Le Chinois Ding Liren Champion du Monde d'Échecs

Championnat du Monde d'Échecs 2023

Ding Liren | Photo FIDE - Stev Bonhage
Ne l'appelez plus Ding, mais « King Liren » ! Le Chinois Ding Liren remporte le match de départage du championnat du monde d'échecs 2023 face au Russe Ian Nepomniachtchi au terme de quatre parties rapides, sur le score de 2,5 à 1,5.

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Et bien voilà, malgré six parties décisives en cadence classique, Ian Nepomniachtchi et Ding Liren vont jouer le titre de champion du monde d'échecs en cadence rapide de départage. Le tirage au sort des couleurs, réalisé pendant la conférence de presse après la quatorzième partie classique, a donné les pièces blanches à Ding Liren dans la première partie.

Ding Liren | Photo FIDE - Anna Shtourman

Ne retenant pas leurs coups, Ian Nepomniachtchi et Ding Liren ont mené un combat total. Ce choc nous rappelle la dramaturgie d'un match de Championnat du monde, que nous avions sans doute quelque peu oublié pendant le règne d'un Magnus Carlsen tout en maîtrise. La fin du match marque le début d'une nouvelle ère dans laquelle de nombreuses questions restent en suspens : le titre mondial classique a-t-il toujours la même légitimité ou a-t-il au contraire perdu une partie de son prestige ? Quel sera la place d'un Magnus Carlsen sans sa couronne dans le circuit mondial ? Nous plongeons dans l’inconnu avec une seule certitude : les échecs classiques ont prouvé qu’ils pouvaient produire un grand spectacle !

Contrairement aux matchs précédents, il n'y a pas de jour de repos avant les départages.
« On peut donc ajouter l'épuisement au bilan que ce match a dû imposer aux deux joueurs. » a déclaré Vishy Anand.

Ding Liren : « Je suis très satisfait de la cadence de 25 minutes + 10  secondes par coup [lors des départages], car j'ai joué de nombreuses parties avec cette cadence. »

Sur les 22 parties rapides trouvées dans la base, le score est très équilibré avec 8 victoires pour Ian Nepomniachtchi et 7 pour Ding Liren, accompagnées de 7 parties nulles. En revanche, sur 70 blitz, le score est sans appel en faveur de Nepomniachtchi, avec 28 victoires, pour seulement 11 pour Ding, et 31 parties nulles.

Ding Liren : « Je n'ai pas joué beaucoup de blitz ces dernières années, et je n'ai pas non plus beaucoup joué en ligne. En général, je n'aime pas jouer en blitz en ligne. »

Vladimir Kramnik a résumé l'opinion générale : « Si nous regardons juste les chiffres, Ian est légèrement favori. Toutefois, dans un duel avec si peu de parties, et avec la tension accumulée, ce n'est pas pertinent. » Source https://elpais.com/ajedrez/actualidad/2023-04-29

Ian Nepomniachtchi | Photo FIDE - Stev Bonhage

Parties classiques

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½0101½½½½0½½7,0
Ding Liren2788½0½1010½½½½1½½7,0

En cas d'égalité après les quatorze parties classiques, match de départage dimanche 30 avril, en quatre parties rapides de 25 minutes + 10 secondes par coup. Si le score est toujours égal, un autre match en deux parties, mais en blitz à la cadence de 5 minutes + 3 secondes par coup. Si le score est toujours égal, un autre match de deux parties à la même cadence. Si le score est encore et toujours égal, un blitz à la cadence de 3 minutes + 2 secondes par coup. Et si l'égalité persiste malgré tout, un autre blitz à la même cadence, et ainsi de suite jusqu'à la première victoire

Le vainqueur recevra 60 % du prix de 2.000.000 €, le perdant 40 %. Dans le cas où le titre mondial serait décidé lors du départage, le vainqueur recevra 55 % et le finaliste 45 %.

Ding Liren | Photo FIDE - Anna Shtourman

Départages

NomEloFéd1234Total
Ian Nepomniachtchi2795½
½
½
0
1,5
Ding Liren2788½
½
½
1
2,5

« Tout d'abord, félicitations à Ding Liren pour sa victoire. Bienvenue dans notre tout petit club ! Les échecs ont été inégaux mais âprement disputés, une suite logique dans une nouvelle ère de "primus inter pares" dans la chasse au titre qui peut durer un certain temps, selon la motivation du Norvégien de 800 livres qui n'est pas dans la salle. Le poker risque de l'ennuyer bientôt... Les nerfs de Nepomniachtchi ont lâché dans les moments cruciaux, notamment la partie 12. Ding a réussi à imposer sa volonté juste assez souvent dans le match rapide. À mon époque, ça ne faisait que commencer après 14 parties ! Les questions autour du titre de Ding ne se comparent pas à ma situation en 1993. Elles ressemblent plus à celles de Karpov en 1975, lorsque Fischer a refusé de jouer, mais en beaucoup plus claires. La seule personne vivante qui pourrait contester Ding, Carlsen, ne le fait pas. Il a abdiqué librement. Karpov était pourtant clairement le 2e meilleur joueur du monde en 1975, alors que les choses sont beaucoup plus équilibrées aujourd'hui. La confiance et la préparation du match de Ding lui donneront un coup de pouce, mais pour l'instant, ce n'est pas la question. La politique doit être mentionnée chaque fois que la Russie est impliquée, malheureusement. Caissa, la déesse des échecs, ne pouvait tout simplement pas supporter une victoire russe. La tradition des échecs et la FIDE sont peut-être du côté de la Russie, mais les dieux sont clairement du côté de l'Ukraine ! Nous avons hâte d'accueillir le nouveau champion, seulement le 17e dans l'histoire moderne de notre jeu depuis 1886, au Grand Chess Tour pour le Superbet Chess Classic dans quelques jours. Repose-toi vite, Ding Liren, et félicitations encore une fois. » Garry Kasparov

Primus inter pares : « premier parmi les pairs »

Départages du 30 avril 2023 en 25+10

Ding Liren (2788)
½-½
½½
Ian Nepomniachtchi (2795)
Début du pion Dame - 35 coups
Ian Nepomniachtchi (2795)
½-½
½½
Ding Liren (2788)
Espagnole fermée 12.♗d2!? - 47 coups
Ding Liren (2788)
½-½
½½
Ian Nepomniachtchi (2795)
Anglaise système catalan - 33 coups
Ian Nepomniachtchi (2795)
0-1
01
Ding Liren (2788)
Espagnole fermée 12.♘c3!? - 68 coups

Ding Liren : « Je suis soulagé. Le moment où Ian a quitté l'échiquier fut très émouvant. Je ne pouvais pas contrôler mes sentiments. Je me connais, je vais pleurer, je vais fondre en larmes. Ça a été un championnat assez difficile. J'aimerais remercier mes amis. »

Ding Liren : « Je n'ai jamais rêvé de devenir Champion du Monde. Je veux juste devenir celui qui joue le mieux. Ce n'est pas si important de devenir Champion du Monde. »

Ian Nepomniachtchi a félicité son adversaire avant de déclarer : « Je suppose que j'avais toutes les chances [de gagner]. Tant de positions prometteuses… C'est toujours une loterie après 14 parties, c'est tout ».

Après avoir suivi toutes les parties classiques avec la plus grande attention, nous sommes convaincus que Ian Nepomniachtchi aurait pu s'emparer du titre mondial au cours des quatorze premières parties, s'il avait réussi à se guérir de son habituelle désinvolture. Comme très souvent, le Russe a joué trop vite dans des moments critiques, voire décisifs, et a gâché plusieurs positions très favorables.

Ian Nepomniachtchi : « J'ai eu mes chances et de nombreuses positions prometteuses. J'aurais probablement dû essayer de terminer en classique, car c'était juste une question d'un ou deux coup précis. »

Ian Nepomniachtchi : « Aujourd'hui, j'aurais dû utiliser mon avantage dans la deuxième partie avec plus de prudence. Et la quatrième partie a été très difficile ; les Noirs avaient l'initiative. Nous avions tous les deux peu de temps. Je ne pouvais pas imaginer que cette position pouvait être perdue, mais il s'est avéré que c'était possible. »

Le Russe va maintenant sans doute devoir affronter des moments difficiles : Tempora si fuerint nubila, solus eris — « Lorsque viendra l'orage, tu seras seul. » Et ne pas oublier que « La roche Tarpéienne est proche du Capitole. »

C'est la première fois de l'histoire échiquéenne qu'un joueur chinois devient champion du monde d'échecs dans la catégorie open (mixte). La Chine détient désormais les titres de champion du monde dans les catégories open et féminine.

Ding Liren : « J'ai commencé à jouer aux échecs à quatre ans et j'ai passé 26 ans à jouer et à analyser. J'ai essayé d'améliorer mes capacités de différentes manières et en utilisant différentes méthodes. Je pense que j'ai presque tout fait. Parfois, il y a tournois où vous n'êtes pas heureux. Parfois, j'ai du mal à trouver d'autres passe-temps pour être heureux, mais j'essayais d'apprendre des meilleurs. Ce match est le reflet le plus profond de mon âme. »

Ding Liren : « Il y a beaucoup de jeunes joueurs chinois qui jouent aux échecs car le tournoi a été suivi par de nombreux spectateurs dans toute la Chine. J'espère donc que cela influencera beaucoup les gens. »

Quand le destin s'en mêle

Suite à l'exclusion de Sergey Karjakin, sanctionné par la Commission d'éthique et de discipline de la FIDE après ses déclarations sur la guerre en Ukraine, il restait une place à décrocher pour le Tournoi des Candidats. Attribuée par le classement Elo, elle devait logiquement revenir à Ding Liren, n°3 mondial en mars 2022. Mais le Chinois n'avait joué que 4 parties officielles depuis juin 2021 : insuffisant, car la FIDE exige d'avoir disputé au minimum 30 parties ! Loin d'être résigné, Ding Liren a relevé le défi, et avec l'aide de la Fédération chinoise il s'est lancé dans un sprint pour jouer assez de parties avant la publication du classement Elo de mai. 

Dans la dernière partie du Tournoi des Candidats, Hikaru Nakamura renonce à répéter la position et s'incline devant Ding Liren, qui termine deuxième derrière Ian Nepomniachtchi. Le Champion du monde, Magnus Carlsen, attend la fin du tournoi pour annoncer qu'il refuse finalement de défendre son titre, et Ding Liren est donc désigné pour affronter Ian Nepomniachtchi pour le titre mondial !

Mené dès la deuxième partie, le Chinois revient dans la quatrième, avant de s'incliner à nouveau, puis de revenir, puis de s'incliner, puis de revenir encore et de s'incliner dans la septième partie. Il faudra attendre la douzième partie pour voir Ding Liren égaliser !

Vous connaissez maintenant la fin de l'histoire ; trois parties nulles dans des rapides d'un excellent niveau, et enfin la victoire de Ding Liren dans la quatrième ! À n'en point douter, Caïssa était du côté du Chinois depuis le début !

Photo Maria Emelianova https://twitter.com/photochess

Les parties du départage

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Les parties du départage entre Ding Liren et Ian Nepomniachtchi
Le 46...g6!? de Ding Liren dans la quatrième partie rapide, pour éviter une répétition de la position, illustre parfaitement le courage dont le Chinois a fait preuve. Ce 46...g6!? peut être assimilé à une sérendipité pour Ding.

Magnus Carlsen au sujet du 46...g6 de Ding Liren dans la quatrième partie rapide de départage : « Un auto-clouage pour l'immortalité. Félicitations Ding !! »

Les derniers instants du championnat du monde d'échecs 2023

Ian Nepomniachtchi : « Malgré l'absence d'idées réelles et de préparation approfondie, il [Ding Liren] a réussi à se battre. Et je dois lui accorder un énorme crédit pour ça. Dans certaines parties il était dans les cordes, mais il a réussi à jouer avec une grande précision. »

Le coup 46…g6, est déjà entré dans l'histoire des échecs. La plupart des commentateurs s'attendaient à ce que Ding joue pour un match nul forcé, d'autant plus qu'il était sur la défensive. Au lieu de cela, il a tout risqué en clouant son Roi. On a demandé à Ding ce qui lui était passé par la tête. « Rien, rien », a-t-il répondu. « J'ai vu que 46...g6 était le meilleur coup dans la position. » Nepomniachtchi s'en souvient différemment. « C'était assez étonnant de vérifier après avec un ordinateur. La position a l'air vraiment laide, mais il y a toujours un sauvetage. Quand il a joué 46...g6, je voulais le punir pour ce coup, mais je lui ai ensuite permis de jouer 47...c4, ce qui était une erreur. » Vingt-quatre heures plus tard, Ding Liren essaie toujours de réaliser. « Cela a déjà changé ma vie. Parce que maintenant je joue encore deux ans. » Ce n'est pas une réponse explosive, mais Ding est connu pour être doux et humble. « Peut-être que les gens ne me connaissent pas si bien. Même moi, je ne me connais pas. » Source https://www.theguardian.com/sport/2023/may/02/world-chess-championship-ding-liren-china-ian-nepomniachtchi-russia-astana

Question à Vladimir Kramnik - Dès le début du match, des informations sont apparues selon lesquelles vous aidiez Ian Nepomniachtchi ?

Vladimir Kramnik : « Oui, on a même dit que j'étais le chef de son staff technique. Que puis-je dire ? J'ai un peu participé à la préparation de Ian, je l'ai conseillé, mais je ne suis pas le chef de son staff, et pendant le match je reste généralement sur la touche. Toutes les consultations ont eu lieu avant le match, et même bien longtemps avant. » Source https://www.championat.com

Ding Liren, samedi, alors qu'il souffrait dans la quatorzième partie au bord du gouffre : « Je me suis rappelé comment Albert Camus avait développé le concept de résistance. L'idée est que si vous voyez que vous ne pouvez pas gagner, alors il faut faire tout ce qui est en votre pouvoir pour résister. » [...] « Il était clair pour moi que Ian Nepomniachtchi était favori, à la fois en rapide et en blitz. Et si cette dernière partie avait été nulle, comme les trois rapides précédentes, on serait passé en blitz, alors j'ai joué pour le gain ».

« La clé principale a été mon analyste, Richard Rapport. Il a contribué à toutes les créativités qui me manquent dans les ouvertures. » Et maintenant qu'il est champion du monde : « Je dois construire une équipe solide, avec d'excellents grands maîtres et de puissants ordinateurs, bref, je dois être plus professionnel. Je suis prêt à relever tous les défis, y compris jouer contre Magnus Carlsen s'il veut reconquérir le titre, ou le défendre devant les jeunes stars ».

Lorsqu'on lui a demandé s'il pensair que ce moment était le plus heureux de sa vie : « Dans mon cas, heureux c'est peu, il faut chercher un mot plus fort, c'est une libération énorme ». Si grande, avoue-t-il, qu'il en était arrivé à penser quitter la scène échiquéenne : « Avant le match, j'ai dit à un ami que je prendrais ma retraite si je le perdais, et aussi que, comme je me connais bien, je pleurerais beaucoup si je le gagnais, j'ai gagné, j'ai beaucoup pleuré, je ne vais pas prendre ma retraite, et la vie prend maintenant une autre direction ». Par Leontxo García https://elpais.com/ajedrez/actualidad/2023-05-02/ding-un-campeon-erudito-de-30-anos-entre-la-poesia-y-la-filosofia.html

Une opinion intéressante du plus Français des Kazakhs, le grand maître Murtas Kazhgaleyev, sur sa page facebook https://www.facebook.com/mkazhgaleyev. Extrait :

« Le match s'est avéré passionnant. Si beaucoup ont critiqué la qualité du jeu, je pense que cela a été causé par deux éléments : 1) les ordinateurs sont devenus plus forts, alors que l'homme est resté aussi faible qu'il l'était - en tant qu'humain. 2) le répertoire actuel des ouvertures s'est grandement étendu, et la charge mémorielle a terriblement augmenté. »

Ding Liren a souligné jeudi en conférence de presse, qu'avoir les Blancs dans la dernière partie d'un match peut ne pas forcément aider, rappelant que Veselin Topalov avait perdu avec les Blancs lors de la dernière partie contre Vishy Anand. Fabiano Caruana a également rappelé qu'il a été très près de perdre avec les Blancs contre Magnus Carlsen lors de la dernière partie de leur match.

On l'a vu jeudi, Ian Nepomniachtchi n'avait pas semblé complètement remis de sa défaite dans la douzième partie et jouait au lance-pierre. De son côté, Ding Liren a laissé passer une belle occasion d'exercer une forte pression et s'est embarqué dans un sacrifice de qualité à peine compensé. Ce sont donc deux joueurs fatigués, passés par des montagnes russes émotionnelles, qui vont s'affronter aujourd'hui.

Nous aurions beau jeu de critiquer les coups, de comparer le niveau de ce championnat du monde avec les plus récents, afficher des pourcentages et calculer les centipions perdus, mais ça ne servirait à rien. Comme l'a dit Mark Taïmanov « Juger le match Kasparov vs Karpov sur le nombre important de parties nulles [40] avec des statistiques nues, est un exercice aussi stérile que, par exemple, tenter d'apprécier un opéra en lisant seulement le libretto, mais sans entendre la musique ni voir l'action sur la scène. »

De la même manière, il faut rejouer les parties des matchs Fischer 6-0 Taïmanov, Vancouver 1971 https://www.europe-echecs.com/art/taimanov-fischer-vancouver-1971-8502.html et Fischer 6-0 Larsen, Denver 1971 https://www.europe-echecs.com/art/fischer-vs-larsen-denver-1971-8518.html pour comprendre que de telles luttes dépassent souvent l'aspect uniquement échiquéen.

Une fois qu'un des joueurs cède sous la pression, même temporairement, tout est possible, comme cet horrible 34...f5?? de la douzième partie qui, bien évidemment, n'est pas un indicateur crédible du niveau de Ian Nepomniachtchi.

