce sur la table. Mecking a protesté à deux reprises, mais en vain. Enfin, il a dit au directeur du tournoi Golombek que si Petrosian ne pouvait pas rester assis, il devrait être attaché à sa chaise pour qu’il reste tranquille.

Mecking s'est également plaint que lorsqu'il a parlé personnellement à Petrosian, ce dernier a ostensiblement éteint son appareil auditif.

Petrosian a offert deux fois la nulle jusqu'à ce que Mecking fasse une erreur. Puis Mecking a répliqué avec quatre offres de nulles avant de perdre au temps dans une position perdue. » S.W. Gordon

Ljubomir Ljubojević et Henrique Mecking à Petropolis en 1973

Mecking bénéficie du soutien du Président du Brésil, le général Emilio Garrastazu Médici qui représente la frange la plus dure du régime militaire. En 1973 l’Amérique latine vit des heures sombres. Au Chili le renversement, par un coup d’État mené par Auguste Pinochet, du Président Salvatore Allende assassiné permet d’instaurer une dictature militaire et en Argentine c’est le retour du général Juan Peron au pouvoir.

Au Brésil, sous la présidence d’Emilio Garrastazu Médici, cohabite la torture et le « miracle » économique.

Le Président suit la carrière du jeune prodige de près et parfois s’entretient avec lui. Mecking peut se consacrer exclusivement aux échecs avec une colonne dans le « Jornal do Brasil » et une chaire de professeur d’échecs à l’Université de Rio.

En 1973, un premier grand évènement est organisé au Brésil, le tournoi interzonal de Petropolis.

Petropolis situé à une soixantaine kilomètres de Rio de Janeiro fut la dernière demeure de Stefan Zweig, l’auteur du roman célèbre « Le joueur d’échecs », avant qu’il ne se suicide en février 1942.

Mecking est l’un des plus jeunes participants du tournoi (après le champion suisse junior Werner Hug) et il remporta l’épreuve invaincu (+7 =10) devant 3 grands favoris, les GM Geller, Polugaevsky et Portisch. Ce succès lui permit de franchir la barre des 2600 Elo et lui apporta une stature de prétendant au titre qu’il conservera jusqu’en 1977. Le GM Gligoric écrivit dans la revue « Chess Life & Review en décembre 1973 :

« Il y a seulement 3 Grands-Maîtres d’une classe supérieure aujourd’hui – Fischer, Karpov et Mecking ! »

Voici sa partie contre Vladimir Savon (1940-2005) qui fut champion de l’URSS en 1971. Après un début laborieux, éprouvant sur le plan des nerfs, Savon réussira 3,5 points sur 4 dans les dernières rondes pour décrocher ainsi le titre de Grand-maître.

Vladimir Savon
Henrique Mecking

Savon,Vladimir A - Mecking,Henrique, Interzonal-09b Petropolis (7), 02.08.1973. Défense Sicilienne [B96]

1.e4

Lors de leur première rencontre à Mar del Plata, en 1971, Savon avait opté pour 1.c4 et avait remporté la victoire.

1...c5 2.f3 d6 3.d4 cxd4 4.xd4 f6 5.c3 a6 6.g5

« Savon aime jouer contre cette variante avec les Noirs. Lorsqu’il conduit les Blancs, il préfère des coups comme 6.e2 ou 6.c4 dans cette position. » GM Mecking  

« Le coup qui a été considéré pendant de nombreuses décennies comme le test ultime de la variante Najdorf. C'est ce coup particulier qui a donné lieu à des variantes des plus complexes, des plus époustouflantes, riches en sacrifices, contre-sacrifices, attaques destructrices et sauvetages miraculeux que tout autre système d'ouverture. » GM Van der Sterren en 2009

6...e6 7.f4 bd7

« Les Noirs essaient de s’opposer à la poussée e4-e5 des Blancs avant de développer une initiative sur l'aile-Dame avec la poussée ...b7-b5 pour mettre le pion « e » des Blancs sous pression. » GM Stean

Usuel est 7...e7 et ici la partie Rodriguez-Savon (La Serena 1972) se poursuivit avec 8.e2 h6 9.xf6 (9.h4 xe4! 10.xe7 xc3 avec des complications favorables aux Noirs.) 9...xf6 10.0-0-0 d7 11.e5? dxe5 12.fxe5 xe5 13.xe6?! fxe6 14.h5+ e7 15.c4? (Insuffisant était 15.xd7+ xd7 16.xe5 g5+ force les échanges avec une qualité de plus.) Rodriguez Vargas,O-Savon,V La Serena 1972. Et ici  15...a5! avec un avantage noir décisif.