— « Que seraient les échecs sans les erreurs stupides ? » Kurt Richter (1900-1969)

« Des erreurs sont souvent commises lorsque le joueur persiste dans ses illusions. » Nikolaï Krogius (1930-2022) cité par Bobby Fischer (1943-2008) juste après le match de 1972.

Cela ne veut pas dire qu'il est interdit de critiquer certains coups, de s'étonner de quelques idées bizarres, et d'aller jusqu'à dire, comme le grand maître hongrois Denes Boros : « Honte à tous ceux qui dénigrent le match Ian Nepomniachtchi vs Ding Liren. »

Viswanathan Anand en 2013 : « Beaucoup de spectateurs n'ont plus aucune idée de ce qu'un joueur traverse sur un échiquier, parce qu'ils sont assis à regarder avec des logiciels d'analyse. Vous devriez vous asseoir à la table, transpirer et ressentir la peur de la défaite ou la proximité de la victoire pour comprendre ce qui se passe dans la tête d'un joueur... Si vous pensez que c'est facile, éteignez votre module et essayez de trouver quelques coups par vous-mêmes. »

En effet, de nos jours, assistés par des logiciels à 3000 Elo, même des débutants sont capables de hurler dans la seconde que tel ou tel coup est mauvais. C'est la raison pour laquelle nous apprécions beaucoup les commentaires mesurés de Fabien Libiszewski - souvent confirmés par Vishy Anand, Anish Giri et Fabiano Caruana. Ses limpides explications de l'insipide 10.e3!? de Ian Nepomniachtchi dans la treizième partie, sont aux antipodes de ceux de certains commentateurs américains qui ne peuvent s'empêcher de regarder la jauge avant d'oser donner leur avis.

En cas d'égalité après les quatorze parties classiques, un match de départage aura lieu dimanche 30 avril, en quatre parties rapides de 25 minutes + 10 secondes par coup. Si le score est toujours égal, un autre match en deux parties sera joué, mais en blitz à la cadence de 5 minutes + 3 secondes par coup. Si le score est toujours égal, un autre match de deux parties à la même cadence. Si le score est encore et toujours égal, un blitz à la cadence de 3 minutes + 2 secondes par coup. Et si l'égalité persiste malgré tout, un autre blitz à la même cadence, et ainsi de suite jusqu'à la première victoire

Le vainqueur recevra 60 % du prix de 2.000.000 €, le perdant 40 %. Dans le cas où le titre mondial serait décidé lors du départage, le vainqueur recevra 55 % et le finaliste 45 %.

Daniil Dubov et Irina Krush sur https://worldchampionship.fide.com

Tableau des ouvertures Ding Liren vs Ian Nepomniachtchi

01Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole variante d'échange différée½-½
02Ding Liren
-Ian NepomniachtchiGambit Dame avec 4.h3!? 0-1
03Ian Nepomniachtchi-Ding LirenGambit Dame variante d'échange ½-½
04Ding Liren-Ian NepomniachtchiOuverture Anglaise 1-0
05Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole fermée avec 12.♗g5!? 1-0
06Ding Liren-Ian NepomniachtchiDébut de Londres 1-0
07Ian Nepomniachtchi-Ding LirenFrançaise variante Tarrasch 1-0
08Ding Liren-Ian NepomniachtchiNimzo-Indienne variante Saëmisch ½-½
09Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole variante berlinoise ½-½
10Ding Liren-Ian NepomniachtchiAnglaise des 4 Cavaliers
½-½
11
Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole fermée avec 8.a3½-½
12Ding Liren-Ian NepomniachtchiDébut du pion Dame1-0
13Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole fermée avec 10.♗e3!?½-½
14Ding Liren-Ian NepomniachtchiNimzo-Indienne avec 5.♗d2½-½

Hier, sur Twitter, le grand maître indien Pentala Harikrishna : « Je prédis que le match sera décidé demain ! »

Magnus Carlsen : « Je m'attendais à un niveau défensif plus élevé, mais je suis très impressionné par la façon dont ils ont réussi à se créer des occasions, et à quel point ils ont pu ou voulu aplanir les parties le plus tôt possible. »

Photo FIDE - Stev Bonhage

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½0101½½½½0½½7,0
Ding Liren2788½0½1010½½½½1½½7,0

Résultat de la quatorzième partie du 29 avril 2023

Ding Liren (2788)
½-½
½½
Ian Nepomniachtchi (2795)
Nimzo-Indienne 5.♗d2 - 90 coups

« Dans les échecs, la beauté n’est pas une expérience visuelle comme en peinture. C’est une beauté plus proche de celle qu’offre la poésie. Je crois en effet que chaque joueur éprouve un mélange de deux plaisirs esthétiques : l’image abstraite, semblable à l’idée poétique lorsqu’on écrit ; le plaisir sensuel de l’exécution idéographique de cette image sur les échiquiers. Tous les joueurs d’échecs sont des artistes. » Marcel Duchamp (1887-1968)

« Le jeu d'Échecs est une forme de productivité intellectuelle, en fait c'est là son charme particulier. La productivité intellectuelle est l'une des plus grandes joies - sinon la plus grande - de l'existence humaine. Tout le monde ne peut pas écrire une pièce de théâtre, construire un pont ou même faire une bonne blague. Mais aux Échecs, tout le monde peut, et tout le monde doit, être intellectuellement productif, et peut donc partager ce plaisir. J'ai toujours ressenti un léger sentiment de pitié pour ceux qui ne connaissent rien aux Échecs, tout comme j'en aurais pour un homme ignorant de l'amour. Les Échecs, comme la musique ou comme l'amour, ont le pouvoir de rendre heureux. » Siegbert Tarrasch (1862-1934)

La partie numéro 14 commentée

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Quatorzième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ding Liren vs Ian Nepomniachtchi

Ding Liren : « Je pensais que j'avais plus de tempi dans la position. Alors, j'ai pensé que j'avais quelques chances de lancer une attaque. J'étais très optimiste avec le coup 12.g5!? et même enthousiaste de le jouer. Mais soudain, après 13...c7!, j'ai dû passer en défense. Ce fut le tournant de la partie je suppose. »

Ian Nepomniachtchi : « Tous les parties du match ont été difficiles à leur manière. Je n'en signalerais pas une en particulier. »

Ding Liren : « Dans le match, la 7e partie a été la plus difficile pour moi, surtout le moment où j'ai perdu au temps. J'étais perdu dans mes pensées et je ne pouvais plus bouger, ni prendre de décisions. Cette partie m'a influencé. »

« Il ne faut pas laisser sa propre ambition faire des Échecs un jeu de hasard. » Nikolai Vladimirovich Krogius (1930-2022)

Daniil Dubov : « Honnêtement, en parlant de livres d'échecs, je ne pense pas qu'un grand nombre soient bons. Je pense que 90% d'entre eux sont inutiles. » Il y a de nombreuses années, dans les articles "Vérifiez votre bibliothèque", des critiques avaient commenté la hâte excessive avec laquelle les livres d'échecs étaient souvent écrits. « En un mois », selon Lev Polugaevsky. « En une quinzaine de jours seulement » avait estimé John Nunn. Selon Lev Polugaevsky, « 90 % de tous les livres d'échecs peuvent être ouverts à la première page, puis refermés immédiatement pour toujours ».

À l'issue de la douzième partie, avec désormais un score équilibré à 6 points partout, nous en revenons à la fable du Chêne et le Roseau.

Sera-il possible à Ian Nepomniachtchi de se remettre d'un tel coup du sort alors qu'il avait pratiquement la couronne mondiale sur la tête ? Ou a-t-il été déraciné ? Il fallait voir le Russe après 34...f5?? 35.xe6!, totalement abattu, grimaçant, secouant la tête, se parler tout seul pendant de longues minutes, pour imaginer l'orage qui devait se déchaîner dans son esprit.

« Chaque joueur, opposé à un adversaire, se bat en même temps contre lui-même. Chaque partie ou match est simultanément un combat intérieur. J’ai perdu un nombre important de parties, principalement parce que j’ai été incapable de me vaincre moi-même. » a dit Tigran Vartanovitch Petrosian (1929–1984), et hier le Russe n'a pas réussi à contrôler ses nerfs. 

Le grand maître et journaliste norvégien Jonathan Tisdall https://twitter.com/GMjtis : « S'il doit y avoir un thème dominant dans le match Ian Nepomniachtchi vs Ding Liren, c'est que Ding a combattu Ding, alors que Nepo lutte toujours contre Nepo. »

Surtout que « Nepo » a commis hier une erreur qui revient souvent dans son jeu. On le sait depuis longtemps, Ian joue vite, très vite, parfois trop vite. 27...ag8? en 27 secondes ; 28...b8? en 1 minute et 22 secondes ; 29...h6? en 1 minute et 10 secondes, ont été effectués bien trop vite. Et le définitif 34...f5?? en 2 minutes et 56 secondes.

Face au Russe, un Ding Liren impassible. Ce même Ding Liren, qui après la deuxième partie du match semblait sur le point d'être balayé par la plus légère des brises, étouffé par ses émotions, a vu le miracle tant espéré se réaliser sous ses yeux. Et la tempête passée, le Chinois s'est redressé.

Le combat n'est évidemment pas terminé. La fatigue accumulée depuis le 9 avril, ainsi que les hauts et les bas que les deux joueurs ont dû affronter, ne vont certainement pas disparaître comme par magie. C'est donc avec un poids énorme sur les épaules que Ding Liren et Ian Nepomniachtchi vont jouer le titre du champion du monde d'échecs 2023 sur les deux dernières parties.

Le grand-maître Pavel Eljanov a révélé un aspect des conséquences de la fatigue accumulée pendant un tournoi : « J'ai envisagé pendant environ 10 minutes d'effectuer le grand-roque, avant de me rendre compte que la case d1 était contrôlée par une pièce adverse. »

« Levon Aronian avait exprimé ses doutes quant à la capacité de Ding Liren de revenir après sa douloureuse défaite dans la septième partie, en disant : « Il faudrait être un homme de fer. » L'Arménien était convaincu que la défaite de Ding Liren serait insurmontable. Cependant, après quatre matchs nuls consécutifs, les nerfs de Ding semblaient s'être quelque peu stabilisés. Hier, Ian Nepomniachtchi n'a pas réussi à contrôler les siens et a commencé à jouer extrêmement vite dans une position chaotique. » Olimpiu Di Luppi https://twitter.com/olimpiuurcan

Alexander Shabalov sur le site de la Fédération Russe des Échecs : « Je pense que leur réalité ne coïncide plus avec la nôtre, ils sont dans leur monde. La vitesse des coups à des moments aussi importants était inexplicable. La victoire dans le match était pratiquement enregistrée. »

Le grand maître Bu Xiangzhi sur un site chinois estime : « Avec sa victoire, Ding Liren a pris le dessus psychologiquement. Lors des deux prochaines parties, il ne faut plus commettre d'erreurs ; annuler avec les Noirs aujourd'hui, et tenter quelque chose dans la dernière partie. Même s'il y a égalité, Ding a de bonnes chances dans le départage en rapide. »

Des journalistes ont posé des questions sur le possible départage, et Ding Liren a répondu : « Je suis très satisfait de la cadence de 25 minutes + 10  secondes par coup, car j'ai joué de nombreuses parties avec cette cadence. » 

Certains internautes malicieux ont plaisanté : « La chemise rose de Nepomniachtchi, qui a été portée pendant six parties, devrait changer de couleur. »

Tableau des ouvertures Ding Liren vs Ian Nepomniachtchi

01Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole variante d'échange différée½-½
02Ding Liren
-Ian NepomniachtchiGambit Dame avec 4.h3!? 0-1
03Ian Nepomniachtchi-Ding LirenGambit Dame variante d'échange ½-½
04Ding Liren-Ian NepomniachtchiOuverture Anglaise 1-0
05Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole fermée avec 12.♗g5!? 1-0
06Ding Liren-Ian NepomniachtchiDébut de Londres 1-0
07Ian Nepomniachtchi-Ding LirenFrançaise variante Tarrasch 1-0
08Ding Liren-Ian NepomniachtchiNimzo-Indienne variante Saëmisch ½-½
09Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole variante berlinoise ½-½
10Ding Liren-Ian NepomniachtchiAnglaise des 4 Cavaliers
½-½
11
Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole fermée avec 8.a3½-½
12Ding Liren-Ian NepomniachtchiDébut du pion Dame1-0
13Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole fermée avec 10.♗e3!? ½-½

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½0101½½½½0½ 6,5
Ding Liren2788½0½1010½½½½1½ 6,5

Résultat de la treizième partie du 27 avril 2023

Ian Nepomniachtchi (2795)
½-½
½½
Ding Liren (2788)
Espagnole fermée avec 10.♗e3!? - 39 coups

« L'esprit de lutte a de l'haleine, du nerf, du jarret, de l'audace, de la crinière, le thorax large, les hanches solides, il sait faire front à la résistance et se tient ferme dans l'action, il peut être vaincu, mais non soumis. » Anne Marie Louise Godillon, dite Anne Barratin, née le 4 octobre 1832 et morte le 14 décembre 1915, philanthrope et femme de lettres française.

Quelle va-être aujourd'hui la réaction de Ian Nepomniachtchi ? C'est évidemment la grande question. Comme l'a très justement dit Kateryna Lagno : « Quand vous perdez une partie, le mieux est de tout simplement essayer de l'oublier, parce que demain il y aura une autre partie. Si vous ne pouvez pas supporter la pression, alors vous ne devriez pas jouer aux échecs. » Le Russe a l'avantage des pièces blanches, et donc une occasion de montrer que six mois de préparation avec son équipe n'ont pas été inutiles. L'attitude de Ding Liren après son égalisation va aussi avoir une grande importance. Le verra-t-on gonflé à bloc, prêt à porter l'estocade, malgré les pièces noires, ou plutôt prudent et viser le demi-point ?

Ding Liren | Photo FIDE - Anna Shtourman

La partie numéro 13 commentée

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Treizième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ian Nepomniachtchi vs Ding Liren

« Une Tour correspond exactement à une pièce légère et demie ou à une pièce légère et un pion et demi. Mais il n'existe ni demi-pièce, ni demi-pion. Aussi, le sacrifice de qualité est-il lié à certaines prévisions positionnelles ou de combinaisons. Le sacrifice de qualité peut poursuivre tous les buts : développement, obstruction, sur le roque, etc. La plupart du temps il sert à améliorer la position de ses propres pièces légères. » Rudolf Spielmann (1883-1942)

Ian Nepomniachtchi | Photo FIDE - Stev Bonhage

Ian Nepomniachtchi : « Ce n'était pas le moment le plus doux hier. Aujourd'hui, je suis venu juste pour essayer de jouer aux échecs, ce qui n'a évidemment pas été très brillant, mais j'ai essayé. »

Ian Nepomniachtchi sur sa position après 19...d5 : « Certes, c'était assez triste pour moi, et j'ai donc décidé de passer en défense passive, mais je n'ai vraiment pas aimé ma position. »

Ding Liren : « Je suis très content de la rupture 19...d5. C'est une sorte de défense sicilienne. Une fois que les Noirs ont réussi à pousser d5, ils n'ont aucun problème. Ils peuvent également espérer quelques avantages après ça. »

Ding Liren sur la position finale : « Dans cette position, je suis allé pour un match nul, car c'est un match nul. Il n'y avait aucun moyen pour moi de jouer pour une victoire.»

Ian Nepomniachtchi : « En fin de partie, je n'ai pas vu pourquoi ma position serait meilleure, même si c'était peut-être le cas. »

Le grand maître hongrois Denes Boros : « Il me semble que Nepo était encore sous le choc de la 12e partie. Il avait l'attitude d'un boxeur sonné qui espère entendre la cloche avant qu'il ne soit trop tard. » C'est à peu près ça, et si Ding Liren ne s'était pas égaré avec ses 21...e5 et 23..e7, nous aurions peut-être vu Nepomniachtchi s'écrouler.

Ding Liren a souligné qu'avoir les Blancs dans la dernière partie d'un match peut ne pas aider, rappelant que Veselin Topalov avait perdu avec les Blancs lors de la dernière partie contre Vishy Anand. Et Fabiano Caruana a également rappelé qu'il a été très près de perdre avec les Blancs contre Magnus Carlsen lors de la dernière partie de leur match.

Jonathan Tisdall : « Je me demandais juste si la partie numéro 13 n'était pas la pire préparation à ce jour du laboratoire normalement immaculé de "Team Nepo". »

La onzième partie s'est achevée avec les déclarations de Ding Liren : « Dans le Tournoi des Candidats, j'ai gagné lors de la dernière partie, donc tout peut arriver lors des trois dernières. »

Et celle de Ian Nepomniachtchi : « Ce n'était pas mon objectif de faire une nulle forcée. Il s'est simplement trouvé que nous avons échangé toutes les pièces. »

Nous ne doutons pas un seul instant que Ding Liren va tenter, à un moment ou un autre, son va-tout. La question reste de savoir quand. Comme l'a dit Peter Heine Nielsen sur la préparation de Ding Liren découverte sur Lichess. : « ... la fuite a peut-être fait plus de mal à Ding que nous ne le pensions. » Le jour de repos arrive donc au bon moment pour le Chinois, même si trouver de nouvelles idées ex nihilo en quelques heures reste une gageure.

« Bien que la vie ne couvre pas un siècle, des soucis de mille ans sans cesse nous occupent. » Les Dix-Neuf Poèmes anciens. Bibliothèque chinoise.

D'un autre côté, nous avons trouvé l'explication de Ian Nepomniachtchi pour son 19.dxc4?! qui a mené à une liquidation et au demi-point, alors qu'il pouvait continuer à jouer sans le moindre risque, un peu légère. Nous croyons plutôt que le Russe n'a pas pu résister à un demi-point sans effort pour s'approcher un peu plus de la ligne d'arrivée.

Selon les informations relayées par Leontxo García, la victoire finale de Ian Nepomniachtchi pourrait signifier un peu plus qu'un titre de champion du monde. Après avoir déclaré : « être contre l'invasion de l'Ukraine et que, pour lui, cette guerre est épouvantable. » Nepo, pour le moment protégé par la deuxième fortune de Russie, Vladimir Potanine, ne doit pas oublier que : Tempora si fuerint nubila, solus eris — « Lorsque viendra l'orage, tu seras seul. » Et la jolie phrase d'Albert Camus (1913-1960) « La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux. » risque de ne pas suffire.

À la question : il y a-t-il eu des matchs de championnat de monde dans lesquels une victoire dans la dernière partie a eu de l'importance sur le score final ? Finalement, pas tant que ça. La réponse se trouve à nouveau sur le site du Maître FIDE Sylvain Ravot https://www.chess-teaching.com/projets/championnats-du-monde.php

Lasker vs Schlechter 1910 avec la victoire de Lasker dans la 10e partie
score final : 1-1
Karpov vs Kortchnoï 1978 avec la victoire de Karpov dans la 32 partie
score final : 6-5
Kasparov vs Karpov 1987 avec la victoire de Kasparov dans la 24e partie
score final : 4-4
Kramnik vs Leko 2004 avec la victoire de Kramnik dans la 12e partie
score final : 2-2
Anand vs Topalov 2010 avec la victoire de Anand dans la 12e partie
score final : 3-2

Viswanathan Anand : « Prenons quelques exemples historiques. Karpov face à Kasparov en 1985. C'est la partie 24 et Karpov devait gagner pour égaliser au score. Karpov continua le débat contre la Scheveningen de Kasparov, Kasparov eut des problèmes à résoudre et trouva 31...g5!.

Situation inverse 2 ans plus tard. Karpov menait 12-11. Kasparov a joué aux cartes pour surmonter la déception de perdre la partie 23, puis a opté pour une approche silencieuse. Je me souviens vaguement de la justification de son équipe, quelque chose comme "nous n'avons pas réussi à casser ses ouvertures après des mois de travail, comment pourrions-nous réussir maintenant".

L'effet est principalement psychologique - vous arrivez confiant, vous montrez que vous êtes prêt à jouer une longue partie et laissez votre adversaire combattre ses démons. Après tout, il veut juste que ça se termine et il pourrait voir du danger partout.

J'ai fait la même chose contre Karpov en 1998 quand j'étais mené d'un point avant la dernière partie. J'ai essayé de trouver une position où je pourrais jouer longtemps. Yusupov m'a suggéré Fc4.

Kramnik a répété la même approche en 2004 contre Peter Leko. Leko était paralysé par la nécessité de faire nulle et n'a pas trouvé le plus fort coup et a lentement été dominé.

Cela nécessite du contrôle, comprendre la lutte à laquelle votre adversaire est confrontée en voulant terminer la partie le plus rapidement possible. Cela pourrait facilement échouer, mais historiquement, cela a réussi assez souvent. » Source https://twitter.com/vishy64theking

Peter Heine Nielsen : « Le match est entré dans une phase où les préparations sont épuisées depuis longtemps, et où les joueurs se disent : "donnez-moi simplement le ballon, je vais trouver quelque chose". Ding devra montrer sa force mentale et son meilleur jeu. Et avoir un peu de chance aussi. » Source https://twitter.com/PHChess

Tableau des ouvertures Ding Liren vs Ian Nepomniachtchi

01Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole variante d'échange différée½-½
02Ding Liren
-Ian NepomniachtchiGambit Dame avec 4.h3!? 0-1
03Ian Nepomniachtchi-Ding LirenGambit Dame variante d'échange ½-½
04Ding Liren-Ian NepomniachtchiOuverture Anglaise 1-0
05Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole fermée avec 12.♗g5!? 1-0
06Ding Liren-Ian NepomniachtchiDébut de Londres 1-0
07Ian Nepomniachtchi-Ding LirenFrançaise variante Tarrasch 1-0
08Ding Liren-Ian NepomniachtchiNimzo-Indienne variante Saëmisch ½-½
09Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole variante berlinoise ½-½
10Ding Liren-Ian NepomniachtchiAnglaise des 4 Cavaliers
½-½
11
Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole fermée avec 8.a3½-½
12Ding Liren-Ian NepomniachtchiDébut du pion Dame
1-0

« Quand il y a de tels échanges de coups c'est une faible qualité du jeu » Dubov

Le grand maître Daniil Dubov considère que la qualité des parties du match pour la couronne mondiale est faible.

- Lorsque vous commentez les parties de Ding et Ian, vos impressions sont plutôt :
« Whoua, c'est cool ! » ou bien « Mais que font-ils ? »

« C'est plus proche de la seconde option pour être honnête. En tant que professionnel, c'est comme ça que je le vois. C'est étrange que des grands maîtres ne peuvent éviter de perdre deux jours de suite. C'est intéressant à regarder, ce match est très bien pour les spectateurs, et comme je suis un des commentateurs officiels je ne peux pas dire que je n'aime pas, mais pour les professionnels, ce match est un peu absurde. »

- Qu'est-ce qui est absurde exactement ?

« Les échecs débouchent essentiellement sur une partie nulle. Avec un jeu au minimum adéquat, la plupart des parties devraient se terminer par un match nul. Mais quand une partie décisive arrive tous les deux jours... Un jeu aussi brillant est tout simplement impossible ! Si deux personnes jouent brillamment au cours de 12 parties, il y en aura une ou deux décisives. Quand il y a de tels échanges de coups, comme dans le match en cours, n'importe quel professionnel vous dira que c'est un marqueur de faible qualité de jeu. La neuvième partie s'est avérée excellente, tous les deux ont bien joué. Ils ont gagné une bonne partie chacun : la sixième pour Ding et la cinquième pour Ian »

Par Maria Selenkova https://www.sports.ru/chess/1115084893-dubov-o-matche-nepomnyashhij-din-lizhen-kogda-idet-takoj-obmen-udarami.html

Daniil Dubov et Irina Krush sur https://worldchampionship.fide.com

Le 1er mai, Magnus Carlsen ne sera plus champion du monde

Magnus Carlsen : « Je pense que la chose la plus importante que j'ai réalisée au fil des années est que beaucoup de gens me craignent. Et j'ai appris à utiliser cette crainte contre eux. Une fois que vous réalisez que votre adversaire n'est pas mentalement préparé à jouer pour le gain, alors vous pouvez prendre beaucoup plus de risques. »

« Pendant les parties, sentir l'état mental de votre adversaire est très utile. Par exemple, prenez mes parties contre Wesley So, surtout dans les cadences courtes, vous pouvez voir que je lui donne toujours des chances de jouer des coups risqués et qu’il ne le fait presque jamais. Cela signifie que j'ai un énorme avantage psychologique en le jouant.  »

« C'est un joueur incroyable et sa compréhension du jeu n'est probablement pas inférieure à la mienne, mais je suis capable de pousser parce qu'il n'est pas prêt à prendre des risques. Ne pas vouloir prendre de risques est une stratégie extrêmement risquée, car cela signifie que vous pouvez être bousculé et intimidé. »

Source : Offerspill Chess Club

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½0101½½½½0 6,0
Ding Liren2788½0½1010½½½½1 6,0

Résultat de la douzième partie du 26 avril 2023

Ding Liren (2788)
1-0
10
Ian Nepomniachtchi (2795)
Début du pion Dame - 38 coups

La partie numéro 12 commentée

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Douzième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ding Liren vs Ian Nepomniachtchi

Ding Liren : « En fait je n'étais pas nerveux. À un moment donné, j'ai senti que c'était le silence total dans la salle de jeu et je n'ai vu personne regarder les parties. Cela semblait être une partie très importante, mais je ne l'ai pas ressenti du tout. J'ai dû me dire que c'était important et que je devais me concentrer. »

Ding Liren : « Je n'ai pas compris son choix de jouer 26...b4 et de ne pas avoir enchaîné avec 27...f3!. »

Ding Liren : « Je pensais que ma position était meilleure dès l'ouverture, mais après une série de bons coups de mon adversaire, j'ai eu l'impression que les tables tournaient et que j'étais sur le point de perdre. Alors j'ai essayé de compliquer les choses avec quelques tactiques. »

Ian Nepomniachtchi : « À un moment donné ma position ressemblait à une victoire, mais même si vous êtes gagnant, vous devez être précis jusqu'au bout. Et clairement aujourd'hui je n'ai pas été assez précis. »

Ian Nepomniachtchi : « Perdre dans une position supposée gagnante n'est pas la meilleure chose à faire. J'ai décidé d'opter pour des lignes forcées et j'en ai subi les conséquences. À un certain moment la partie a été un gros gâchis. »

Après le 24.c4?! de Ding Liren : « Tout joueur sait à quel point il est désagréable de défendre des positions passives sans aucun contre-jeu. Mais il est aussi de notoriété publique que, quand on en recherche un à tout prix, on obtient en général des résultats lamentables. » Paul Kérès (1916-1975)

Après 28...b8? « Qu'il faut, pour être le veinard, des gaffes aux échecs, faire l'avant dernière. » Xavier Tartakover (1887-1956)

Après 29...h6? « Les échecs sont un conte de fées de 1001 gaffes. » Xavier Tartakover (1887-1956)

« Gagner une partie gagnante est la chose la plus difficile aux échecs. » Frank Marshall (1877-1944)

Ian Nepomniachtchi après 35.xe6! +-

À notre avis, Ian Nepomniachtchi a égalisé trop facilement dans la dixième partie. Sans l'impressionnant coup défensif 32... hc6!, au lieu du titre « Ian Nepomniachtchi annule sans coup férir contre Ding Liren », nous aurions écrit : « Ian Nepomniachtchi annule en sifflotant contre Ding Liren » Résultat, Ding Liren a perdu l'avantage d'avoir trois fois les Blancs et reste tout simplement avec un point de retard sur son adversaire. Dans ce cas, difficile de ne pas partager l'opinion de Kateryna Lagno : « Je crois que Ian est clairement le favori maintenant, mais rien n'est encore décidé. »

Rien n'est encore décidé, mais dans cette onzième partie du match, Ding Liren joue avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, retenue, comme dans la légende grecque rapportée par Cicéron dans les Tusculanes, uniquement par un crin de cheval, puisqu'une nouvelle défaite signifierait évidemment la fin du match !

Le journaliste espagnol Leontxo García a continué sur la lancée de sa question posée après la neuvième partie concernant la « confiance en soi ». Ding Liren avait répondu « cinq » sur une échelle de 1 à 10. Leontxo García a demandé à Ding Liren, après le partage du point de la dixième partie, si ce score avait changé. Ding Liren a alors répondu : « Il reste encore quatre parties à jouer. Maintenant je suis confronté à la tâche de gagner au moins une partie pour égaliser. Je ne considère donc pas la question de la confiance en moi. »

Cela-dit, que ce soit Ding Liren ou Ian Nepomniachtchi, aucun des deux ne semble exsuder une confiance à toute épreuve, tout du moins en conférence de presse. D'un autre côté, « La modestie de certains joueurs est toute de surface et leur défiance d'eux-mêmes, qu'ils proclament, se transforme bientôt, la partie commencée, en une confiance excessive. Dès que deux de ces vanités sont aux prises, chacune court après la victoire, nécessairement, et elle commence par s'attribuer, sans aucun souci de la réalité, la force capable de vaincre. Accepter le combat, n'est-ce point, par cela même, se croire le plus fort ? » Dany Sénéchaud

Dans cette onzième partie, Ding Liren va devoir penser à la phrase de Garry Kasparov : « L'art le plus élevé du joueur d'échecs est de ne pas permettre à votre adversaire de vous montrer ce qu'il peut faire. » Face à lui, Ian Nepomniachtchi a le choix ; gérer tranquillement, et on a vu dans la dixième partie qu'il en est clairement capable, même avec les pièces noirse, ou alors tenter de porter l'estocade et clôre définitivement le match. Cependant, comme l'a remarqué Teimour Radjabov hier : « Les joueurs sont extrêmement fatigués, c'est visible.  »

Ian Nepomniachtchi, sur la préparation de l'ouverture de la 8e partie de Ding Liren trouvée sur Lichess. : « Cela n'a pas trop influencé ma stratégie. Mon équipe a jeté un coup d'œil, mais je pense que ça ne devrait pas être aussi médiatisé que ça. Je continue de faire ce que je suis censé faire. Cette information n'a pas changé grand-chose. »

Peter Heine Nielsen sur la préparation de Ding Liren découverte sur Lichess. : « À mon avis, la principale conclusion à en tirer est que la fuite a peut-être fait plus de mal à Ding que nous ne le pensions. S'ils [Ding et son équipe] doivent commencer à inventer des choses à partir de zéro, ils risquent d'obtenir des ripostes comme celle de la dixième partie. »

Fabiano Caruana : « Hier nous avons vu une partie d'échecs presque parfaite, on pourrait même dire parfaite. Mais pour le moment, Ding ne veut pas d'une partie d'échecs parfaite. Il veut du désordre, il veut du sang. Comme l'a dit Mikhaïl Tal, vous voulez emmener votre adversaire dans une forêt sombre et profonde, et c'est ce dont Ding a besoin en ce moment. »

Ian Nepomniachtchi a le soutien de Vladimir Potanine, la deuxième fortune de Russie, un homme beaucoup plus influent que Andrey Filatov, et plus proche de Vladimir Poutine. En prenant en compte que Poutine a dit en public au moins à deux reprises que récupérer le titre mondial des échecs est une priorité pour le sport russe, il convient de se demander pourquoi Filatov a publié des reproches aussi grinçants - « Les mauvais jours, c'est un singe avec une grenade. » - ainsi que sur l'équipe de Nepo, en plein championnat du monde, sachant que cela peut nuire psychologiquement à Nepomniachtchi.

Une source très bien informée des tenants et des aboutissants des échecs russes a donné au journal EL PAÍS - à condition que son nom ne soit pas mentionné - une explication peut-être éclairante : « Andrey Filatov se protège préventivement au cas où Nepomniachtchi perdrait le duel et tomberait en disgrâce du pouvoir ». Par Leontxo García sur https://elpais.com/ajedrez/actualidad/2023-04-23/el-presidente-de-la-federacion-rusa-de-ajedrez-carga-contra-niepomniashi-es-un-mono-con-una-granada-de-mano.html

01Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole variante d'échange différée½-½
02Ding Liren
-Ian NepomniachtchiGambit Dame avec 4.h3!? 0-1
03Ian Nepomniachtchi-Ding LirenGambit Dame variante d'échange ½-½
04Ding Liren-Ian NepomniachtchiOuverture Anglaise 1-0
05Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole fermée avec 12.♗g5!? 1-0
06Ding Liren-Ian NepomniachtchiDébut de Londres 1-0
07Ian Nepomniachtchi-Ding LirenFrançaise variante Tarrasch 1-0
08Ding Liren-Ian NepomniachtchiNimzo-Indienne variante Saëmisch ½-½
09Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole variante berlinoise ½-½
10Ding Liren-Ian NepomniachtchiAnglaise des 4 Cavaliers
½-½
11
Ian Nepomniachtchi-Ding LirenEspagnole fermée avec 8.a3½-½
Daniil Dubov et Irina Krush sur https://worldchampionship.fide.com

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½0101½½½½ 6,0
Ding Liren2788½0½1010½½½½ 5,0

Résultat de la onzième partie du 24 avril 2023

Ian Nepomniachtchi (2795)
½-½
½½
Ding Liren (2788)
Espagnole fermée 8.a3 - 39 coups

La partie numéro 11 commentée

Sur ordinateur : cliquez sur « Afficher en plein écran ». Sur mobile : cliquez sur « Voir la liste des coups et les commentaires ».

Onzième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ian Nepomniachtchi vs Ding Liren

Viswanathan Anand : « Un match de faible énergie aujourd'hui, mais compréhensible compte tenu du bilan des parties précédentes. Maintenant un jour de repos et une chance pour Ding de préparer une nouvelle tentative avec les Blancs. »

Ian Nepomniachtchi a dit qu'il a quelques regrets d'avoir pris en c4 et de ne pas avoir joué De2. Il pensait qu'il obtiendrait au moins une finale de Tour avec 3 pions contre 2, mais ce n'est pas arrivé.

Ian Nepomniachtchi : « Il y a trois parties à venir. Je dois tout donner pour faire le travail. Bien sûr, ce n'est pas encore fini. »

Ding Liren : "Bien sûr, j'essaierai de faire de mon mieux lors des trois dernières parties. Demain nous aurons une journée de repos, donc j'aurai plus de temps pour préparer quelques idées supplémentaires. »

Ding Liren : « Je pense qu'il est trop tôt pour jouer quelque chose comme la Sicilienne ; il reste trois parties à venir. Dans les Candidats j'ai gagné lors de la dernière partie, donc tout peut arriver lors de ces trois derniers tours.»