De nos jours, beaucoup de GM préfèrent questionner le Fou avec 7…h6.

8.e2!?

Le dernier cri à l’époque par rapport à 8.f3 qui laisse la voie libre au Fou de case blanche. Voir par exemple la partie Browne-Mecking (San Antonio 1972) qui fut longtemps considérée comme une partie modèle en opposant 2 spécialistes de la Najfdorf.

« L’idée derrière 8.e2 est une avancée de pions sur l’aile-Roi en conjonction avec des possibilités tactiques via l’ouverture de la colonne e. » GM Stean

« Mon adversaire réfléchit pendant plus de 15 minutes avant de jouer ce coup, alors qu’il avait utilisé seulement une minute jusqu’ici. J'ai cru comprendre qu'il ne s'attendait pas à mon dernier coup. » GM Mecking

8...c7 9.g4!?

Savon - Mecking, après 9.g4!?

Crée un déséquilibre important avec une marée de pions blancs à l’assaut de l’aile-Roi et une colonne « c » semi-ouverte au service du contre-jeu des Noirs.

La pratique retenait surtout 9.0-0-0 pour faciliter l’ouverture de la colonne en sacrifiant sur d5 ou f5. La première partie importante de cette variante avait opposé Stein à Najdorf (Mar del  Plata 1965) 9...e7 10.g4 h6 11.xf6 xf6 12.g2 b6 13.h4 d7 14.h3? (14.f2!? GM Franco Ocampos) 14...h5! 0-1 (29) Stein,L-Najdorf,M Mar del Plata 1965

« Jusqu’ici nous suivions la partie Bronstein-Gheorghiu jouée dans la même ronde. La partie continua avec 9...b5 10.a3 b8 11.d5!? exd5 12.exd5+ e7 13.c6 avec avantage. » GM Mecking

La partie se poursuivit avec 13...b6 14.xf6 gxf6 1-0 (36) Bronstein,D-Gheorghiu,F Petropolis 1973 et ici le MI Kaplan, secondant de Mecking, portait le jugement suivant :

« Il fallait poursuivre avec la prise de la Tour et les Noirs avaient une position misérable, ils auraient dû déplacer leur Roi sur b8 le seul endroit sûr, tandis que la Dame blanche se régalait des pions noirs du côté Roi. »

Bronstein, plus prudent, commentait 15.xb8 xb8 16.h5 avec des chances égales… Certes la position est difficile à jouer pour les Noirs mais loin d’être sans espoir !

Puis le GM  Tukmakov a tenté de se passer du prophylactique 10.a3 en jouant immédiatement 10.f5!? mais après 10...b4 11.fxe6 bxc3 12.exd7+ xd7 13.c4 Tukmakov-Polugaevsky (Champ. d’URSS 1973), il n’a pas obtenu grand-chose. 13...cxb2+ 14.b1 xc4 15.xc4 1/2-1/2 (41) Tukmakov,V-Polugaevsky,L Moscow 1973

Au 21e siècle, la suite la plus populaire est 9.0-0-0 b5 10.a3 b7 11.g4 et ici :

a) 11...c8 12.xf6 gxf6 13.h4 1-0 (65) Grischuk,A (2783)-Wang,H (2735) Beijing 2013
b) 11...e7 12.b1 h6 13.h4 g5 14.fxg5 h7 15.g3 hxg5 16.h4 hf8 17.g2 1-0 (31) Pichot,A (2630)-Saric,I (2653) Krasnaya Polyana RUS 2021 17...e5 18.hxg5 xh1 19.xh1 c8 avec des chances égales selon le GM Leitao.