Ian Nepomniachtchi : « Ce n'était pas mon objectif aujourd'hui de faire une nulle forcée. Il s'est simplement trouvé que nous avons échangé toutes les pièces. En général, j'essaie juste de jouer aux échecs. »

Dans les cinq parties du match de championnat du monde qui restent à jouer, Ding Liren aura trois fois l'avantage des pièces blanches. Un avantage qui ne sera pas superflu pour le Chinois mené 5 points à 4 par Ian Nepomniachtchi. À deux reprises Ding a réussi a revenir au score. Il est encore temps pour réussir ce tour de force une troisième fois et faire sienne la phrase de Friedrich Nietzsche (1844-1900) dans "Ainsi parlait Zarathoustra" : « Tu prends le chemin de ta grandeur : savoir que tu n’as plus de chemins derrière toi doit être ton meilleur courage ! »

D'un autre côté, et on le sait aussi depuis longtemps : « Chaque fois qu’un concurrent commence mal dans un tournoi, il a tendance à jouer avec acharnement pour revenir et par conséquent prendre plus de risques pour perdre. » Wilhelm Steinitz (1836-1900)

La clé du match doit certainement se trouver dans la phrase d'Alexandre Alekhine (1892-1946) : « La connaissance de la nature humaine et de la psychologie de son adversaire est indispensable. Auparavant, on se battait contre des pièces. Maintenant, c’est contre l’adversaire, sa personnalité, sa vanité. »

Dans tous les cas, une chose est certaine : « Après l'insuccès, les desseins les mieux concertés paraissent absurdes. » Fiodor Dostoïevski (1821-1881)

Ding Liren | Photo FIDE - Stev Bonhage

Si l'on se fie aux messages sur Twitter, Facebook, etc. une évidence s'impose : la victoire de Ding Liren est souhaitée. L'humilité, la gentillessse, la timidité, voire la fragilité apparente du Chinois, et peut-être aussi parce qu'un Ding Liren champion du monde pourrait donner envie à Magnus Carlsen de revenir dans le cycle, font que le joueur de l'Empire du Milieu a la faveur du public. 

Concernant la neuvième partie, le grand maître indien Pravin Thipsay a écrit : « Si les feux d'artifice des parties précédentes ont manqué, il n'y a pas eu d'erreurs non plus. Et avec ce match nul, bien que Nepo soit en tête, je pense que Ding a un léger avantage car il est capable de gagner avec les Blancs tout en tenant avec les Noirs. »

De toutes façons, Ding Liren n'a non seulement plus le droit de perdre, et ne peut plus se payer le luxe de gâcher ses bonnes positions, comme dans la septième et la neuvième parties. « Les bonnes positions ne gagnent pas les parties, seulement les bons coups. » disait Abrahams Gerald (1907-1980) joueur d'échecs, écrivain et avocat.

Le tableau ci-dessous illustre non seulement le diversité des ouvertures de ce match, mais aussi l'importance des pièces blanches. Si le début de Londres est éventé, l'Anglaise et la Nimzo-Indienne, avec leurs nombreuses ramifications, et donc la possibilité de placer une préparation, sont deux débuts de partie envisageables dans la dixième partie. À moins que le créatif, et parfois fantasque secondant de Ding Liren, Richard Rapport, joue le rôle d'un « deus ex machina » et réserve une surprise à Ian Nepomniachtchi.

« Deus ex machina » mots latins signifiant un dieu descendu au moyen d'une machine. Au figuré, personne ou événement dont l'intervention vient en tout dernier lieu dénouer une situation difficile.

01 Ian Nepomniachtchi-Ding Liren Espagnole variante d'échange différée ½-½
02 Ding Liren
-Ian Nepomniachtchi Gambit Dame avec 4.h3!? 0-1
03 Ian Nepomniachtchi-Ding Liren Gambit Dame variante d'échange ½-½
04 Ding Liren-Ian Nepomniachtchi Ouverture Anglaise 1-0
05 Ian Nepomniachtchi-Ding Liren Espagnole fermée avec 12.♗g5!? 1-0
06 Ding Liren-Ian Nepomniachtchi Début de Londres 1-0
07 Ian Nepomniachtchi-Ding Liren Française variante Tarrasch 1-0
08 Ding Liren-Ian Nepomniachtchi Nimzo-Indienne variante Saëmisch ½-½
09 Ian Nepomniachtchi-Ding Liren Espagnole variante berlinoise ½-½
10 Ding Liren-Ian Nepomniachtchi Anglaise des 4 Cavaliers
½-½
Ian Nepomniachtchi | Photo FIDE - David Llada

Il y a de l'eau dans le gaz entre Filatov et l'équipe de Nepo

Nous ne l'avons appris qu'hier, samedi 22 avril, après la 7e partie du match, le président de la Fédération Russe des Échecs, Andrey Filatov, a déclaré : « Aujourd'hui, dans la guerre des nerfs, nous avons eu de la chance. Je ne peux pas dire que le jeu de Ian était de grande classe, mais le vent de la chance a soufflé dans nos voiles. De mon point de vue, l'équipe d'entraîneurs de Ian ne fait pas face au problème de la préparation psychologique de Nepomniachtchi - il est fébrile et son jeu est inconstant. » Source https://t.me/chessnewslive/4942

Après la première partie, en conférence de presse, lorsqu'on a demandé à Nepomniachtchi de comparer son style de jeu à celui d'un animal, le Russe avait répondu : « Les mauvais jours je joue comme un singe ». Andrey Filatov, a critiqué l'inconstance de Ian Nepomniachtchi et a dit : « Les mauvais jours, c'est un singe avec une grenade. »

L'équipe de Nepomniachtchi a répondu, même si ce n'est pas une déclaration de Ian Nepomniachtchi ni de son manager Zoya Arnatskaya : « Tout au long de la préparation du match, la Fédération Russe des Échecs a joué un jeu étrange, avec d'un côté des mots illustrant du soutien, mais en mettant en réalité des bâtons dans les roues de notre équipe. M. Filatov ne peut que comprendre que ses déclarations impulsives au milieu du match sont une dévaluation du travail de tous ceux qui sont engagés et se battent chaque jour avec Ian dans le cadre de leurs tâches et compétences. L'équipe NEPOTEAM est en désaccord avec cette position et se battra jusqu'au bout avec son challenger. Merci pour le sentiment de colère sportive. C'est peut-être ce qui nous a manqué. » Source https://nepoteam.com/tpost/5jz7l233l1-otvet-komandi-yana-na-ironiyu-v-intervyu

Lors de la conférence de presse de la dixième partie, Ian Nepomniachtchi, sur la remarque d'Andrey Filatov, a simplement répondu : « Je ne veux pas m'étendre là-dessus. »

Daniil Dubov et Irina Krush sur https://worldchampionship.fide.com

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½0101½½½ 5,5
Ding Liren2788½0½1010½½½ 4,5

Résultat de la dixième partie du 23 avril 2023

Ding Liren (2788)
½-½
½½
Ian Nepomniachtchi (2795)
Anglaise - 45 coups

Quelques minutes avant le début de la partie, Fabiano Caruana commentait : « J'ai l'impression que ce n'est pas encore un "must win" pour Ding. » En effet, avec 5 parties à jouer, le Chinois n'est pas obligé de brûler ses vaisseaux aujourd'hui. Lorsqu'il a été demandé à Ian Nepomniachtchi combien de chemises roses (que nous voyons plutôt saumon) il avait pour le match, il a répondu "assez". »

Fabiano Caruana pour éviter que les joueurs passent trop de temps dans leur salle de repos : « Il y a une solution simple. Si vous ne leur donnez qu'une seule salle de repos, partagée et très petite, ils ne voudront plus y traîner et resteront probablement plus souvent sur l'échiquier. Si vous donnez-leur ce beau canapé confortable, qui ne voudrait pas être là ? »

La partie numéro 10 commentée

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Dixième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ding Liren vs Ian Nepomniachtchi

« Si nous considérons les deux camps au début d'une partie, nous voyons un exact équilibre de la position, du rapport de force, du territoire et de la liberté d'action. Le joueur en premier menace généralement de détruire l'équilibre, tandis que le joueur en second cherche constamment à le maintenir, aucune des parties n'y gagnant un avantage tant qu'il est conservé. On reconnaît ainsi la loi de l'égalité ou du match nul. Toute partie conduite logiquement, combien même le jeu peut être prolongé, ou aussi varié soit-il, doit se terminer par un match nul. » William Cluley en 1857 (The Philosophy of Chess)

Boris Gelfand : « Les joueurs jouent bien dans les positions supérieures et moins bien dans les positions inférieures, c'est pourquoi nous voyons beaucoup de parties décisives. »

Daniil Dubov [sur la finale de la dixième partie] : « Ce genre de parties montre vraiment votre mentalité et à quel point vous êtes déterminé à tout gagner. C'est exactement le genre de parties où Magnus [Carlsen] s'est avéré être le meilleur. »

Kateryna Lagno : « C'est un match très étrange... Je crois que Ian est clairement le favori maintenant, mais rien n'est encore décidé. »

Ding Liren : « 9...c5 m'a totalement surpris. »

Ian Nepomniachtchi : « La ligne d'aujourd'hui est assez intéressante pour les Blancs, qui peuvent avoir différents plans. L'idée de 9...c5 semble un peu effrayante, mais vous prenez un risque supplémentaire si vous optez pour des lignes forcées. Dans l'ensemble, je pense que c'était une partie décente de ma part. »

Ding Liren : « Il a plutôt bien défendu. Je n'ai donc pas eu beaucoup d'occasions dans cette partie. »

Peter Heine Nielsen [sur son podcast] : « ... J'ai préparé 8.f3 pour Magnus contre Caruana. Il y a aussi 8.g4 dans cette position, mais cela a été considéré comme une ligne qui fonctionnait plutôt bien pour les Noirs. 8.f3 pose des problèmes intéressants. Le fait que Ding, qui n'avait pas compris tous les détails, ait commencé à réfléchir après 9...c5, était plutôt une mauvaise nouvelle. »

Dans un match tous les détails comptent et surtout s'accumulent dans la tête des joueurs. Par exemple, dans la huitième partie, la défaite au temps dans la septième a été la cause du refus par Ding Liren de prendre la Tour en d8 de Ian Nepomniachtchi. Lors de la conférence de presse, Ding a déclaré que ne possédant plus beaucoup de temps, il avait considéré sa défaite au temps de la veille et avait arrêté de calculer trop tôt.

Au lieu des habituelles batailles théoriques sur une ou deux ouvertures, comme certains d'entre vous ont pu les vivre avec, par exemple, Karpov vs Kasparov 1984-85 et le débat sur l'Ouest-Indienne, Kasparov vs Karpov 1987 et la fameuse variante de Séville de la Grünfeld, sans oublier Kasparov vs Kramnik 2000 et le retour de la Berlinoise, les joueurs ont à chaque fois cherché à surprendre leur adversaire :

1. Espagnole variante d'échange différée
2. Gambit Dame avec 4.h3!?
3. Gambit Dame variante d'échange
4. Ouverture Anglaise
5. Espagnole fermée avec 12.g5!?
6. Début de Londres
7. Française variante Tarrasch
8. Nimzo-Indienne variante Saëmisch
9. Espagnole variante berlinoise

Concernant le milieu de jeu, il est évident que Ding Liren est meilleur, plus profond, plus créatif que Ian Nepomniachtchi. Le Russe n'étant pas à l'abri d'erreurs de jugement, comme son 22...xe4? joué uniquement avec l'argument qu'il croyait que son Cavalier serait plus fort que le Fou blanc. « Il a paniqué », a déclaré Anish Giri lorsqu'il a vu Nepo prendre le Cavalier.

Bernhard Horwitz (1807-1885) a dit : « Un mauvais coup en détruit quarante bons. » et Ding Liren gâche de bonnes positions. Le Chinois a d'ailleurs reconnu : « C'est très dur d'avoir raté au moins deux positions gagnantes. Cependant, je dois m'accrocher au fait d'avoir encore six parties pour remonter. »

Maurice Ashley, sur le ton de l'humour : « Nepo et Ding ne pourraient-ils, s'il-vous-plaît, arrêter toutes ces parties folles et passionnantes avec des erreurs que les moteurs voient facilement ? Ce type d'échecs est tellement du siècle dernier ! Ne savent-ils pas que les échecs modernes sont censés être des ouvertures solides avec 30 coups de préparation informatique menant à un match nul ? »

À notre avis Ding Liren a encore de bonnes raisons pour y croire. Le Russe, malgré son expérience en championnat du monde, garde toujours sa mauvaise habitude de jouer trop vite dans certaines situations. Jusqu'à maintenant la chance lui a souri, mais il en faudrait peu pour que Caïssa lui tourne le dos.

Ian Nepomniachtchi : « Ces lignes étaient amusantes à analyser, mais se sont avérées moins amusantes à jouer. » Viswanathan Anand en parlait déjà en 2020 : « Prenons par exemple une longue variante où l'évaluation du moteur donne l'égalité du début à la fin. Tout semble avoir du sens. Et puis, vous vous asseyez devant l'échiquier et vous vous retrouvez plus ou moins en panique. Le mot panique semble même trop faible parce que presque chaque coup vous effraie. Vous n'arrivez pas à comprendre comment tout ça a pu vous paraître aussi inanimé chez vous. Tout ce qui semblait évident, toutes les questions que vous ne pensiez pas vous poser, se révèlent soudainement et apparaissent sur l'échiquier. Et il est clair aussi que vous n'avez aucune réponse satisfaisante. »

Face à Lucky Luke Nepo, la gestion du temps de Ding Liren n'est pas très bonne. On le voit parfois prendre du temps lorsque cela ne semble pas nécessaire, et ses nombreux allers-retours entre la salle de repos et l'échiquier lui coûtent à chaque fois 3 à 4 minutes.

« Le pire ennemi du stratège est la pendule. Le zeitnot... Il nous réduit tous à de purs réflexes, à des réactions, au jeu tactique. L'émotion et l'instinct obscurcissent notre vision stratégique lorsqu'il n'y a plus assez de temps pour une évaluation appropriée. » Garry Kasparov

Dans la neuvième partie, Ian Nepomniachtchi aura l'avantage des pièces blanches, et il va sans dire qu'une victoire du Russe sonnerait le glas des espoirs de Ding Liren. Une partie nulle maintiendrait le statu quo, tandis qu'une victoire avec les pièces noires, même si finalement elle ne ramènerait que l'égalité au score, bouleverserait le match !

Quelques extraits d'un article de Leontxo García

Aujourd'hui, un citoyen russe normal pourrait aller en prison pour avoir dit ce que Ian Nepomniachtchi a dit à EL PAÍS le 8 avril : « Qu'il est contre l'invasion de l'Ukraine et que, pour lui, cette guerre est épouvantable. » Avec la loi actuelle, « Nepo est au bord de la ligne rouge, mais plus du côté illégal » pour ce qu'il a dit dans l'interview. « Être une personne célèbre le protège. Et s'il devient champion du monde, il sera encore plus protégé. Mais on ne sait jamais. » Selon trois sources qui connaissent bien les hautes sphères russes et qui ont requis l'anonymat.

Vladimir Potkin, qui s'est exprimé par visioconférence depuis la Russie, pense que la créativité dont Ding fait preuve vient très probablement de Richard Rapport. Son explication est surprenante :

« Je pense que Magnus Carlsen a parlé à Ding avant le championnat du monde et lui a donné plusieurs conseils. Parmi eux, qu'il emmène un seul analyste à Astana et communique avec les autres par voie électronique. Comme il aurait été excessif pour Carlsen de lui prêter le plus créatif d'entre eux, le Russe Daniil Dubov, il a proposé Rapport. » Le père de Carlsen, Henrik, n'a pas répondu à une demande de confirmation ou d'infirmation de cette hypothèse. 

Il y a une certaine logique dans l'affirmation de Potkin. Carlsen est motivé par les grands défis et il a déclaré qu'il renonçait au titre parce qu'il craignait de perdre face à des adversaires qu'il considère comme « clairement inférieurs », comme Nepomniachtchi. En 2019, il a déclaré que Ding était l'adversaire le plus redoutable pour lui à l'époque. Si le Chinois bat le Russe à Astana, le Norvégien aurait une raison de disputer le Tournoi des Candidats à Toronto, l'année prochaine, et défier Ding fin 2024.

Par Leontxo García, à Astana, le 20 avril 2023 https://english.elpais.com/sports/2023-04-20/ian-nepomniachtchi-a-meticulous-russian-who-opposes-the-invasion-of-ukraine.html

Daniil Dubov et Irina Krush sur https://worldchampionship.fide.com

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½0101½½ 5,0
Ding Liren2788½0½1010½½ 4,0

Résultat de la neuvième partie du 21 avril 2023

Ian Nepomniachtchi (2795)
½-½
½½
Ding Liren (2788)
Espagnole berlinoise - 82 coups

La partie numéro 9 commentée

Sur ordinateur, cliquez sur « Afficher en plein écran », sur mobile, cliquez sur « Voir la liste des coups et les commentaires ».

Neuvième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ian Nepomniachtchi vs Ding Liren

Ding Liren : « J'ai préparé cette ligne [de la Berlinoise] il y a déjà quelque temps, mais j'ai ensuite totalement raté l'idée de mon adversaire. Et à un moment donné, je ne trouvais pas comment continuer la partie. Peut-être que j'ai eu de la chance là ; je devrais passer plus de temps sur certaines positions. »

Ding Liren : « Tout est lié ; la gestion du temps, la qualité des coups, le calcul des variantes... Aujourd'hui j'ai passé moins de temps sur le calcul, mais la qualité des coups, comme vous avez pu le voir, en a beaucoup souffert. »

Ian Nepomniachtchi : « La position était sèche et elle devenait lentement nulle. En fait, je n'ai jamais pu trouver de coups décisifs, même s'il y avait beaucoup de belles tactiques. »

Ian Nepomniachtchi : « Après avoir gagné la qualité la position est devenue délicate. Je pense que les Blancs devraient gagner ; il y avait au moins de belles occasions. Mais ce n'était pas clair et il a bien défendu. »

Ian Nepomniachtchi : « J'aurais dû créer plus de problèmes en fin de partie, mais ce n'était pas si facile de faire avancer mes pions. La finale semble peut-être dangereuse pour les Noirs, mais il y a probablement égalité. »

Ding Liren : « Je pensais que c'était une nulle facile, mais j'ai réalisé que ce n'était pas si simple. Je pouvais facilement obtenir une position perdante. Peut-être que 55...h3 était le seul coup pour sauver la partie. »

À une question concernant sa confiance pour gagner le match sur une échelle de 1 à 10, Ding Liren a répondu : « Cinq ».

Ding Liren : « Parfois je lis des commentaires [sur le match] parce qu'il est très difficile de se tenir totalement à l'écart de tous les réseaux sociaux. Même si vous avez décidé de ne rien suivre, à un moment donné vous y revenez. »

Ding Liren après 17.e2
Ian Nepomniachtchi après 20...c5
Joueurs et commentateurs soufflent après 42.b4. https://worldchampionship.fide.com
Ding Liren après 45.b5

Quatre parties décisives consécutives entre Ian Nepomniachtchi et Ding Liren dans les sept premières parties du match de championnat du monde. Cela peut sembler beaucoup, cependant, en jetant un œil sur le passé, nous constatons que cela n'a rien d'exceptionnel ; même si bien entendu la théorie des ouvertures en était à ses balbutiements et si jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, le championnat du monde opposait le champion du monde en titre et un adversaire choisi librement par lui.

Le premier championnat du monde, Steinitz vs Zukertort 1886, débuta par 7 gains consécutifs. Le record qui ne tombera jamais reste Steinitz vs Chigorin 1889 avec 16 parties décisives avant la première nulle ! Vous trouverez le détail de tous les matchs de championnat du monde sur la page du Maître FIDE Sylvain Ravot https://www.chess-teaching.com/projets/championnats-du-monde.php

Ding Liren et Ian Nepomniachtchi | Photos FIDE - Stev Bonhage

Nous l'avons déjà dit, après chaque coup porté, chaque victoire, de Ding Liren ou de Ian Nepomniachtchi, on se demande si le vaincu du jour sera en état de se relever pour reprendre le combat ou s'il sera définitivement compté. Évidemment la question se repose à nouveau après la terrible défaite du Chinois dans la septième partie. Perdre au temps après avoir si bien négocié l'ouverture et repoussé toutes les menaces de Ian Nepomniachtchi, au moment même où les Noirs commençaient à prendre l'avantage, doit faire l'effet d'un coup de massue sur la tête !

« Chaque joueur, opposé à un adversaire, se bat en même temps contre lui-même. Chaque partie ou match est simultanément un combat intérieur. J’ai perdu un nombre important de parties, principalement parce que j’ai été incapable de me vaincre moi-même. » Tigran Vartanovitch Petrosian (1929–1984)

Concernant la septième partie encore, Ding Liren pourrait certainement dire comme Xavier Tartacover le dit un jour : « Merci d'avoir publié mes succès, bravo ! Mais vous savez, j'ai aussi perdu des parties peut-être plus belles encore ! » Rapporté par Roland Lecomte dans Europe-Echecs de février 1986.

Ding Liren aura quatre fois les pièces blanches dans les sept parties restantes. Jusqu'à présent, et ce malgré le score, le Chinois a démontré une compréhension des positions supérieure à celle de Ian Nepomniachtchi. En revanche, le Russe est beaucoup plus pragmatique et, de plus, une excellente gestion du temps.

La bonne nouvelle pour Ding Liren c'est l'inversion des jours de repos à mi-match, qui lui a donné l'occasion de souffler une journée après cette cruelle défaite. Est-ce que cela sera suffisant pour se refaire une santé et repartir de plus belle ? La huitième partie nous apportera la réponse.

Anish Giri reste optimiste pour Ding Liren : « Je pense que si Ding résiste maintenant, ça pourrait surprendre Ian. Peut-être que Ian a mis toute sa force dans son dernier coup et qu'il pense maintenant, "ça y est, tu es à terre", mais peut-être que Ding va se relever et que Ian n'aura plus la force de frapper à nouveau. »

Cette lutte épique nous fait penser à une fable de Jean de la Fontaine, « Le Chêne et le Roseau », dont voici la fin : 

Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût porté jusque-là dans ses flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.

Les deux joueurs ayant été tour à tour balayés par des vents violents, il faudra attendre l'épilogue de ce championnat du monde pour savoir qui est le Chêne et qui est le Roseau.

Un élément qui rend ce match de championnat du monde d'échecs 2023 différent, est la diversité des ouvertures utilisées, par l'un comme par l'autre. Hormis 2 Espagnoles, nous avons des débuts de partie distincts à chaque fois. Magnus Carlsen vs Sergey Karjakin avaient proposé onze Espagnoles (départage inclus), Magnus Carlsen vs Fabiano Caruana avaient surtout joué des Rossolimo et des Svechnikov, et Magnus Carlsen vs Ian Nepomniachtchi des Espagnoles et des Petrov. Qu'en sera-t-il dans la huitième partie ?

Terminons cette introduction à la partie du jour avec une citation d'Emanuel Lasker (1868-1941) : « L'étude la plus intelligente de belles peintures ne fera pas de l'observateur un peintre, ni l'écoute d'un grand nombre d'opéras ne fera de l'auditeur un musicien, sinon de bons juges de la musique et de la peinture. Aux Échecs c'est différent. La lecture intelligente de belles parties ne peut manquer de faire du lecteur un meilleur joueur et un meilleur juge du jeu des autres. » 

Ding Liren et Ian Nepomniachtchi | Photo FIDE - Stev Bonhage

Les jours de repos ont été inversés après la septième partie afin d'éviter que ce soit toujours le même joueur qui se retrouve avec la même couleur avant un jour de repos. C'est la raison pour laquelle les joueurs étaient de nouveau au repos mercredi 19 avril.

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½0101½ 4,5
Ding Liren2788½0½1010½ 3,5

Résultat de la huitième partie du 20 avril 2023

Ding Liren (2788)
½-½
½½
Ian Nepomniachtchi (2795)
Nimzo-Indienne - 45 coups

Une rumeur court selon laquelle l'ouverture de cette  8e partie du match a été jouée il y a quelques mois sur Lichess. Les pseudos "FVitelli" et "opqrstuv", créés en février, se sont affrontés dans des parties rapides. L'actuelle partie Ian Ding Liren vs Nepomniachtchi a bifurqué après 12.h4. Dans le match d'entraînement, 12...e8 a été joué au lieu de 12...hxg5 joué par Nepo Ces deux comptes ont également joué une partie rapide avec l'ouverture de la 2e partie du match. Source https://old.reddit.com/r/chess/comments/12ssian/investigation_might_have_found_ding_and_rapports/

Hikaru Nakamura : « Il ne fait aucun doute qu'il s'agit des comptes de Ding Liren et de Richard Rapport. Il n'y a aucune chance que ce ne soient pas leurs comptes... C'est juste une grave négligence ! »

La partie numéro 8 commentée

Huitième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ding Liren vs Ian Nepomniachtchi

Ian Nepomniachtchi au sujet de l'ouverture : « Cela peut sembler pointu, mais tant que vous avez une idée de ce qu'il faut faire, vous pouvez vous y retrouver. Jusqu'à ce que je me sente ambitieux, je l'ai fait assez bien. Mais il y a un prix - un coup inexact et vous pouvez perdre. Je suppose que le jeu d'échecs est comme ça. »

Ian Nepomniachtchi : « Je ne sais pas pourquoi, mais tout à coup je me suis senti très ambitieux et j'ai joué des coups horribles qui m'ont presque coûté la partie, ou au moins un demi-point. Et puis j'ai eu de la chance... »

Viswanathan Anand : « Ding méritait mieux pour son courage, mais Nepo a défendu brillamment quand il le fallait. Les nerfs sont un facteur très important. »

Sokolov Ivan : « Dommage pour Ding. Il faut cependant mentionner que l'idée jouée (11.h4) ne lui appartient pas. Elle appartient à Susan Polgar, voir Polgar-Granda 1992. J'avais essayé de faire fonctionner l'idée de Polgar, mais je n'ai pas trouvé le moyen. L'équipe de Ding a élaboré une amélioration intéressante sur l'idée ! »

Fabiano Caruana sur Ding Liren n'a pas pris la Tour : « Il y a certaines choses qui dépassent l'entendement humain, mais presque toutes les erreurs que ces gars-là, que même Magnus Carlsen pourrait commettre, sont simplement dues à des moments de faiblesse. »

En 2022, lorsque Leontxo Garcia avait demandé à Ian Nepomniachtchi s'il travaillait avec l'aide d'un professionnel sur son principal point faible, l'effondrement psychologique après les défaites, Nepomniachtchi, irrité, avait répondu : « Je ne connais aucun joueur dont le point fort est de perdre. Le résultat normal aux échecs est un match nul. Perdre provoque du stress, mais gagner aussi parce que parfois vous ne pouvez pas retrouver votre stabilité émotionnelle. »

Il ne fait plus aucun doute pour personne que la dimension psychologique de ce match 2023 a acquis une énorme importance. Après chaque coup porté, chaque victoire, de Ding Liren ou de Ian Nepomniachtchi, on se demande si le vaincu du jour sera en état de se relever.

Il faut remonter à 1981, dans le match entre Karpov et Korchnoï, pour retrouver quatre victoires en six parties. Les spectateurs devraient être aux anges. Pourtant, après s'être plaint du nombre élevé de parties nulles dans les matchs précédents, le public n'est toujours pas content, et on a pu lire après la sixième partie : « La pire partie d'un championnat du monde d'échecs de tous les temps ! Pourquoi toutes ces erreurs, c'est censé être le championnat du monde ! » 

Ian Nepomniachtchi n'était évidemment pas content de son jeu : « J'ai joué l'une des pires parties de ma vie ». Cependant, même lui a eu du mal à indiquer où les choses ne s'étaient pas bien passées : « Tout mon jeu contenait des inexactitudes. Je pense que Ding a joué comme un monstre ! » En effet, Ding Liren a exercé une forte pression. C'est vrai aussi que Nepomniachtchi a omis quelques bonnes défenses, mais c'est sans doute parce qu'elles étaient difficiles à voir pour un être humain. De nos jours, avec des Stockfish et autre Sesse, tout le monde a accès à une sorte de « vérité » sur l'échiquier, mais même bien avant l'arrivée des machines, Mikhaïl Tal (après sa victoire de 1960 au championnat du monde), disait déjà : « Il est trois fois plus facile de trouver un coup dans la salle de presse que sur la scène. » 

En conférence de presse, Ding Liren a apporté un bon argument pour expliquer le nombre élevé de parties décisives : « En général, dans ces six parties, nous avons à peine joué des ouvertures avec de nombreux coups mémorisés. Nous avons quitté assez tôt les routes très analysées et cela réduit la probabilité de matchs nuls ». Garry Kasparov l'a dit il y a déjà quelques années : « Si vous exigez la perfection, choisissez les mathématiques. » Toutefois, notre préférence va à une citation d'Emanuel Lasker (1868-1941) : « Par certains ardents passionnés, les échecs ont été élevés au rang de science ou art. Ce n'est ni l'un ni l'autre; sa principale caractéristique semble être - ce dont la nature humaine se réjouit le plus - un combat. »

Si nous avons l'habitude d'encenser le match entre Bobby Fischer et Boris Spassky, en pleine guerre froide, les matchs entre le Soviétique Anatoly Karpov et le dissident Viktor Kortchnoï, sans oublier Moscou 1984-1985 - et ses quarante parties nulles - entre Karpov et Kasparov, avec les années nous en avons oublié leur dimension psychologique, avec des fautes « impardonnables à ce niveau », commises par des joueurs soumis à une énorme pression.

Personne n'aura oublié la deuxième partie que Fischer, agacé par le bruit et les nombreuses caméras, perdit par forfait après avoir déjà perdu la première à cause de son 29...xh2?, ni le « docteur » Vladimir Zoukhar, le parapsychologue de Karpov, que Kortchnoï ne cessera de voir comme un hypnotiseur et qui le poussera à porter des lunettes de soleil réfléchissantes, pas plus que l'écroulement de Kasparov, mené 5 à 0, suivi de sa « remontada » 5 à 3, avant que le match ne soit interrompu.

En 1972, le dessinateur Leroy Neiman, dépêché sur place afin de réaliser des portraits, partit en traînant les pieds, mais rentrera enthousiaste : « J'étais convaincu qu'assister à des parties d'échecs serait aussi passionnant que de regarder l'herbe pousser. Mais au fur et à mesure, j'ai été captivé. Quel spectacle ! J'avais l'impression d'être devant Ali et Frazier. » Ne boudons pas notre plaisir, le duel entre Ding Liren et Ian Nepomniachtchi est un beau match !

Les êtres humains ne sont pas de froides machines et, comme l'a écrit William Ewart Napier (1881-1952) : « La plus grande difficulté du jeu d'échecs est de le jouer aussi bien qu'on sait le faire. »

Levon Aronian, le 17 avril 2023 : « J'espère que l'intensité et la beauté de ce championnat du monde d'échecs rappelleront aux gens que les échecs classiques sont bien souvent beaucoup plus agréables et plus excitants à suivre que des blitz ou des rapides. Un boom des échecs combiné à un manque d'événements classiques n'aurait pas de sens. »

Dans la septième partie, l'ouverture devrait être une partie Espagnole, puisque c'est avec ce début que Ian Nepomniachtchi a obtenu ses meilleures positions. Dit autrement, c'est dans l'Espagnole que Ding Liren a rencontré le plus de problèmes.

« La Ruy Lopez a occupé une place constante dans mon répertoire des ouvertures. En elle se reflète l'interprétation classique du problème du centre. » Vassili Smyslov (1921-2010).

À noter que les jours de repos seront inversés après la septième partie, afin d'éviter que ce soit toujours le même joueur qui se retrouve avec la même couleur avant un jour de repos. Ainsi, au repos lundi 17 avril après la sixième partie, les joueurs le seront de nouveau après cette septième du mardi 18, le mercredi 19 avril.

Daniil Dubov et Irina Krush sur https://worldchampionship.fide.com

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½0101 4,0
Ding Liren2788½0½1010 3,0

Résultat de la septième partie du 18 avril 2023

Ian Nepomniachtchi (2795)
1-0
10
Ding Liren (2788)
Française Tarrasch - 37 coups

Jacques François Mouret (22 août 1780 - 9 mai 1837) fut l'un des meilleurs joueurs français du début du 19e siècle. Mouret est surtout connu pour avoir été un des opérateurs cachés dans Le Turc, l'automate joueur d'échecs qui sillonna l'Europe au début du 19e siècle. Ce que l'on sait moins, c'est que Mouret prônait une défense très peu usitée à l'époque : 1.e4 - e6. Il enseigna cette défense à un des amateurs assidus du café de La Régence, M. Chamouillet. En 1834, Chamouillet faisait partie du comité de Paris lors de la fameuse partie par correspondance Londres-Paris, et c'est lui qui convainquit l'équipe parisienne d'adopter la défense de Mouret. À la suite de la victoire des Français, on nomma « La partie du Pion du Roi un pas », « Partie Française ». http://heritageechecsfra.free.fr/mouret.htm

La partie numéro 7 commentée

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Septième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ian Nepomniachtchi vs Ding Liren

Ian Nepomniachtchi : « Au moins, pendant un certain temps, les gens ne diront pas que les échecs classiques sont morts. »

Ding Liren : « J'ai dit à Richard [Rapport] que j'allais jouer la défense française. Mais c'était à moitié une blague et à moitié sérieux. Il m'a pris au sérieux et m'a dit que je pouvais essayer cette défense française pour surprendre mon adversaire. [...] Je pense que je n'ai pas si mal joué, mais à la fin j'ai tout gâché. »

Ian Nepomniachtchi : « Vous deviendriez fou si vous vous préparez contre toutes les ouvertures à chaque partie. Donc, j'ai eu l'idée que si nous avions une défense française, je jouerais des trucs que j'ai beaucoup joués en ligne. »

Anish Giri : « Son processus de réflexion est devenu complètement irrationnel ; il le comprendra une fois qu'il se sera calmé. »

Ding Liren a expliqué que lorsqu'il a joué 31...h4, il avait raté que 32...d2?! serait contré par 33.e2 d1+ 34.g2, alors il a recommencé à réfléchir pour essayer de trouver une alternative.

Ian Nepomniachtchi : « Après qu'il a joué 33...d3?? j'ai eu l'impression qu'il avait complètement perdu le fil de la partie. Mon Roi est en sécurité, j'ai une position gagnante à ce stade, et ses problèmes de temps sont devenus vraiment graves. »

John Denis Martin Nunn : « La pendule fait tout autant partie du jeu que l'échiquier et les pièces, et perdre à cause d'un manque de temps n'est pas différent de perdre à cause d'un jeu faible. »

Ian Nepomniachtchi et Ding Liren | Photo FIDE - Stev Bonhage

Anish Giri : « Appelez-moi élitiste si vous voulez, mais si vous n'aimez pas ce match, alors vous n'êtes pas un fan d'échecs. »

Peter Doggers rappelait fort à propos que : « La dernière fois que nous avons vu trois parties décisives dans les cinq premières d'un match de championnat du monde, c'était Vladimir Kramnik vs Veselin Topalov, en 2006, lorsque Kramnik a perdu la cinquième partie à cause du scandale qui est entré dans l'histoire sous le nom de "Toiletgate". »

Si nous sommes à des années lumière des premiers matchs : Wilhelm Steinitz vs Johannes Zukertort (1886) : avec les 7 premières parties décisives, et surtout : Mikhail Chigorin vs Wilhelm Steinitz (1889) avec les 11 premières parties décisives ! Le match entre Ian Nepomniachtchi et Ding Liren 2023 nous console des matchs récents : Magnus Carlsen vs Sergey Karjakin (2016), Magnus Carlsen vs Fabiano Caruana (2018) et Magnus Carlsen vs Ian Nepomniachtchi, tous avec zéro victoire dans les cinq premières parties.