9...b5 10.a3

Le sacrifice de pièce avec le Roi encore au centre ne va pas après 10.d5? exd5 11.exd5+ e7 12.0-0-0 0-0! 13.xe7 e8-+

Possible 10.0-0-0 qui rend ce coup peut-être superflu car 10...b4 11.d5 exd5 12.exd5+ e7 13.c6 ou 13.f5 les Blancs obtiennent une dangereuse attaque selon le GM Nunn en 1996. C’est loin d’être clair après 13...b8!? 14.xf6 gxf6 15.g2 xc6 16.dxc6 h5 Spraggett-Kuczynski (Capelle la Grande  2005). Ou 13.f5 b6 14.xg7+ d8 etc.

10...e7

« Cela enlève l'aiguillon de tous les sacrifices possibles des Cavaliers. Les Noirs ont joué comme dans la ligne principale avec 9…e7 mais les Blancs ont perdu du temps avec a3 et leur Dame est mal sur e2, empêchant le développement naturel du Fou sur d3. Il est clair que  les Noirs doivent déjà avoir un bon jeu. » MI Kaplan

11.g2 b7 12.0-0-0 c8

Savon - Mecking, après 12...c8

« Peut-être le coup le plus important de la partie. Les Noirs se préparent à provoquer l'échange des Dames car de cette façon, en général, les possibilités d'attaque des Blancs au centre et à l'aile-Roi disparaissent, tandis que de l'autre côté, l'initiative sur l’aile Dame, passe entre les mains des Noirs. » MI Wexler

Le GM Parimarjan préfère 12...c4 13.d2 +=

Instructif est de poursuivre avec l’intention de conduire une attaque sur l’aile-Dame, en évitant l’échange des Dames avec 12...b6 13.h4 c4 (13...c4 14.e1!? Polugaevsky) 14.g5 d7 15.h3? (15.e1!?) 15...d5! 16.hf1 (16.g3! Gelfand) 16...xb2! 17.xb2 xa3+! 18.b3 (18.xa3 xc3+ 19.b3 b6-+) 18...a5! 19.b1 c5+ 0-1 Yakubenia-Gelfand (Minsk 1980)

13.h4

« Savon a trop réfléchi à ses coups, il a utilisé plus d'une demi-heure sur ce coup douteux qui menace pourtant 14.g5. Digne de considération est 13.xf6 ou 13.he1. » GM  Mecking

« Manque complètement son but. Les Blancs renoncent à l'initiative qui, dans les positions tendues de la Najdorf, est généralement fatal. La seule justification du coup précédent si 13.xf6 xf6 14.g5 d7 15.h4 c4 est mieux pour les Noirs. » MI Kaplan

Le sacrifice de pion 15.f5 e5 16.b3 c4 laisse les Noirs avec toutes leurs chances. » MI Kaplan. 16...xg5+! 17.b1 e7 est à considérer.

L’idée principale est de favoriser l’avance du pion g4 mais avec un Fou sur g2 cela est une imprécision selon le GM Parimarjan.

13...c4!

« J’ai joué ce coup rapidement. Si les Dames sont échangées, le pion central e4 des Blancs sera sous pression. » GM Mecking

Faible est immédiatement 13...xe4? 14.xe4 et ici :
14...xh4? 15.dxb5! axb5 16.xb5 b8 17.xb7-+
14...xe4 15.xe7 xh1 16.f5 g6 17.xd6 b7 18.g7+ d8 19.e1 avec les menaces 20.xh1 et 20.xe6+ fxe6  21.h4+.

« Si 13...0-0 14.g5 e8 15.f5 avec initiative. » GM Vasyukov

Peu convaincant est de garder les Dames après 13...c5 14.e5 xg2 15.xg2 dxe5 16.fxe5 xe5 17.c6! c7 18.xe7 xe7 19.he1 b7 20.f2 b6 21.f1 += avec une dangereuse initiative pour le pion sacrifié. GM Parimarjan

14.xc4?!

« Savon, qui commençait à être en manque de temps, perd patience. » GM  Najdorf

« Après 14.f3 (14.d3? c5!, mais 14.e1!? xg4? 15.xe7 xe7 16.g3 avec initiative.) il craignait 14...d5 =+ » GM Najdorf. 14...b4 15.axb4 xb4 16.g5 xc3 17.xc3 xc3 18.bxc3 xe4 Vasyukov et la compensation pour la qualité reste à démontrer.