Emil Sutovsky, l'actuel PDG de la FIDE et ancien président de l'Association of Chess Professionals de 2012 à 2019, a twitté : « Ce match compte déjà plus de parties décisives que Carlsen vs Karjakin et Carlsen vs Caruana réunis. Est-ce bon ou est-ce mauvais ? Je n'ai pas de réponse ; le % de parties nulles n'est qu'une des variables. Une chose est claire cependant : toutes ces affirmations selon lesquelles les échecs classiques sont trop annulants se sont une fois de plus révélées futiles. »

Évidemment, quelques esprits chagrins arguëront toutefois que le nombre élevé de parties décisives est dû aux fautes commises par les deux joueurs. Et ils auront raison ! Cependant, comme Mikhail Tal (1936-1992) la très bien dit : « Bien sûr, les erreurs ne sont pas une bonne chose dans une partie d'échecs, mais les erreurs sont inévitables et dans tous les cas, une partie sans erreur, ou comme on dit « un jeu sans défaut », est incolore. »

Alphonse Goetz (1865–1934), joueur d'échecs et philologue français qui remporta l'ancêtre du Championnat de France en 1914, disait déjà : « Les échecs ne seront jamais une science exacte, c’est entendu. Il est heureux que notre jeu ne puisse pas être réduit en formules, équations et graphiques par les mathématiciens, car du coup, c’en serait fait de lui. » 

Hans Kmoch (1894-1973), auteur du fameux "L'Art de jouer les pions", ne disait pas autre chose : « Le combat pour la vérité suprême ne sera jamais gagné. Et c’est pour ça que les échecs sont toujours fascinants. » Et enfin, Emanuel Lasker (1868-1941) : « Il y a des éléments scientifiques et artistiques, mais ils s’effacent devant l’élément principal : le combat ! » 

Et c'est exactement ce à quoi nous assistons dans ce match, un combat, et c'est justement ce qui le rend passionnant à suivre ! Tels des boxeurs, Ian Nepomniachtchi et Ding Liren s'échangent uppercuts et crochets à la recherche du K.O.. Le score est de 3 points à 2 en faveur du Russe avant la sixième partie, mais le Chinois est encore debout.

Romain Édouard https://twitter.com/romain_edouard est d'un autre avis : « Au lieu de se vanter d'avoir organisé un match bourré d'erreurs/de parties décisives, la FIDE ne devrait-elle pas plutôt réfléchir à comment faire revenir Magnus Carlsen ? La qualité des parties est à des kilomètres de celles des 10 dernières années. Appelez ça un beau spectacle, mais ça ne vaut pas plusieurs millions ni une couronne de Champion du Monde. »

À noter que les jours de repos seront inversés après la septième partie, afin d'éviter que ce soit toujours le même joueur qui se retrouve avec la même couleur avant un jour de repos. Ainsi, les joueurs seront au repos après la sixième partie, lundi 17 avril et après la septième partie, mercredi 19 avril.

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½010 3,0
Ding Liren2788½0½101 3,0

Résultat de la sixième partie du 16 avril 2023

Ding Liren (2788)
1-0
10
Ian Nepomniachtchi (2795)
Début de Londres - 44 coups

La partie numéro 6 commentée

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Sixième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ding Liren vs Ian Nepomniachtchi
Photo FIDE - Stev Bonhage

Ian Nepomniachtchi : « J'imagine que j'ai joué l'un de mes pires parties. »

Ding Liren : « De manière générale, j'ai l'impression d'avoir été en bonne forme pendant toute la partie ; et je n'ai pas été affecté par la défaite d'hier. »

Evgeny Gleizerov : « Cette défaite est d'une nature tout-à-fait différente de celle de la 4e du match. C'est une dominaton basée sur une compréhension supérieure de la position. »

Ding Liren : « Aujourd'hui je ne savais pas quelle ouverture jouer. La ligne qu'il a jouée était hors de ma préparation. J'ai essayé de garder une position non forçante et d'avoir quelques possibilités de jouer pour la victoire. Et je pense que ça s'est plutôt bien passé. »

Igor-Alexandre Nataf : « Personnellement, j’adore ce match Ding Liren vs Ian Nepomniachtchi. Et je vais même aller plus loin, je trouve les parties bien plus intéressantes que lors des précédents matchs de Magnus Carlsen, que j'ai trouvés complètement soporifiques… (ça n’engage que moi). Pour ma part, je m’en fous complètement qu’une partie soit archi-correcte si elle est ennuyeuse et chiante et que les joueurs ne font rien. Là, les joueurs se battent et je respecte complètement. Franchement j'adore ! »

Gata Kamsky : « C'est incroyable de se réveiller et de réaliser que le système de Londres a permis à Ding Liren d'égaliser le match contre Nepo dans la 6e partie d'aujourd'hui. »

Après le 31.a5! de Ding, Ian est resté dans sa salle de repos. Comme l'a observé Anish Giri, « Ian réfléchit généralement dans l'aire de repos lorsqu'il est mal à l'aise avec sa position ou avec quelque chose qu'il a raté », se référant au match contre Magnus Carlsen et aux parties trois et quatre de ce match.

Ding Liren | Photo FIDE - David Llada
Ian Nepomniachtchi | Photo FIDE - David Llada

Le paradoxe à propos de Ding Liren est qu'il ne correspond pas à l'archétype du « mâle alpha » comme, par exemple : Bobby Fischer, Garry Kasparov et Magnus Carlsen. En fait, avec son air doux, il est tout le contraire. Il est si modeste et discret que l'on peut interpréter son humilité comme une faiblesse. Pourtant, malgré ses débuts hésitants à Astana, il a un noyau d'acier, illustré dans la sixième partie. Ding a fait preuve d'un vrai courage pour trouver son équilibre et remporter une victoire mémorable. Ce n'est pas une bombe théorique concoctée par une équipe de mercenaires ou un supercalculateur qui a vaincu Ian Nepomniachtchi, c'est le courage d'un homme qui s'est relevé sans se plaindre ni s'apitoyer sur lui-même. Le résultat a été une belle démonstration de finesse dans une position supérieure et un excellent timing tactique : l'intrépide 21.h4!, les déterminés 35.xc4 et 36.e3, et le subtil 41.d5! pour préparer la combinaison finale : 42.c7! h7 43.g6 g8 44.f7! menaçant un sacrifice de Dame pour mater. Dans un monde qui regorge de fanfaronnades et de narcissisme des médias sociaux axés sur la dopamine, Ding rappelle que c'est le noyau interne qui compte, pas les perceptions, ni les apparences et les constructions imaginaires sur la force.

Extrait du texte de : Olimpiu Di Luppi https://twitter.com/olimpiuurcan

Emmanuel Kant (1724-1804) a écrit : « Le bois dont l'homme est fait est si courbe qu'on ne peut rien y tailler de tout-à-fait droit. » Et suite à sa déconvenue dans la quatrième partie du match de championnat du monde, Ian Nepomniachtchi va devoir montrer de quel bois il est fait.

Peu après la victoire de Ding Liren dans la quatrième partie, Olimpiu Di Luppi https://twitter.com/olimpiuurcan publiait sur Twitter l'anecdote suivante :

« Pendant le direct de la troisième partie du championnat du monde, tout en discutant des subtilités de la manœuvre …f6, ...h5, ...f6 de Ding Liren (diagramme 1), Anish Giri a raconté une histoire qui remonte à quand il était entraîné par Vladimir Kramnik. Après une partie, Anish reçut un SMS de l'ancien champion du monde avec un dicton bien connu : "A knight on the rim is dim.” Un Cavalier au bord est à moitié mort (diagramme 2). Ce principe ne meurt jamais. Les échecs sont essentiellement 50 % de calculs et 50 % de placements de pièces. Nous visons à ce que nos pièces voyagent sur des itinéraires sûrs et trouvent des avant-postes stables. Parfois, nous ignorons ce principe selon lequel l'emplacement est primordial, et parfois nous nous précipitons pour essayer d'arriver là où nous sommes censés arriver (diagramme 3). Toutefois, comme pour à peu près tout dans le jeu d'échecs, le bon timing est crucial. » 

Nepo - Ding, 12...h5 et 15...f6
Ding - Nepo, 28...d4?
Ding - Nepo, 14...a5?!

Viswanathan Anand sur la quatrième partie : « Ding Liren cherchait clairement le combat et Ian Nepomniachtchi a accepté le pion de plus en échange de permettre aux Blancs d'en placer un en d5 et un autre en e5. Cela a donné l'impression que les Blancs allaient obtenir une position où ils pourraient sonder ici et là sans risque pendant longtemps. Puis Ian s'est impatienté et a forcé les événements sans réfléchir, permettant à Ding de sacrifier une qualité et d'obtenir une position gagnante. Il convient de noter que les mauvais coups ont été joués très vite, ce qui est un signe que Ian Nepomniachtchi est affecté nerveusement. Les deux joueurs devront se calmer pour des raisons différentes, car ce match est désormais plus ouvert que jamais. »

Viswanathan Anand et Irina Krush sur https://worldchampionship.fide.com

La cinquième partie sera-t-elle le moment de vérité pour Ian Nepomniachtchi ?

Peu après sa défaite dans la quatrième partie, Ian Nepomniachtchi, qui a la réputation de ne pas très bien gérer les pertes, a déclaré : « C'est un long match et nous n'en sommes qu'au début. Je ne le comparerais pas avec Dubaï, c'est une autre histoire. » Sévèrement battu 7,5 à 3,5 par Magnus Carlsen, le Russe avait refusé de reconnaître que la sixième partie, sa première défaite du match, après 136 coups et 7h45 de jeu, avait été décisive, mettant plutôt en cause de sérieux problèmes de sommeil rencontrés dès le début du match.

Néanmoins, Vladimir Potkin, l’entraîneur de Nepomniachtchi, au sujet de la défaite dans cette 6e partie, a déclaré dans la revue Europe-Echecs du mois d'avril 2023 : « Ce fut un choc pour lui, et pour nous. L’équipe de Magnus savait quoi faire s’il avait perdu en premier, mais nous n’avons pas trouvé la solution pour retourner la situation en notre faveur. »

« Perdre provoque du stress, mais gagner aussi, parce que parfois vous ne pouvez pas retrouver votre stabilité émotionnelle. » Ian Nepomniachtchi.

Plus que la stratégie de match, la psychologie pourrait être à nouveau le facteur clé de ce duel contre Ding Liren.

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

Lors du tirage au sort des couleurs, Ian Nepomniachtchi a obtenu les pièces blanches dans la première partie. Les jours de repos seront inversés après la septième partie afin d'éviter que ce soit toujours le même joueur qui se retrouve avec la même couleur avant un jour de repos.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½01 3,0
Ding Liren2788½0½10 2,0

Résultat de la cinquième partie du 15 avril 2023

Ian Nepomniachtchi (2795)
1-0
10
Ding Liren (2788)
Espagnole fermée - 48 coups

La partie numéro 5 commentée

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Cinquième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ian Nepomniachtchi vs Ding Liren

Ian Nepomniachtchi : « Il y avait probablement une meilleure façon de défendre pour les Noirs, mais j'avais l'impression que les Blancs pressaient. Au moment des problèmes de temps, il a raté mon idée, et à ce stade les Blancs était pratiquement gagnants. »

Ian Nepomniachtchi a révélé que la seule raison pour laquelle il est resté dans la salle de jeu pendant la majeure partie de la rencontre était qu'il faisait trop froid dans la salle de repos. Ce à quoi Pentala Harikrishna a ajouté : « Une manière astucieuse de forcer les joueurs à rester dans la salle de jeu ! »

Ian Nepomniachtchi : « La position faisait partie de ma préparation. Mais je dois créditer mon adversaire que pendant presque tout la partie il a joué des coups assez sensés. »

Ding Liren : « Mon jeu dans l'ouverture d'aujourd'hui n'était pas si mauvais, mais la position était quand-même désagréable à jouer. »

Ding Liren : « Cette défaite me fait encore plus mal que la précédente. Je pensais que j'étais très bien. D'accord, nous avons encore de nombreuses parties devant nous. J'espère que je pourrais me remettre de cette défaite difficile. »

Ian Nepomniachtchi sur le fait que Magnus Carlsen ne se souciait pas de savoir qui allait gagner à Astana : « Comme on dit, je m'en fiche complètement ! »

Ding Liren en grande difficulté après 36.e4!
Ian Nepomniachtchi gagnant après après 38.g4!
Ding Liren sur le point d'abandonner après 41.e4

Un autre élément attire notre attention depuis le début du match : les préparations théoriques des deux joueurs. Souvenez-vous de la phrase de Daniil Dubov : « [...] aujourd'hui, normalement, la partie commence au 25e coup, parfois au 30, et puis vous avez deux heures pour jouer 10 coups... » Pourtant, dans ce match, les préparations dans les ouvertures ne semblent pas jouer un grand rôle. Hormis la première partie, dans la deuxième, le 12.xf6+?! de Ding était une imprécision, et dans la troisième, le 16.f3?! de Nepomniachtchi avait fait dire à Anish Giri ; « Nepomniachtchi mélange ma partie avec sa préparation. »

Dans la quatrième partie, alors que Ding Liren avait perdu avec une Anglaise au Tournoi des Candidats face à Ian Nepomniachtchi, le Chinois n'a pas eu peur des fantômes et a débuté par 1.c4. « Nepo » y était-il préparé ? « Oui », a répondu le Russe en conférence de presse, « mais pas sur cette ligne en particulier. C'est cependant l'une des principales ouvertures de Ding, et honte sur moi pour ne pas avoir répété mes lignes correctement ! » Nepomniachtchi avait rapidement pris la décision de transférer son f6 à 8...h5, puis 9...f4, et Anish Giri, encore lui, qui connaît bien ces positions, était sûr que Ian avait mélangé les variantes. De son côté, Ding Liren a avoué par la suite : « Pour être honnête, je n'avais plus de préparation après 9...f4. J'étais seul après ça. »

Cela-dit, que les préparations théoriques ne soient pas très profondes, ou que les joueurs ne s'en rappellent pas avec précision, c'est tant mieux pour le spectacle. En effet, assister à des récitations de 25 ou 30 coups concoctée par des ordinateurs n'est guère passionnant.

Météo hivernale à Astana | Photo Mike Klein https://twitter.com/ChessMike

Le changement de comportement de Ding Liren dans la troisième partie en a surpris plus d'un. En seulement 24 heures, le Chinois, cloîtré dans sa salle de repos, incapable de rester sur l'échiquier, écrasé par la pression du match, ne calculant qu'un de deux coups candidats, a de toute évidence retrouvé une bonne partie de ses moyens.

La délégation chinoise présente à Astana, voyant son champion partir à la dérive, lui a proposé l'aide d'un psychologue, mais Ding Liren a refusé, préférant recevoir celle de ses amis, et apparemment de Bob Dylan, puisque Ding Liren a révélé avoir écouté la chanson Blowin’ in the Wind (1962) peu avant la partie : « Combien de routes un homme doit-il parcourir avant que vous ne l'appeliez un homme ? [...] Combien de fois un homme doit-il regarder en l'air avant de voir le ciel ? La réponse est soufflée dans le vent. »

Cette rapide récupération change évidemment la physionomie du match, et selon Leontxo García, pendant la conférence de presse, Ian Nepomniachtchi semblait avoir du mal à intégrer la métamorphose éclair de son rival. Si son 1.d4 au lieu de son habituel 1.e4 a pris son adversaire par surprise, la préparation du Russe a été décevante. Non seulement il a suivi une partie jouée par Ding, mais son 17e coup était moins bon que celui joué par Anish Giri, en blitz, contre Ding !

À la question de Leontxo García : Pourquoi n'avez-vous pas obtenu un avantage dans l'ouverture après avoir récité 16 coups de mémoire ? La réponse de Ian Nepomniachtchi n'a pas été convaincante : « Le gambit Dame est un type d'ouvertures qui produit des positions égales si les deux joueurs jouent bien. »

À notre avis, comme nous l'avons écrit hier, Ian Nepomniachtchi avait le choix entre prendre le risque de pousser pour une nouvelle victoire, ou alors parier sur le fait que Ding Liren allait couler tout seul comme une pierre. Et le Russe a cru que le Chinois allait couler. Mauvaise pioche !

Toujours est-il que le match s'équilibre et c'est tant mieux pour l'intérêt du championnat du monde. Revoir un joueur s'écrouler, comme ce fut le cas pour Ian Nepomniachtchi contre Magnus Carlsen en 2021, avec quatre défaites entre les parties 6 et 11, n'apporterait rien au jeu d'échecs.

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

Lors du tirage au sort des couleurs, Ian Nepomniachtchi a obtenu les pièces blanches dans la première partie. Les jours de repos seront inversés après la septième partie afin d'éviter que ce soit toujours le même joueur qui se retrouve avec la même couleur avant un jour de repos.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½0 2,0
Ding Liren2788½0½1 2,0

Résultat de la quatrième partie du 13 avril 2023

Ding Liren (2788)
1-0
10
Ian Nepomniachtchi (2795)
Anglaise - 47 coups

La partie numéro 4 commentée

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Quatrième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ding Liren vs Ian Nepomniachtchi

Anish Giri : « Je donnerais à Ding 80% de chances de gagner le match après cette partie ! »

Viswanathan Anand : « Une victoire avant une journée de repos est la meilleure des sensations possibles.»

Ding Liren : « Bien sûr, je suis très heureux d'avoir gagné la partie. Je suis satisfait de la qualité de mon jeu. C'était une partie très difficile, mais j'ai réussi à garder le contrôle. » ... « Soudain j'ai eu l'impression d'être gagnant... c'était un peu difficile à croire ! »

Ding Liren : « Pour moi c'est la victoire la plus importante jusqu'à présent, car le championnat du monde est totalement différent des Candidats, par exemple. »

Ian Nepomniachtchi : « Je ne me sens pas très bien. C'était une partie tendue. J'ai mal évalué ma position après 15.c5. Je pensais que c'était bon pour les Noirs. Mais même si c'était le cas, c'était difficile à jouer. C'était plus ou moins jouable jusqu'à ce que je perde ma concentration et laisse 29.xd4! arriver. C'était clairement beaucoup plus facile de jouer avec les Blancs. »

Ian Nepomniachtchi, sur la gestion des défaites au championnat du monde : « J'en discuterai sûrement avec mon équipe ce soir. C'est un long match et nous n'en sommes qu'au début. Je ne le comparerais pas avec Dubaï, c'est une autre histoire. »

Ding Liren est finalement revenu dans l'hôtel officiel : « J'ai commencé à m'habituer à cet hôtel... et je veux essayer de gagner ! »

Ding Liren : « Le sacrifice pour l'initiative est la manière moderne d'aborder les échecs. »

Maurice Ashley : « Ce match compte jusqu'à présent 2 victoires de plus que les 4 premières parties des 3 derniers matchs de championnat du monde combinés ! »

Notre ami Murtas Kazhgaleïev a demandé à Ding Liren : « Vous avez joué 1.d4 dans la deuxième partie, 1.c4 dans la quatrième, allez-vous jouer 1.e4 dans la sixième ? » Et le Chinois a fait une réponse peu conventionnelle et très intéressante : « Le choix du premier coup dépend des idées que vous voulez mettre en place dans la partie. »

Ding Liren et Ian Nepomniachtchi dans la quatrième partie.
Ian Nepomniachtchi | Photo FIDE - Anna Shtourman
Ian Nepomniachtchi dans sa salle de repos après le 35.e4 de Ding Liren
Ian Nepomniachtchi après 46...g6+-
Richard Rapport félicitant Ding Liren après sa victoire dans la quatrième partie, avec le tee-shirt : « Outta the way, nerd! » On voit aussi la mère de Ding Liren juste derrière, tout sourire. | Photo Mike Klein https://twitter.com/ChessMike

Selon Leontxo García, après la première partie, Ding Liren a changé d'hôtel parce que l'hôtel officiel lui paraissait « trop luxueux », et qu'il avait aussi demandé à ses parents de venir de Chine.

Dans la deuxième partie, le Chinois est resté plus de 27 minutes dans la salle de repos, ce qui a poussé l'arbitre, le Serbe Nebojsa Baralic, à aller vérifier si tout allait bien. Ding Liren a expliqué par la suite qu'il s'était tellement habitué à jouer sur Internet pendant la pandémie, qu'il est maintenant plus à l'aise pour analyser sur un écran que sur un échiquier. Source https://elpais.com/ajedrez/actualidad/2023-04-10/ding-pierde-ante-niepomniashi-su-segunda-partida-en-el-mundial-de-ajedrez.html

Ding Liren | Photo FIDE - Stev Bonhage

Sur la base des deux premières parties, il semble évident que Ding Liren n'est pas celui qui a dépassé les 2800 Elo (2783 après la partie numéro 2), et réalisé un record de 100 parties sans défaite. Et ce Ding là doit absolument se retrouver avant que le score ne devienne trop lourd.

Ce qui reste malgré tout dans le domaine du possible. N'oublions pas que lors du Tournoi des Candidats 2022, Ding Liren avait débuté par une défaite face à Ian Nepomniachtchi, avant d'aligner sept partie nulles et d'enchaîner trois victoires ; Duda, Rapport et Caruana. Une défaite contre Radjabov dans la douzième ronde, une nulle dans la treizième et une victoire contre Nakamura dans la dernière ronde, pour une deuxième place finale qui lui permet de jouer ce match de Championnat du monde.

Une victoire du Chinois rebattrait évidemment les cartes, mais elle doit absolument arriver avant que Ian Nepomniachtchi n'enfonce définitivement le clou. « Une journée de repos est un bon moyen de se remettre de cette sévère défaite » a dit Ding Liren.

Tigran Vartani Petrossian (1929-1984) a écrit : « Évitez l'euphorie : match nul après une défaite, match nul après une victoire. » Si pour Ding Liren obtenir un demi-point avec les Noirs dans la troisième partie serait en effet un bon résultat, Ian Nepomniachtchi a le choix entre prendre le risque de pousser pour une nouvelle victoire, ce qui plongerait son adversaire dans les affres du désespoir, ou alors parier sur le fait que Ding Liren, apparemment écrasé par la pression de ce match, ne ressorte pas la tête de l'eau et coule comme une pierre.

À n'en point douter, nous devrions revoir dans la troisième partie du match une partie Espagnole avec, c'est certain aussi, une préparation soigneusement concoctée par Ian Nepomniachtchi et son équipe.

Anish Giri : « Ce que rate parfois Ian Nepomniachtchi ce sont des ressources de son adversaire. Toutefois, il ne rate pas ses propres ressources. »

Fabiano Caruana sur la deuxième partie du match : « Cela ressemble plus à la façon dont vous perdez une partie rapide ou un blitz qu'à une partie classique de haut niveau. »

Ian Nepomniachtchi | Photo FIDE - Anna Shtourman

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

Lors du tirage au sort des couleurs, Ian Nepomniachtchi a obtenu les pièces blanches dans la première partie. Les jours de repos seront inversés après la septième partie afin d'éviter que ce soit toujours le même joueur qui se retrouve avec la même couleur avant un jour de repos.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1½ 2,0
Ding Liren2788½0½ 1,0

Résultat de la troisième partie du 12 avril 2023

Ian Nepomniachtchi (2795)
½-½
½½
Ding Liren (2788)
Gambit Dame d'échange - 30 coups

La partie numéro 3 commentée

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Troisième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ian Nepomniachtchi vs Ding Liren

Ding Liren : « Je n'étais pas content du résultat. J'essayais de jouer pour le gain à un moment donné, mais je n'ai pas trouvé le moyen de percer. Donc, je pense qu'un match nul est un résultat décent pour nous deux. »

Ding Liren : « Mes amis m'ont aidé à gérer mes problèmes émotionnels. Et maintenant je me sens plus à l'aise sur la scène. »

Daniil Dubov : « Je suis déçu quand les gens qualifient de telles parties d'ennuyeuses et de pas très excitantes. Oui, en effet, elles n'ont pas l'air excitantes, elles sont silencieuses, l'évaluation ne bondit pas, mais bien souvent il y a une logique très profonde derrière ces coups silencieux. À mon avis c'était une partie de grande qualité. »

Pourquoi autant de jours de repos ?

Lors du match du siècle 1972, en 24 parties, entre Robert James Fischer et Boris Spassky, les joueurs avaient droit à trois interruptions « maladies ». Le règlement des matchs entre Garry Kasparov et Anatoli Karpov, 1985, 1986 et 1990, en 24 parties, autorisait trois reports aussi pour des raisons de santé. Évidemment, il suffisait de prétendre à un simple « refroidissement » pour se reposer une journée. Et puis, dans les derniers matchs de championnat du monde, la Fédération Internationale des Échecs (FIDE), a placé des jours de repos : Magnus Carlsen vs Viswanathan Anand 2014, en 12 parties, 1 jour de repos toutes les 2 parties, comme pour Magnus Carlsen vs Sergey Karjakin 2016, et aussi pour Magnus Carlsen vs Fabiano Caruana 2018. Quant à Magnus Carlsen vs Ian Nepomniachtchi 2021, en 14 parties, 1 jour repos après 3 parties, puis après 2 parties, puis après 3, etc. 

Dans le cas présent, entre Ian Nepomniachtchi et Ding Liren, en 14 parties, il est prévu 1 jour repos toutes les 2 parties. Ce qui en fait sept si le match va jusqu'au bout !

Souvenez-vous que la Géorgienne Nana Dzagnidze, au récent Grand Prix féminin de New Delhi, a joué sept parties classiques consécutivement ! Ne vaudrait-il pas mieux offrir à chaque joueur de droit de prendre trois « time out » à sa convenance dans tout le match ? Un joueur qui sent qu'il joue bien souhaiterait sans doute rester sur son bon rythme. Et mieux vaut prendre une journée de repos lorsque le besoin s'en fait vraiment sentir.

Sans oublier que les jours de repos ne font finalement que favoriser l'utilisation des ordinateurs. Comme Daniil Dubov l'a dit : « ... Et puis, tout-à-coup, 4.h3 arrive ! Et vous vous rendez compte que vous allez passer toute la journée de repos à vérifier tous les h3 et a3 possibles dans n'importe quelle position légale. »

Ding Liren dans la troisième partie après 15.c1

Anish Giri après 16.f3 : « Nepomniachtchi mélange ma partie avec sa préparation. Il suit aveuglément ma partie en pensant que c'est sa préparation. C'était juste ma partie - ce n'était pas très bon ! »

Vladimir Kramnik : « Je m'attends à un match très intéressant, avec beaucoup de hauts et de bas et pas mal de parties décisives. Ils ont tous deux la faiblesse d'être quelque peu instables. »

Ian Nepomniachtchi dans la troisième partie avant de jouer 16.f3
Les deux joueurs sur l'échiquier en même temps !?

Si nous laissons de côté le contenu de la partie d'hier, c'est quand-même, d'une part la franchise des réponses de Ding Liren : « ... pas très heureux, ... déprimé... rien préparé... pas tellement pensé aux échecs... » et d'autre part, le partage du point final qui attirent l'attention.

Ainsi, voilà un joueur qui ne s'est concentré qu'au moment du zeitnot, mais qui prend le demi-point à un adversaire qui a placé sa préparation ! On pourrait se demander ce qu'il va en être quand le Chinois aura préparé sa partie du jour et retrouvé toute sa concentration !

Ding Liren est un adepte des jeux fermés, généralement 1.d4, voire 1.c4. Il avait joué 1.e4 à Wijk aan Zee cette année, dans le but de cacher ses préparations pour ce championnat du monde, mais cette tentative lui a coûté 23 points Elo. Ce pourait être aussi une Catalane. Il reste donc à voir ce que Ian Nepomniachtchi lui a concocté.

Discuter avec Ding Liren demande de la patience, sa timidité et une difficulté à s'exprimer en anglais entraînant de longs silences. Mais quand il parle, il le fait ouvertement : « Je dois redevenir celui de 2019. La pandémie est arrivée et, en même temps, j'ai rompu avec ma copine. Les échecs remplissent désormais toute ma vie. [...] Bien que Ian se soit préparé depuis plus longtemps que moi, je pense que je comprends les échecs plus profondément que lui. J'ai commencé à jouer quand j'avais quatre ans et ma carrière peut être divisée en trois phases : jusqu'au début 2020, d'ici à l'année dernière, et la troisième qui commence maintenant. »

Quelle version de « Nepo » allons-nous voir à Astana : le très créatif et amateur de risques Nepomniachtchi d'avant 2020, ou le conservateur qui a été battu par Carlsen à Dubaï en 2021 : « Je veux redevenir moi-même. À Dubaï j'ai commis une erreur en cherchant à m'adapter au style de Magnus. Ce qui a été décisif ce n'est pas la sixième partie que j'ai perdue, mais les sérieux problèmes de sommeil que j'ai rencontrés dès le début. Mentalement, je me sentais vide. »

Extrait de l'article de Leontxo García https://english.elpais.com/sports/2023-04-09/nepomniachtchi-and-ding-go-head-to-head-in-astana-to-succeed-magnus-carlsen.html

Ivan Sokolov : « Ian Nepomniachtchi a joué la première partie intelligemment. S'il peut contenir son impulsivité, je le classe comme favori. »

Magnus Carlsen : « Pour le moment je n'ai pas prévu de plan pour suivre le championnat du monde. Je veux dire que je vais probablement le suivre, cependant je ne pense pas faire tout mon possible pour regarder les parties. Mais je vais vérifier les parties, c'est sûr. »

Susan Polgar : « Ce n'est pas pour pinailler, mais les joueurs ne sont presque jamais devant l'échiquier en même temps. Trop de temps passé dans leur salle de repos personnelle. Les fans du monde entier se connectent pour ne voir que deux chaises vides. »

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

Lors du tirage au sort des couleurs, Ian Nepomniachtchi a obtenu les pièces blanches dans la première partie. Les jours de repos seront inversés après la septième partie afin d'éviter que ce soit toujours le même joueur qui se retrouve avec la même couleur avant un jour de repos.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½1 1,5
Ding Liren2788½0 0,5

Résultat de la deuxième partie du 10 avril 2023

Ding Liren (2788)
0-1
01
Ian Nepomniachtchi (2795)
Gambit Dame 4.h3!? - 29 coups

La partie numéro 2 commentée

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Deuxième partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ding Liren vs Ian Nepomniachtchi

Daniil Dubov : « Imaginez que vous faites partie de l'équipe de Ian. Vous vous êtes préparés pour le match pendant six mois, vous avez vérifié toutes les ouvertures décentes et vous pensez que vous êtes fin prêts. Vous avez réussi à dominer Ding dans l'ouverture dans la première partie ; la vie ne pourrait pas être plus douce. Et puis, tout-à-coup, 4.h3 arrive ! Et vous vous rendez compte que vous allez passer toute la journée de repos à vérifier tous les h3 et a3 possibles dans n'importe quelle position légale ; ce qui n'est vraiment pas idéal. »

Ian Nepomniachtchi : « Après avoir joué 18…f5, c'est très, très fragile pour les Blancs ; il aurait pu faire quelque chose comme d5. Ensuite, la position se jouait plus ou moins toute seule. J'ai jeté les pièces au centre et c'était suffisant. »

Ding Liren : « J'ai presque tout raté dans la partie. La partie d'aujourd'hui est un désastre. » Le Chinois a même avoué en conférence de presse que malgré 33 minutes de réflexion il n'avait envisagé que 12...xf6 : « 12...gxf6! a été une surprise totale. »

Ding Liren au sujet de 4.h3!? : « C'est juste un coup très rare. Je connais beaucoup d'idées après 4.h3. L'idée est une bonne invention de mes secondants, je n'ai tout simplement pas bien joué. »

Levon Aronian : « La longue absence des échecs de compétition de Ding Liren est visible à la fois physiquement et au niveau de son jeu. Pas étonnant qu'il passe peu de temps sur l'échiquier. La salle de repos pendant ces périodes stressantes agit comme un sanctuaire. »

Levon Aronian : « Les malheurs des Blancs ont commencé après l'inexplicable 12.xf6?!. Cela semble illogique, puisque le placement du pion blanc en h3 ne peut être plus avantageux après 12…gxf6!. »

Demain, mardi 11 avril, est le premier jour de repos. Rendez-vous mercredi à partir de 11h00 pour voir si Ding Liren est capable de réagir après cette défaite qui doit le plonger encore plus dans la déprime. Une chose est certaine, le Chinois n'est pas [encore] à son meilleur niveau. Quant à Ian Nepomniachtchi, qui vient de remporter sa première partie lors d'un Championnat du Monde, le match ne pouvait pas mieux débuter.

Ding Liren
Ian Nepomniachtchi
Ian Nepomniachtchi après 4.h3!? — Anish Giri : « Il n'est pas content. Croyez-le ou non, il y a peut-être une pensée qui lui passe par la tête, regrettant de ne pas avoir un peu regardé 4.h3. »
La retransmission du site officiel https://worldchampionship.fide.com
Ding Liren après 25...d6!

Interrogé sur les changements qu'il a apportés à sa stratégie par rapport au match de Dubaï en 2021, Ian Nepomniachtchi a été très bref : « Il est trop tôt pour les révéler ». Nepomniachtchi a cependant confirmé que son équipe de secondants s'était renforcée. « J'espère que mes compétences se sont quelque peu améliorées. En ce qui concerne la préparation de mon équipe, je préfère ne rien exposer. Certains sont avec moi depuis longtemps, mais j'ai de nouveaux membres, donc j'espère que ma préparation s'est améliorée aussi. »

Le numéro 3 mondial, Ding Liren a été invité à commenter la possibilité de devenir le premier joueur chinois de l'histoire à devenir champion du monde. « Parfois, je pense à devenir le premier champion du monde chinois, ainsi que le 17e champion du monde et à écrire mon nom dans l'histoire. Si je peux le faire, ce sera une immense gloire ». Ding a également noté que de nombreuses personnes en Chine ont commencé à suivre les échecs grâce à ce match. Le grand maître chinois a confirmé que son équipe impliquait des personnes à Astana, mais aussi d'autres qui travaillent à distance, et qu'au Kazakhstan il a moins de secondants que lors des Candidats à Madrid.

Les deux joueurs ont été interrogés sur la façon dont ils gèrent la défaite. Ian Nepomniachtchi : « Franchement, c'est toujours désagréable mais cela fait partie du travail. Je joue aux échecs depuis que j'ai quatre ou cinq ans. Vous ne pouvez pas jouer aux échecs si vous ne pouvez pas gérer vos pertes. Mais la clé est d'essayez de les minimiser ».

Ding Liren : « Perdre est extrêmement difficile. Parfois, je n'aime pas donner d'autographes ou prendre une photo avec les fans. Je veux juste quitter la salle de jeu le plus tôt possible pour que personne ne puisse me voir. J'aime être seul et prendre le temps de récupérer ».

Le plus grand moment de franchise de la conférence de presse est venu de Nepomniachtchi lorsqu'on lui a demandé de comparer son style de jeu à celui d'un animal. « Les mauvais jours je joue comme un singe », a déclaré Nepomniachtchi.

Ding Liren a révélé qu'il avait passé beaucoup de temps à tester différentes chaises pour cet événement jusqu'à ce qu'il trouve celle avec laquelle il était le plus à l'aise. Source FIDE.

« Parfois il joue trop vite et oublie sa préparation. S'il fait une erreur, j'essaierais de l'exploiter. » Ding Liren

« Selon moi, en tant que joueur d'échecs et commentateur de longue date, il n'y a pas de match de championnat du monde ennuyeux. » Peter Svidler

Match en quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE). Début des parties à 11h00 heure française.

Lors du tirage au sort des couleurs, Ian Nepomniachtchi a obtenu les pièces blanches dans la première partie. Les jours de repos seront inversés après la septième partie afin d'éviter que ce soit toujours le même joueur qui se retrouve avec la même couleur avant un jour de repos.