Meilleur 14.g5!? xe2 15.dxe2 g4 16.f3 e3 17.dg1 GM Vasyukov

14...xc4 15.f3?

« Mauvais était aussi 15.g5 g4 avec la double menace 16…e3 et 16…h6 affaiblissant la structure de pions. Nécessaire 15.xf6 xf6 16.h3 . » MI Kaplan.

Pourtant ici critique semble être le sacrifice de la qualité 16...xc3!? 17.bxc3 xe4 18.xe4 xe4 avec les menaces 19…f2 et 19…xc3 avec 2 pions pour la qualité.

À considérer 15.he1 qui posait un piège instructif après 15...xg4? (15...c5!?) 16.xe7 xe7 17.f5+! exf5 18.exf5+ suivi de 19.xb7 +-

15...c5

Savon - Mecking, après 15...c5

« Je pense que maintenant Savon a réalisé que sa position n’était pas réjouissante. » GM Mecking

« Non seulement ce coup attaque à nouveau le pion e4 mais aussi il défend le Fou  b7. Contrairement à la position resserrée des Noirs, les Blancs ont des pions avancés et des pièces en situation précaire pour tenir la défense. Il n’est donc pas surprenant que les Blancs perdent du matériel. » MI  Kaplan

16.e2

Si 16.he1 fxe4 et ici :
a) 17.xe7? xc3 18.xd6 xd1 gagne la qualité.
b) 17.xe4 xe4 18.xe7 xf3 19.xf3 xe7 etc.
c) 17.xe4 xh4 18.e2 xe4 19.xe4 xe4 20.xe4 d5 avec la meilleure position et un pion de plus.

16...fxe4! 17.xe4?!

« Savon était déjà en zeitnot et a joué sans trop réfléchir. Toutefois après 17.xe7 xc3 18.bxc3 (18.xd6? xd4!-+ ou 18.xc4 xd1 19.xd1 xe7) 18...xe7 19.xc4 xh1 20.xb5 les Noirs conservaient un net avantage. » GM Mecking

Logique 20...e4 avec une meilleure structure mais le gain n’était pas encore évident.

17...xe4 18.xe7

Savon - Mecking, après 18.xe7

Les Blancs pouvaient compliquer avec 18.xc4 xh4 19.xb5+ axb5 pour déséquilibrer complètement la position selon le livre du tournoi russe mais la paire de Fous est supérieure à une qualité et un pion par exemple 20.hf1 d5 21.d2 (21.xb5? g2 22.g1 f3 23.d2 e4 gagne du matériel.) 21...d7 22.xb5 b8 et toutes les pièces noires peuvent combattre sur l’aile-Dame.

18...b3+!

« Savon n’a probablement pas vu ce coup dans ses analyses. Durant les derniers coups son visage exprimait son insatisfaction mais à présent il est complètement choqué de constater qu’il avait perdu la partie en quelques coups. » GM Mecking

19.b1

« Si 19.xb3 xc2+ 20.b1 xe2+ gagnait facilement. » GM Mecking

19...xd4 20.xd6 xh1 21.cxb3 xd1+ 22.xd1 d7

Savon - Mecking, après 22...d7

Les Blancs n’ont aucune compensation pour la perte de la qualité.

23.e5 f6 24.c3 e4+ 25.a2?!

Le champion soviétique continue, aveuglé par le zeitnot, 25.c1 ne changeait pas grand-chose car la Tour noire entre facilement en jeu.

25...c6 26.a4 d8 27.e2 e5!

Un moyen élégant d’activer la Tour.

28.fxe5 fxe5 29.xe5 d2 30.f1 d1 31.axb5+ axb5 32.h3 b4!

L’inconvénient d’avoir laissé le Roi sur l’aile-Dame permet de boucler un réseau de mat.

33.xg7 d7 0-1

Savon - Mecking, après 33...d7 0-1

Une partie instructive sur la Sicilienne Najdorf, toujours très populaire au plus haut niveau. Après Fischer, Kasparov, Anand et Topalov, cette défense reste toujours une arme de prédilection auprès des tous grands du 21e siècle, notamment le champion du monde de blitz Maxime Vachier-Lagrave.