NomEloFéd1234567891011121314Tot
Ian Nepomniachtchi2795½ 0,5
Ding Liren2788½ 0,5

Résultat de la première partie du 9 avril 2023

Ian Nepomniachtchi (2795)
½-½
½½
Ding Liren (2788)
Espagnole fermée - 49 coups
Photo FIDE - Stev Bonhage

La partie numéro 1 commentée

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Première partie du Championnat du Monde d'Échecs : Ian Nepomniachtchi vs Ding Liren

Ding Liren, en conférence de presse après la première partie : « Je ne suis pas très heureux, je me sens un peu déprimé. Pendant la première phase de la partie je n'ai pas tellement pensé aux échecs. Mon esprit était très étrange, beaucoup de souvenirs, de sentiments, d'émotions. Je sentais que quelque chose n'allait pas dans ma tête... peut-être la pression du match. Ce n'est que lorsque me suis retrouvé en manque de temps que j'ai réussi à me concentrer vraiment. »

À une question sur la variante d'ouverture choisie par Ian Nepomniachtchi - que Ding Liren avait déjà affrontée contre Alexander Grischuk ! - le Chinois a répondu : « En fait, je n'ai rien préparé du tout hier parce que je me battais avec mes émotions, et la partie que vous mentionnez je l'avais complètement oubliée ».

Il ressort de l'avis de plusieurs commentateurs que Ian Nepomniachtchi a raté une ou deux occasions de prendre un avantage plus conséquent. 29.c7! en est certainement une, 34.xd8!? peut-être aussi, qu'un Magnus Carlsen aurait sans doute converti en gain selon Leontxo García. Toutefois, Nepomniachtchi n'est pas Carlsen.

Magnus Carlsen a été surpris, tweetant : « Je ne savais pas que 7.e1 existait. » Vishy Anand a commenté : « les systèmes les plus empoisonnés sont ceux qui semblent inoffensifs ». Les experts n'ont pas tardé à souligner que 11...g4 était une erreur à cause de 14.h3! qui aurait rendu 14...xd4 impossible en raison de 15.d5!. Daniil Dubov a donné une ligne qu'il considère comme pour ainsi dire gagnante après 29.c7!. 29...e6 30.xa5 d4 31.xd4 cxd4 32.b6 d7 33.a7 d6+ 34.h1 f4 35.xd4 c1+ 36.g1 g8 et maintenant 37.a4!.

Photo FIDE - Anna Shtourman
Les parties du match de championnat du monde d'échecs entre Ian Nepomniachtchi et Ding Liren.
Première poignée de main du match, le 9 avril 2023

Le match de championnat du monde d'échecs FIDE entre le Russe Ian Nepomniachtchi et le Chinois Ding Liren doit avoir lieu à Astana, au Kazakhstan, dans l'élégant hôtel St. Regis, qui a officiellement ouvert ses portes en septembre 2017, du 7 avril au 1er mai 2023. Un nouveau champion du monde s'emparera du trône laissé vacant par le retrait de Magnus Carlsen. Site officiel : https://worldchampionship.fide.com

Le match sera commenté par l'octuple championne des États-Unis Irina Krush. Elle sera acccompagnée lors des quatre premières parties par le quintuple champion du monde Viswanathan Anand. À partir de la cinquième partie, le co-commentateur d'Irina sera Daniil Dubov, qui faisait partie de l'équipe de Magnus Carlsen pour le Championnat du monde de Dubaï en 2021.

Le 31 octobre 2022, le champion du monde en titre Magnus Carlsen a officiellement confirmé qu'il ne défendrait pas son titre de champion du monde classique face à son challenger, le numéro trois mondial Ian Nepomniachtchi. Le Chinois Ding Liren, deuxième du Tournoi des Candidats et actuel n°2 au classement mondial, a ainsi l'opportunité de jouer pour le titre suprême.

Le match oppose les n°2 et 3 mondiaux. Il serait injuste que le vainqueur soit dévalorisé. Ding avait battu le record d’invincibilité au top niveau de Mikhail Tal, resté invaincu durant 95 parties entre 1973 et 1974). Le Chinois avait signé 29 victoires et 71 nulles face à une moyenne Elo à 2699, soit 100 parties sans perdre entre 2017 et 2018. À ce niveau d’exigence, seul Magnus Carlsen a réussi à battre ce record avec 42 victoires et 83 nulles, soit 125 parties entre 2018 et 2020.

De son côté, « Nepo » a remporté deux fois de suite le Tournoi des Candidats. Ceux qui l’ont réalisé avant lui ont été sacrés champions du monde, à l’exception de Korchnoi, vaincu par Karpov en 1978 et 1981.

Le printemps 2023 nous offrira-t-il un rayon de soleil en provenance du Kazakhstan ? La situation est complexe. Elle relève même de « l’ère du chaos », quand le titre mondial était scindé en deux avec un duel Kasparov-Short à Londres pour la couronne PCA, en 1993, et un match Karpov-Timman aux Pays-Bas et à Djakarta pour la couronne FIDE.

Le 13e champion du monde d'échecs, Garry Kasparov, interrogé sur le match de championnat du monde entre Ian Nepomniachtchi et Ding Liren lors de la Coupe américaine,, a appelé le match du Kazakhstan « une sorte d'événement amputé », expliquant qu'à la différence avec la situation en 1975 : « Fischer a arrêté de jouer aux échecs, Magnus non ! Je peux difficilement appeler ça un match de championnat du monde. Pour moi, le match de championnat du monde devrait inclure le plus fort joueur de la planète. »

La chaîne de télévision publique norvégienne, NRK, qui a couvert chaque minute des matchs du Championnat du monde depuis 2013, ne retransmettra pas le match Ding Liren contre Nepomniachtchi. « Sans Magnus [Carlsen], cela n'a aucun intérêt pour les téléspectateurs », a déclaré à Aftenposten le chef de projet de NRK, Reidar Stjernen, tout en soulignant que 2023 a également été une année difficile pour le géant de la télévision avec 3200 employés dans 50 bureaux à travers le pays.

La décision signifie que NRK devra être indemnisé par la FIDE, car il y a une clause dans le contrat au cas où Carlsen ne jouerait pas le match, a confirmé Stjernen à Aftenposten. Source https://new.chess24.com

La cadence de jeu

Quatorze parties à la cadence est de 120 minutes pour les 40 premiers coups, suivis de 60 minutes pour les 20 coups suivants, puis de 15 minutes pour le reste de la partie, avec un incrément de 30 secondes par coup à partir du 61e coup. Les joueurs n'ont pas le droit de proposer le partage du point avant le 40e coup des Noirs. Le joueur qui marque 7,5 points ou plus sera déclaré Champion du Monde de la Fédération Internationale des Échecs (FIDE).

Les prix

Le vainqueur recevra 60 % du prix de 2.000.000 d'euros, le perdant 40 %, de la société cotée au NASDAQ Freedom Holding Corp, une société américaine d'origine kazakhe qui fournit des services financiers. Dans le cas où le titre mondial serait décidé lors du départage, le vainqueur recevrait 55 % et le finaliste 45 %.

Les départages

En cas d'égalité après quatorze parties, un match de départage aura lieu en quatre parties rapides de 25 minutes + 10 secondes par coup. Si le score est toujours égal, un autre match en deux parties sera joué, mais en blitz à la cadence de 5 minutes + 3 secondes par coup. Si le score est toujours égal, un autre match de deux parties à la même cadence. Si le score est encore et toujours égal, un blitz à la cadence de 3 minutes + 2 secondes par coup. Et si l'égalité persiste malgré tout, un autre blitz à la même cadence jusqu'à la première victoire. 

Le règlement complet du Championnat du monde d'échecs
https://handbook.fide.com/files/handbook/FWCM2023.pdf

Freedom Holding Corp

Une figure décisive pour amener le match du Championnat du monde à Astana est Timur Turlov qui, en 2008, a fondé Freedom Finance. Freedom Holding Corp est un groupe basé aux États-Unis dont les sociétés affiliées opèrent dans toute l'Asie centrale, en Europe et aux États-Unis, au NASDAQ depuis 2019. 

L'une des sociétés du groupe Freedom Holding Corp, Freedom Broker, était le principal sponsor du championnat du monde d'échecs rapides et blitz qui s'est déroulé au Kazakhstan, à Almaty, où il a son siège. Astana a aussi organisé en septembre 2022 la première étape du Grand Prix féminin FIDE, remporté par Kateryna Lagno.

Le tirage au sort des couleurs a eu lieu au cours de la cérémonie d'ouverture et Ian Nepomniachtchi a obtenu les pièces blanches dans la première partie. Les jours de repos seront inversées après la septième partie afin d'éviter que ce soit toujours le même joueur qui se retrouve avec la même couleur avant un jour de repos.

JourDateHeure (FRA)Programme
Vendredi 07 avril 2023
Cérémonie d’ouverture
Samedi 08 avril 2023
Journée des médias
Dimanche 09 avril 202311h00
Partie 1
Lundi
10 avril 202311h00 Partie 2
Mardi 11 avril 2023

Jour de repos
Mercredi 12 avril 202311h00 Partie 3
Jeudi 13 avril 202311h00 Partie 4
Vendredi 14 avril 2023
Jour de repos
Samedi 15 avril 202311h00 Partie 5
Dimanche 16 avril 202311h00 Partie 6
Lundi 17 avril 2023
Jour de repos
Mardi 18 avril 202311h00 Partie 7
Mercredi 19 avril 2023
Jour de repos
Jeudi 20 avril 202311h00 Partie 8
Vendredi 21 avril 202311h00 Partie 9
Samedi 22 avril 2023
Jour de repos
Dimanche 23 avril 202311h00 Partie 10
Lundi 24 avril 202311h00 Partie 11
Mardi 25 avril 2023
Jour de repos
Mercredi 26 avril 202311h00 Partie 12
Jeudi 27 avril 202311h00 Partie 13
Vendredi28 avril 2023Jour de repos
Samedi 29 avril 202311h00 Partie 14
Dimanche30 avril 2023
Départages ou clôture
Lundi 1er mai 2023
Cérémonie de clôture

Si le match est décidé en moins de quatorze parties, l'organisateur reprogrammera la cérémonie de clôture à une date antérieure. La cérémonie de clôture aura lieu le jour de la dernière partie ou le lendemain selon s'il y a eu un départage ou pas.

Photo FIDE - Stev Bonhage

L'histoire des champions du monde d'échecs

En 1886, un match fut organisé entre l'Autrichien Wilhelm Steinitz (1836-1900) et le Polonais Johannes Zukertort (1842-1888). Le vainqueur du match était le premier à gagner dix parties.

Le match a lieu dans trois villes des États-Unis (New York, Saint-Louis et La Nouvelle-Orléans) de janvier à mars 1886. Wilhelm Steinitz, vainqueur, est considéré comme le premier champion du monde officiel. 

Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, le championnat du monde opposait dans un match le champion du monde en titre et un adversaire choisi librement par lui. Alexandre Alekhine, né en 1892 à Moscou, a été naturalisé français par décret du 2 novembre 1927 alors qu’il disputait en Amérique du Sud, du 16 septembre au 30 novembre 1927, le championnat du monde qu’il remporta contre José Raúl Capablanca y Graupera (1888-1942). Si bien que le match commencé par un Russe contre un Cubain fut gagné par un Français.

De La Haye/Moscou 1948 à Berlin 2018

Après la mort d’Alekhine survenue le 24 mars 1946, le titre de champion du monde d’échecs était devenu vacant. Ce fut l’occasion pour la Fédération Internationale des Échecs (FIDE) de s’emparer du contrôle de l’organisation du championnat du monde. Le 17e Congrès de la FIDE en 1946 mit un terme à cette situation. Il fut décidé d’organiser un tournoi entre les meilleurs candidats.

En 1948, Botvinnik remporta le premier prix et fut sacré 6e champion du monde de l’histoire à Moscou. Voir l'article https://www.europe-echecs.com/art/championnat-du-monde-1948-7290.html Il était convenu que tous les trois ans il devait affronter un adversaire issu d’un tournoi des Candidats. Le premier eut lieu à Budapest en 1950 avec les cinq Candidats de l’édition précédente et cinq joueurs issus du tournoi interzonal de Saltsjöbaden en Suède.

La qualification de Tigran Vartanovich Petrosian en 1962 : au tournoi de Curaçao, provoqua une violente réaction de la part du champion américain Robert James Fischer qui dénonçait un complot de la part des Soviétiques qui s’étaient unis contre lui. Toutes les parties entre Petrosian, Keres et Geller s’étaient terminées par des nulles rapides, alors que lui devait, au contraire, tous les affronter dans de dures et longues batailles.

À partir de 1965, le Tournoi des Candidats fut remplacé par des matchs pour éviter ce genre de coalition. Les arguments de Fischer avaient porté, mais il se retira du cycle et c’est Spassky qui s’imposa en 1965 et 1968. 1971 vit le retour de Fischer, puis son sacre en 1972.

La qualification de Karpov en 1974 lui permit de devenir le 12e champion du monde sur tapis vert, Fischer ayant renoncé à défendre son titre. La formule des matchs devaient se poursuivre avec Korchnoi et Kasparov. Puis Kasparov s’appropria le titre et réussit à casser le système pour soustraire l’organisation du championnat du monde de la juridiction de la FIDE.

On vit alors apparaître deux champions, l’un issu du système FIDE et l’autre du système Kasparov, dit « classique ». Kramnik réussit à détrôner Kasparov en 2000, alors que les champions FIDE depuis Karpov restaient dans l’ombre, soit Khalifman, Anand, Ponomariov, Kasimdzhanov et Topalov.

Le match Ian Nepomniachtchi vs Liren Ding

Aujourd’hui, même si le président de la FIDE, Arkady Dvorkovich, est une personnalité plutôt sympathique qui a oeuvré favorablement pour les échecs, il reste prisonnier de son passé, ayant été le conseiller du président russe Dmitri Medvedev en 2008 et vice-président du gouvernement en 2012. Il est affaibli par les conséquences de la guerre en Ukraine. Il ne peut à la fois critiquer « l’invasion de l’Ukraine par la Russie » et déclarer « que ses pensées vont aux civils ukrainiens » et, peu après, affirmer son soutien à l’armée russe et qu’il n’y a « aucune place pour le nazisme ou la domination de certains pays sur d’autres », sans se discréditer, comme il l’a fait en 2022.

Le match qui va opposer Ian Nepomniachtchi à Liren Ding à Astana, au Kazakhstan, confirme que le centre de gravité des échecs se déplace de l’Occident vers l’Asie. La Russie, qui voit en l’Union européenne un ennemi, s’est rapprochée de l’Asie en rejoignant la Fédération asiatique, alors que les trois-quarts de sa population vivent sur sol européen. Quant à la Chine, affaiblie sur le plan économique par une politique « zéro covid », elle n’est pas dans une confrontation directe avec la Russie.

La Chine va plutôt rechercher à resserrer ses liens devant la nécessité de trouver des matières premières pour renforcer sa position de 2e puissance mondiale derrière les États-Unis. Cela se fera au détriment de l’Occident, de plus en plus isolé, dont les valeurs démocratiques et les droits de l’homme ne sont pas vraiment une priorité dans plus de la moitié de la population de la planète.

Pour conclure, la FIDE, la valeur du titre du nouveau champion du monde et la visibilité du jeu d’échecs se retrouveront, eux aussi, sérieusement affaiblis. Une maigre consolation sur un plan purement échiquéen, la qualité des deux prétendants permet d’espérer que l’on pourrait être « déçu en bien ».

Par Georges Bertola, rédacteur en chef de la revue Europe-Echecs.

Les champions du monde d'échecs

NomAnnéePays
1Wilhelm Steinitz1886–1894
2Emanuel Lasker1894–1921
3José Raúl Capablanca1921–1927
4Alexander Alekhine1927–1935
5Max Euwe1935–1937
4Alexander Alekhine1937–1946
6Mikhail Botvinnik1948–1957
7Vasily Smyslov1957–1958
6Mikhail Botvinnik1958–1960
8Mikhail Tal1960–1961
6Mikhail Botvinnik1961–1963
9Tigran Petrosian1963–1969
10Boris Spassky1969–1972
11Bobby Fischer1972–1975
12Anatoly Karpov1975–1985
13Garry Kasparov1985–1993
NomAnnéePays
Champions du monde PCA
Garry Kasparov1993–2000
Vladimir Kramnik2000–2006
Champions du monde FIDE
Anatoly Karpov 1993–1999
Alexander Khalifman 1999–2000
Viswanathan Anand 2000–2002
Ruslan Ponomariov 2002–2004
Rustam Kasimdzhanov 2004–2005
Veselin Topalov 2005–2006
14Vladimir Kramnik2006–2007
15Viswanathan Anand 2007–2013
16Magnus Carlsen2013–2023
17Ding Liren
2023-

Publié le , Mis à jour le

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Les réactions (141)

  • Azimut

    😀😀😀

  • Pablo31100

    Maxime, il est trop gentil...

  • Azimut

    ". Surtout en ajoutant Alireza et son caractère sur le podium."
    Et Maxime ??

  • Pablo31100

    Ding est champion du monde grace à Magnus et ... Poutine.
    ..et aussi grace à l'impulsivité de Ian qui a "vendangé" certaines positions.

    Je pense aussi que c'est une grande opportunité pour les échecs. Celle que le (2eme) pays le plus peuplé du monde compte maintenant un champion du monde ce qui nous promet de nombreux futurs (grands) joueurs.

    Et enfin que le meilleur joueur du monde ne soit pas le champion nous ouvre des tournois plus incertains que jamais. Surtout en ajoutant Alireza et son caractère sur le podium.

    Vive les échecs, et vive le roi !

  • MauvaisFou

    Ding est vraiment revenu du diable vauvert ! Ca rappelle la victoire des Danois à l'Euro 92 de foot, quand ils avaient été repêchés suite au retrait de la Yougoslavie, alors en pleine guerre