Après cette victoire sur le champion de l’URSS 1971, Mecking poursuivit tour à tour contre 5 Soviétiques ; Bronstein, Polougaysky, Keres, Smyslov et Geller avec au final 2 gains (Savon et Smyslov) et 4 nulles !

Korchnoi – Mecking 1974

L’année suivante Mecking devait rencontrer Viktor Korchnoi qui jouait encore avec le drapeau de l’URSS et lui barrera la route du championnat du monde en quart de finale des candidats à San Augusta aux Etats-Unis.

Mecking réussit à remporter à nouveau l’interzonal de Manille en 1976 mais un autre Soviétique, Lev Polugaevsky s’interposera à Lucerne en quart de finale des candidats. Lors de l’interzonal de Rio de Janeiro, Mecking abandonne après 2 rondes pour raison de santé ce qui met un terme à sa carrière de prétendant au titre mondial.

« Lors du premier semestre de 1977, un mois ou deux après la fin du match contre Polugaevsky, je suis tombé malade. J'ai consulté plusieurs médecins. En février 1978, j'ai été admis dans un hôpital aux États-Unis et là-bas, ils ont découvert que je souffrais de "myasthénie grave", une maladie qui peut attaquer n'importe quel muscle du corps. A partir de cette date, bien que sous traitement médical continu, la maladie s'est aggravée de plus en plus en attaquant de nombreux autres muscles. Avec l'aggravation continue de la maladie, je fus sur le point de mourir en mai 1979. » GM Mecking

Lorsque Mecking recouvra la santé, il avoua devoir son salut à sa foi en Jésus Christ et la religion catholique. Il tenta en 1991 de revenir à la compétition mais son temps était révolu pour être en mesure de lutter pour le titre mondial.

« Je tiens à remercier Gérard Demuydt pour la mise en ligne de mes articles et tous les lecteurs de leur soutien. » Georges Bertola

Bonjour M. Bertola.

Un grand merci une fois de plus pour avoir réexposé au grand jour les qualité d'Henrique Mecking qui a aussi marqué l'histoire des Echecs. Pour avoir été nourri d'informateurs, je connaissais par coeur cette fameuse partie d'interzonal contre Vladimir Savon qui présente autant d'intérêt que celle jouée contre Smislov. Quelques remarques : 

- La bonne suite blanche, dont le Russe misait peut-être sur l'interversion, commençant par 17.xe7! et se terminant par 20.xb5+ "avec un grand avantage noir" (Mecking) semble jugée "léger avantage noir" par l'ordinateur ; mais il est vrai que la finale blanche serait inconfortable face à un champion déterminé. 

- 31.axb5+ mérite clairement un ? (Mecking) vu que le hara-kiri de l'ouverture de la colonne a crée un réseau de Mat.

- Le 11 septembre 1973, le président Chilien Salvador Allende n'a pas été assassiné : il a préféré le suicide à l'exil. On le savait et cela a été scientifiquement prouvé après une exhumation. Ceci étant, le coup d'état militaire reste encore aujourd'hui au Chili un sujet extrêmement sensible dans les sphères extrêmes de gauche et de droite, aussi ne convient-il de ne l'aborder qu'en privé avec une objectivité difficile à observer localement.

-- 
Bernard Calas

Sources principales :

– L’Informateur no.16
– Chess Life & Review 1974
– Mecking futuro del ajedrez (Montevideo 1967)
– Torneo interzonal de ajedrez Petropolis 1973 (Editorial Sopena Argentina 1975)
– World Championship Interzonals Leningrad – Petropolis 1973 Wade, Blackstock, Kotov (Batsford 1974)
– Mequinho O Profil de um Gênio R.Filguth (Brésil 1983)
– Henrique Mecking Latin Chess Genius S. Gordon (Thinker’s Press 1993)

Un article très intéressant du GM canadien Kevin Spraggett : http://www.spraggettonchess.com/henrique-mecking-interview/

Vladimir Savon - Henrique Mecking, Petropolis 1973